Alassane Bala Sakandé : En route vers Kosyam ?  

Le président de l'Assemblée étaient évidemment de ceux-là qui guettait la présidence du parti qui, on le sait, est un large boulevard pour une éventuelle investiture à la présidentielle de 2025. Aujourd’hui, c’est chose faite. Après plusieurs années de batailles sans merci, après avoir réussi à se faire réélire avec brio à la tête de l’Assemblée nationale, après avoir réussi un bon score en tant que directeur provincial de la campagne de son parti aux élections présidentielle et législatives de novembre 2020, l’on peut dire que l’aile Bala a enfin triomphé au sein du MPP.

En tant que patron de la majorité présidentielle avec en son sein deux anciens chefs de file de l’opposition, et en face une opposition aujourd’hui presqu’en lambeau, qui peut bien arrêter la chevauchée de Bala ?

 Député, Président du groupe parlementaire du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), Président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, et Président du Mouvement du Peuple pour le progrès depuis le congrès extraordinaire de ce parti tenu les 24, 25 et 26 septembre,  Alassane Bala Sakandé a inexorablement, emprunté le chemin qui mène vers la Présidence du Faso. Arrivera-t-il à bon port ?

 

Discours sans fioriture, apparitions remarquées loin des salons feutrés aux cotés des petites gens, visites sur les terrains insoupçonnés. Le président de l’Assemblée nationale était d’un activisme débordant. Il multipliait les actions sur le terrain. L’on se souviendra encore de Alassane Bala Sakandé cédant 50% de son salaire de base aux orphelins, visitant un centre de traitement des déchets plastiques, le site de carrière de Pissy, mangeant avec des étudiants à Bobo, avec des vieilles à l’occasion de la journée internationale du refus de la misère. Le président de l’Assemblée nationale au centre pour mineurs en conflit avec la loi de Laye, promettant 50 millions de francs CFA, des tablettes et des ordinateurs à la radio nationale. Ou encore lui, payant les ordonnances de malades, ou construisant une maison pour un ancien combattant. La liste est longue et continue de s’allonger…

 

L’homme n’hésite pas à abandonner le langage diplomatique pour ”cracher ses vérités” même à ses compagnons politiques. Et publiquement. On n’oubliera pas sa sortie le 11 novembre 2017 lors d’une rencontre avec les membres du bureau politique national de son parti dans le Kadiogo. « L’énergie que vous investissez dans le colportage de fausses informations, si vous la mettiez sur le terrain du travail, le MPP serait loin », avait-il lancé.  La plus remarquée de ses sorties est sans conteste, celle de Manga à l’occasion de l’ouverture de la foire du 11 décembre. Bala Alassane Sakandé avait ainsi   fustigé l’absence des membres du gouvernement qui sont allés le même jour à la cérémonie d’inauguration d’un hôtel au même moment à Manga. Cette foire « a été boycottée parce qu’on m’a demandé d’être le parrain de cette cérémonie(…) les grands protocoles, les tapis rouges, je m’en balance !», avait asséné la deuxième personnalité de l’Etat. En rappel ses camarades politiques, Simon Compaoré, président par intérim du MPP à l’époque, et Jean Claude Bouda, alors ministre en charge de la défense nationale et secrétaire chargé de la réforme de l’Etat du parti présidentiel, étaient à l’inauguration de l’établissement hôtelier, provoquant ainsi le courroux du président de l’Assemblée nationale abandonné.

 

Le coup du destin

 

La trajectoire politique de Bala Sakandé a pris une tournure inattendue après la mort du président de l’Assemblée nationale d’alors, Salifou Diallo.  Le 08 septembre 2017 par 104 voix pour, 19 abstentions, deux voix contre et deux bulletins nuls, le deuxième secrétaire adjoint au secrétariat exécutif du MPP (parti au pouvoir), député élu sur la liste de la circonscription électorale du Kadiogo, et président du groupe parlementaire MPP est propulsé au perchoir de la représentation nationale. Difficile de remplacer Gorba, considéré comme l’un des hommes politiques aguerris du Landerneau politique national. Il avait du vécu, avait fait ses preuves, son simple nom faisait trembler certains politiciens, et pas seulement. C’est donc ce baobab écroulé que remplaçait Alassane Bala Sakandé presque inconnu des Burkinabè.  Dire qu’il flottait dans ses nouveaux habits de président de l’Assemblée nationale, n’est pas du tout une injure à son encontre.

 

Mais très vite, le ”petit” Bala ne tardera pas à multiplier les sorties terrain. Il ne se présente pas comme ce président de l’Assemblée nationale que l’on ne voit qu’au perchoir avec son maillet en main. Pas non plus comme le chef de l’hémicycle dans ses salons feutrés recevant des personnalités d’ici et d’ailleurs en audience. Bala Sakandé va à l’abordage, en se débarrassant de son costume pour arborer des tenues relaxes. Il descend ‘’dans la boue’’, vers le bas peuple, parle dans un langage accessible. Bien-sur, toujours avec la presse à coté pour rendre compte de ses faits et gestes et le présenter aux Burkinabè. Sa stratégie de com politique est bien huilée. En la matière son équipe de communicants, sortent des recettes innovantes.

