ASCE-LC, FREE AFRIK et RENLAC : Le trio contre la corruption

Les panélistes: de gauche à droite Dr Rassabl-ga Ouédraogo, Dr Luc Marius Ibriga, le modérateur Ousmane Paré (au milieu) et Sagado Nacanabo. Photo : Bendré

L’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), l’Institut Free Afrik et le Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC) ont organisé le jeudi 16 décembre 2021 une conférence publique pour interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité de lutter de façon franche contre la corruption.

Alors que le Président du Faso vient d’annoncer une opération « mains propres », l’ASCE-LC, l’Institut Free Afrik et le RENLAC ont tenu un panel d’interpellation des autorités politiques sur la corruption. Selon le contrôleur général d’Etat, Dr Luc Marius Ibriga, le Burkina Faso dispose d’un cadre juridico-institutionnel de lutte contre la corruption renforcé depuis 2015. Il cite l’adoption le 4 mars 2015 de la Loi portant prévention et répression de la corruption dans le pays puis plus tard dans la même année en novembre, l’adoption de la Loi n°082-2015 sur l’ASCE-LC. L’institution nationale de lutte contre la corruption n’est plus depuis lors sous la tutelle du Premier ministre mais est devenue une institution nationale indépendante prévue dans la constitution burkinabè.

Au plan juridictionnel, note le contrôleur général d’État, il y a la création des pôles judiciaires spécialisés comme le pole judiciaire spécialisé dans la répression des infractions économiques, financières et de la criminalité organisée à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. « La justice a pu mener certains dossiers inimaginables dans la période précédente. L’ASCE-LC a de nouvelles perspectives. Ses membres sont des officiers de police judiciaire. Ils peuvent saisir le procureur du Faso », a indiqué Dr Luc Marius Ibriga. En plus de l’action de l’ASCE-LC, le contrôleur général d’Etat cite la contribution importante des organisations de la société civile comme le RENLAC et d’autres structures de refus de la corruption au Burkina Faso. « Nous avons vu émerger une presse d’investigation qui a le vent en poupe et qui dénonce la corruption sous toutes ses formes. Nous avons une opinion publique attachée à la bonne gouvernance et à la culture de la recevabilité », constate le patron de l’ASCE-LC.

De bons textes existent mais peinent à être effectifs. « Cinq ans après l’adoption de la loi sur l’ASCE-LC, tous les textes d’application ne sont pas encore adoptés. Pour l’ASCE-LC, il reste encore deux décrets d’application qui ne sont pas adoptés. Pourtant la loi organique prévoyait au plus un an pour adopter tous les décrets. Jusque-là des décrets sont en attente d’adoption. Cela traduit un manque de volonté politique », analyse le président de l’institution nationale de lutte contre la corruption au Burkina Faso.

Il cite le cas du maire de Kando épinglé par son institution dans un lotissement à polémiques et dont il a demandé la révocation conformément à la loi sur les collectivités locales mais qui est maintenu en poste malgré ses relances et même une lettre du Premier ministre d’alors Christophe Dabiré qui invitait le ministère de l’Administration territoriale à appliquer les recommandations de l’ASCE-LC. Puis l’exemple du directeur général adjoint de la Douane burkinabè mis en examen mais toujours en service et même en poste contrairement aux dispositions de la Loi sur le statut général de la fonction publique qui veulent que lorsqu’un agent public est poursuivi en justice qu’il soit suspendu jusqu’à intervention d’une décision judiciaire devenue définitive. Des agents de la commission nationale de lutte contre la fraude poursuivis pour corruption et d’autres infractions continuent de servir. Ce sont des exemples évoqués par le contrôleur général d’État pour prouver le manque de volonté politique au niveau de l’Exécutif en matière de lutte contre la corruption. L’ASCE-LC manque de moyens financiers. La norme de 0,1% du budget national qui devait lui revenir n’est pas appliquée par le pouvoir exécutif. L’institution manque de personnel. « En 2015, l’ASCE-LC comptait 30 contrôleurs d’Etat. Aujourd’hui il n’y a que 23 contrôleurs d’Etat », évoque Dr Ibriga.

«  Nous attendons des audits des dépenses des ministères de la sécurité et de la défense »

Le directeur exécutif de l’Institut Free Afrik, Dr Rassabl-ga Ouédraogo a été l’un des panélistes à cette conférence de dénonciation de la corruption. A l’en croire, la sécurité est la priorité numéro 1 du Burkina Faso. La corruption est une gangrène, souligne-t-il, car « une société corrompue est une société qui ne peut pas allouer des ressources conséquentes aux forces engagées sur le front de la lutte anti-terroriste. La corruption fait que des allocations budgétaires ne vont pas dans la direction où elles doivent aller. Elle fait que les équipements des forces de défense et de sécurité et le matériel ne sont pas de qualité. La corruption a l’effet d’alimenter l’insécurité, le terrorisme. La fraude sur le carburant, les trafics de tout genre alimentent le terrorisme. Cela crée des conditions de prospérassions du terrorisme. A l’Est, des populations soutiennent que des terroristes disent qu’ils veulent instaurer un État juste parce que l’Etat burkinabè est un Etat corrompu. La corruption fait que les pouvoirs publics ne peuvent pas être crédibles. » Selon Dr Rassabl-ga Ouédraogo, la corruption est au terrorisme, ce qu’est l’essence au feu. « Il faut que la gouvernance soit vertueuse. Si le renouveau annoncé, si l’opération mains propres annoncée est sincère, nous attendons des audits des dépenses des ministères de la sécurité et de la défense de 2016 à nos jours. C’est la condition du renouveau », martèle l’enseignant-chercheur en Economie.

Le secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC), Sagado Nacanabo est du même avis. Il a égrené sept principes à suivre pour une opération mains propres « propre. » Le responsable du RENLAC  appelle le chef de l’État à promouvoir l’exemplarité et l’intégrité dans sa gouvernance. Pour lui, l’opération mains propres passe par la lutte contre l’impunité. « Le président du Faso doit porter le patriotisme à son paroxysme dans sa gouvernance, bannir le conflit d’intérêt, le favoritisme, engager des mesures urgentes dans le domaine foncier, etc. », interpelle Sagado Nacanabo. Du reste, le 18 novembre 2021, avec l’ASCE-LC, ils ont adressé leurs recommandations en matière de lutte contre la corruption au président du Faso, Roch Kaboré.

 

Fatim Traoré

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