Procès du putsch: Les “manœuvres dilatoires” de la police et de la gendarmerie révélées
La gendarmerie et la police nationales ont-elles apporté un soutien au Général Gilbert Diendéré et à son Conseil national pour la démocratie ? En tout cas, les patrouilles de ces corps pendant le coup d’Etat laissaient penser une certaine complicité avec les putschistes. Des témoins et pas des moindres étaient à la barre la semaine dernière dans le cadre du procès du coup de force. Le directeur général de la police nationale à l’époque, Lazare Tarpaga et le commandant du groupement mobile de la gendarmerie nationale ont révélé qu’il était difficile de dire non frontalement au Gal Diendéré. Leurs attitudes consistaient à gagner du temps, chose que le présumé auteur réfute vigoureusement.
Le lieutenant-colonel Kanou Coulibaly, commandant du groupement mobile de la gendarmerie nationale au moment du coup d’Etat est le premier témoin non civil qui a comparu depuis le début du passage des témoins. L’homme a effectivement reconnu que ses hommes ont fait des missions de patrouille pendant le coup d’Etat. Mais cela n’était pas un soutien aux autorités du CND. Loin de là. En réalité, a expliqué le gendarme de 66 ans, lui et les commandants d’unités ont d’abord refusé d’effectuer ces missions. Ce, parce qu’ils étaient conscients que cet acte peut s’assimiler comme un soutien au Gilbert Diendéré et son groupe de putschiste.
En réponse, l’adjoint de la gendarmerie à l’époque, le colonel Serge Alain Ouédraogo les a prévenu que ce refus pourrait être considéré comme une rébellion. Et surtout, ce refus collectif mettait mal à l’aise le chef d’état-major général de la gendarmerie à l’époque, le Colonel-major Tuandaba Marcel Coulibaly. C’est ainsi que les éléments de la gendarmerie ont accepté de faire des patrouilles dans la partie nord de la ville de Ouagadougou, mais à conditions que le RSP cessent d’en faire. Trois sorties ont eu lieu dans la ville de Ouagadougou. Une aux alentours du camp, une autre à Tampouy dans les encablures du CMA Paul 6 et une troisième à Tanghin. Cette dernière n’a pu aller à son terme, parce que les pandores ont rencontré des éléments du RSP, ont rendu compte à la base avant de regagner le camp. Depuis cet instant, la gendarmerie n’est plus sortie, jusqu’à ce que les militaires des autres garnisons se mettent en route pour la capitale en vue d’en découdre avec l’ancienne garde prétorienne.
Mais une chose est sure, la gendarmerie nationale a été servie en grenade lacrymogène pendant le coup d’Etat, après avoir exprimé le besoin aux nouvelles autorités. 700 grenades ont ainsi été réceptionnées à cet effet. Mais à la barre, le lieutenant-colonel Kanou Coulibaly a révélé que c’était une parade pour gagner du temps. Il ne s’imaginait pas que le Général pourrait satisfaire cette demande. C’était sans compter avec les relations de ”Golf” qui a dépêché un hélicoptère pour aller chercher du matériel de maintien d’ordre venu de la Cote d’Ivoire à la frontière avec ce pays voisin.
Alors que le témoin explique que le matériel réceptionné n’a jamais été utilisé, et est toujours parqué dans les magasins de la gendarmerie nationale, le Gal Diendéré se dresse contre lui. «On ne demande pas du matériel de maintien de l’ordre pour aller stocker dans des magasins, pour admirer, décorer les bureaux de la gendarmerie ! » s’est offusqué l’accusé pour qui si la demande a été faite, c’était pour répondre à un besoin.
