« Le dossier Sankara a fait quitter des gens de leur célibaterium  de Bilibambili à des duplex », Me Moumouny Kopiho

Me Moumouny Kopiho. Photo : Bendré

C’est l’expression d’un homme en colère. L’avocat Me Moumouny Kopiho a porté la voix du colonel major Jean Pierre Palm accusé de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat dans le procès de l’assassinat du président Thomas Sankara et de ses compagnons. Il a plaidé le mercredi 23 mars 2022.

Le colonel major Jean Pierre Palm est jugé dans le procès de l’assassinat du président Thomas Sankara. Il attend d’être situé sur son sort. Le parquet a requis 11 ans de prison avec sursis contre lui. L’officier supérieur a été renvoyé devant le Tribunal militaire de Ouagadougou pour complicité d’attentat à la sureté de l’Etat. L’accusé ne reconnait pas les faits. Pour son avocat, Me Moumouny Kopiho, les faits reprochés à son client sont parfaitement prescrits. « J’ai le sentiment d’être impliqué dans une parodie, dans une comédie », balance l’avocat dès les premières minutes de sa plaidoirie.

« Sankara s’est retrouvé au milieu d’idéologues du ventre »

A l’en croire, nous sommes en présence d’une opération « d’assassinat du droit », en train de sacrifier le droit pour légitimer certains actes. « Les ayants-droits des victimes doivent refuser cela. Dans ce dossier, je n’ai pas vu un seul accusé à qui on peut indexer un seul élément matériel palpable », soutient l’avocat. Selon Me Kopiho, le colonel major Jean Pierre Palm est brillant officier ayant fait ses preuves partout où il est passé. « Sa culture, ses compétences, son zèle dans l’exercice de son travail lui a créé des ennemis. Il a interpellé beaucoup d’activistes formatés par l’impérialisme et ses valets locaux. Sankara s’est retrouvé au milieu d’idéologues du ventre », assène Me Moumouny Kopiho.

L’avocat balaie les accusations du procureur militaire. D’après lui, son client n’a pas participé au coup d’Etat car, à l’époque, «  il n’avait même pas une chèvre pour condamner. On l’avait affecté à Bobo-Dioulasso pour écarter. Il s’est retrouvé fortuitement à Ouagadougou le 15 octobre 1987. Il a dormi chez le vieux Barry. Personne n’a pu contester cet état de fait. » Dans ce dossier, foi de Me Kopiho, ceux qui étaient chargés de veiller sur la sureté de l’Etat ont failli par incompétence et ont décidé de toute mettre sur son client Jean Pierre Palm, a évoqué l’avocat dans une salle quasi vide.

Salle d’audience déserte

Me Moumouny Kopiho persiste et signe. Il n’est pas sûr que l’on ait obtenu la vérité dans l’affaire Sankara. Il dénonce le peu d’intérêt des Burkinabè pour le procès. « Regardez la salle, on dirait ce n’est pas le procès Sankara. Si vous excluez la presse et les éléments de sécurité, vous n’avez pas 10 personnes », constate l’avocat de Jean Pierre Palm.

Il a eu quelques mots pour les témoins dont certains ont excipé de leur âge pour justifier de trou de mémoire. L’avocat de Jean Pierre Palm demande au Tribunal de ne pas tenir compte des « témoignages de haine, de rancunes, de règlement de comptes » dirigés contre son client.

« Ce pays souffre des gens incompétents qui sont à des postes. Au lieu de placer des compétents, on cherche des intellectuels vassaux qui servent sans personnalité. Il y a une arnaque dans ce dossier Sankara. Les ayants-droits des victimes méritent que leurs parents reposent en paix. Il faut arrêter cette comédie. Le dossier Sankara a fait quitter des gens de leurs célibaterium de Bilibambili (quartier de Ouagadougou) à des duplex, c’est de l’opportunisme de l’homme. Je suis outré, je suis révolté, je suis plein de colère. Dans ce dossier, la manipulation a été tellement importante que tout le monde se méfie de la vindicte populaire. Les coupables ont été déjà désignés et condamnés. On vous demande juste d’entériner. Cette comédie mensongère et cette parodie d’une autre époque doivent cesser. Après le 15 octobre 1987, des gens sont venus nous voir dans les amphis de l’Université de Ouagadougou pour nous demander d’adhérer à la rectification car le potentat Sankara conduisait le pays à la dérive. Ces personnes sont connues mais ne sont pas à la barre. Faut pas nous bagua bagua (ndlr embrouiller). On se sait ici. C’est le tribunal qu’on essaie de piéger. Heureusement que la loi vous offre une porte de sortie : le doute.  Ne rendez pas une décision qui va plaire à quelqu’un, fut-il le peuple. Il faut trancher ce dossier pour de bon. Il faut libérer ces gens. Même si ça va vous couter une retraite anticipée dans votre ferme de Komki Ipala (ndlr commune rurale située à plus de 35 kms à l’ouest de Ouagadougou) », a martelé Me Moumouny Kopiho.

Aya Ouédraogo

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