 

Vers quels objectifs

 

L’on se demandait alors vers où Alassane Bala Sakandé courait si vite. Ce dont on était au courant, c’est que la bataille à la tête du parti présidentiel  faisait rage. Des vieux ténors tenaient toujours à mettre la main sur le parti du soleil levant, alors que les jeunes loups aux dents bien aiguisées affutaient leurs armes. Le président de l’Assemblée étaient évidemment de ceux-là qui guettait la présidence du parti qui, on le sait, est un large boulevard pour une éventuelle investiture à la présidentielle de 2025.  Aujourd’hui, c’est chose faite. Après plusieurs années de batailles sans merci, après avoir réussi à se faire réélire avec brio à la tête de l’Assemblée nationale, après avoir réussi un bon score en tant que directeur provincial de la campagne de son parti aux élections présidentielle et législatives de novembre 2020, l’on peut dire que l’aile Bala a enfin triomphé au sein du MPP. Désormais, la machine qui a servi à fabriquer les dirigeants du Burkina depuis 2015 est entre ses mains.  Dans les semaines et mois à venir, le nouveau président du MPP travaillera sans nul doute à positionner ses fidèles lieutenants dans les postes les plus stratégiques en vue de préparer 2025. Dès lors, l’on pourrait assister bientôt à un chamboulement du gouvernement et à l’élargissement de la base de la maison orange. Bala Sakandé n’a-t-il promis de travailler avec tout le monde ? Des cadres aux militants de base, il s’est engagé à être à l’écoute de tous : « Il y a un cap à maintenir, des obstacles à franchir, des batailles à décider, des choix à opérer, des défaites à assumer, des attentes à combler, des incompréhensions à lever, des colères à apaiser, des déceptions à supporter ».  Il dit donc vouloir rassembler et faire régner le pardon au sein de la famille orange

 

 

Arrivera-t-il à destination ?

 

Pour certains contempteurs de l’homme, son activisme débordant contraste avec les soucis que ces camarades à l’exécutif s’échinent chaque jour à résoudre. Pour eux, pendant que le gouvernement est au four et au moulin pour éteindre le feu allumé par les terroristes, pour faire face à la maladie à coronavirus et faire baisser la tension qui monte sur le front social, Bala Sakandé « ne pense qu’à sa propre ascension ». D’autres encore estiment qu’il n’a « aucune expérience de l’exécutif » et qu’il ne doit du reste son ascension qu’à la seule volonté du président Kaboré. Les plus sceptiques demandent qu’il justifie l’origine des moyens utilisés pour distribuer avec autant de largesses, des CFA à certains burkinabè.  Quand il n’est pas traité de ‘’populiste’’, le nouveau président du MPP est perçu comme un ‘’opportuniste’’. D’autres en référence à son passé militant sur le campus dans les années 1990 évoque le « gâteau » que lui et certains de ses camarades ont été. Certains également ne vont pas du dos de la cuillère pour asséner que le MPP en tant que parti au pouvoir depuis 2015 à plutôt travaillé à amenuiser les chances du Burkina d’amorcer son véritablement développement :   corruption, copinage, affairisme, insouciance face aux problèmes sécuritaires et sanitaires, pillage des maigres ressources du pays, incompétence, etc. sont entre autres griefs formulés contre ce parti.  A les en croire donc, Bala Sakandé ne saurait être l’homme de la rupture qu’il faut pour redresser la barre Burkina Faso. Ni sa gestion de l’‘Assemblée Nationale, encore moins ses prises de positions dans le débat public ne laisse croire que le PAN est porteur de changement qualitatif encore moins d’alternative crédible.

En dépit de toutes ces critiques, l’homme continue d’avancer ses pions, de ratisser large même au sein de l’opposition, surtout avec les avantages liés à sa double fonction de Président de l’Assemblée nationale, et désormais président du MPP. En tant que patron de la majorité présidentielle avec en son sein deux anciens chefs de file de l’opposition, et en face une opposition aujourd’hui presqu’en lambeau, qui peut bien arrêter la chevauchée de Bala ? Dans tous les cas, ceux qui croient être les porteurs du changement vrai et profond n’ont qu’une seule issue : se déterminer, s’organiser pour occuper le terrain, proposer aux burkinabè un nouveau pacte social qui rompt d’avec la politique de ces 30 dernières années et trouver les moyens d’en assurer le leadership, tout en travaillant à dynamiter de l’intérieur la grosse machine, battant pavillon vers le palais de Kosyam en 2025.

 

Inoussa Ouédraogo

 

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