Le face à face Lazare Tarpaga- Gilbert Diendéré
Dans la soirée du 8 février 2019, c’est le contrôleur général de police, Lazare Tarpaga à l’époque du coup d’Etat directeur général de la police qui a commencé sa déposition. C’est l’un des témoins qui était le plus attendu dans ce coup d’Etat. L’opinion publique s’est toujours posée des questions sur l’attentisme suspect des Forces armées nationales et des forces paramilitaires notamment la police nationale durant les événements. Le contrôleur général de police Lazare Tarpaga a révélé que dès le 16 septembre 2015, alors même que la situation était floue du côté de Kossyam, il a reçu au moins cinq appels du Général Gilbert Diendéré. L’homme demandait le soutien de son interlocuteur, ensuite le soutien de toute la police, et des missions de patrouilles au carrefour de la télévision BF1 et à la place de la nation. “Bien reçu mon Général”, aurait répondu le directeur général à chaque demande du natif de Yako. Au regard de la situation avec l’arrestation de son ministre (en charge de la sécurité, du président et du premier ministre et des autres membres du gouvernement) et connaissant l’homme au bout du fil, le contrôleur général dit avoir été guidé par la prudence. “Je ne pouvais pas lui dire frontalement non”.
Dès lors, le directeur dit avoir compris que Golf devrait être derrière la séquestration des autorités de la transition mais refusait d’admettre qu’il s’agissait d’un coup d’Etat, bien que tout portait à le croire. Le témoin tente alors d’entrer en contact avec le chef d’Etat major général des armées, le Gal Pingrenoma Zagré et le chef d’Etat major de la gendarmerie nationale, le Colonel-major Tuandaba Marcel Coulibaly pour rendre compte de ses conversations avec le Gal Diendéré. Mais en vain.
Alors dès les premières lueurs du 18 septembre 2015, Lazare Tarpaga est dans les bureaux du CEMGA, Pingrenoma Zagré pour rendre compte. C’est en regagnant son bureau qu’il entendit la proclamation officielle du CND. Le coup était consommé.
Des manœuvres dilatoires en lieu et place d’un refus catégorique
Par la suite, les demandes du Général en vue des missions de patrouilles de la police nationale se sont intensifiées. Bien que n’étant pas d’accord, Lazare Tarpaga aurait usé de “manœuvres dilatoires” pour ne pas satisfaire les besoin de Dienderé. Manque de carburant, de matériel de maintien d’ordre, de ressources pour motiver les patrouilleurs ont été exposés au nouveau président du Conseil national pour la démocratie. Du matériel de maintien d’ordre fut donné à la police, des véhicules des “flics” ont été ravitaillés à la soute du conseil de l’entente. Et pour finir, le contrôleur général, Lazare Tarpaga révèle avoir reçu un appel du Capitaine Abdoulaye Dao l’informant de ce qu’il avait une somme d’argent pour lui. Le natif de Koupéla a donc envoyé un élément de la CRS récupérer l’enveloppe devant la radio nationale. 1 000 000 de F CFA, c’était le contenu de ladite enveloppe pour encourager les policiers qui devraient patrouiller.
Toutes ces déclarations ont été balayées par le Gal Diendéré appelé par le président du tribunal Seïdou Ouédraogo pour une confrontation. Pour le présumé cerveau du coup d’Etat, le contrôleur général de police Lazare Tarpaga est le prototype du faux témoin qui apporte de faux témoignages. Il soutient n’avoir jamais appelé le directeur général de la police le 16 septembre 2015. “Demander un soutien par rapport à quoi, j’étais qui en ce moment”, s’est interrogé ”Golf” qui reconnaît tout de même que c’est seulement dans la soirée du 17 septembre qu’il l’a appelé pour l’informer de ce que sa maison à Yako était menacée d’incendie par des manifestants. Il demandait alors que le DG envoie des policiers pour une intervention.
Le Capitaine Abdoulaye Dao a également nié avoir appelé Lazare Tarpaga, encore moins avoir donné la somme de 1 000 000 de F CFA. “Je n’ai pas instruit quelqu’un d’envoyer de l’argent au DG (Ndlr. Lazare Tapaga), a enfoncé pour sa part le Général Gilbert Diendéré. C’est sur ces oppositions que l’audition du témoin et des confrontations a pris fin. Elle se poursuivra cette semaine.