« Si j’avais participé à tuer  Sankara, pour ça au moins, on devait me décorer», Caporal Idrissa Sawadogo

Ce procès se tient en l'absence de l'ancien Président Blaise Compaoré, exilé en Côte d'Ivoire

Le Tribunal militaire de Ouagadougou a entendu les soldats Idrissa Sawadogo et Nabonsouindé Ouédraogo le jeudi 28 octobre 2021. Les deux hommes sont accusés de complicité d’attentat à la sureté et d’assassinat dans le cadre du dossier Thomas Sankara.

Pour le quatrième jour du procès dans l’affaire Thomas Sankara, la chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou a interrogé le caporal Idrissa Sawadogo. Il est accusé de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat et d’assassinat sur la personne du président Thomas Sankara et de ses compagnons le 15 octobre 1987. Incorporé dans les effectifs des Forces armées nationales en 1982, le caporal Sawadogo ne reconnait pas avoir participé au putsch contre le conseil national de la révolution. Son récit. Le 15 octobre 1987, il était de garde au conseil de l’entente. Vers 15H30, précise-t-il, le sergent-chef à l’époque, Hyacinthe Kafando l’a instruit d’aller renforcer un poste de garde au domicile de Blaise Compaoré, chef de corps du Centre d’entrainement commando (CNEC) de Pô et ministre de la justice. « Je suis allé avec ma moto L2. J’avais mon PA et ma kalache en bandoulière. Je suis allé trouver deux ou trois anciens à ce poste de garde. Vers 16h30, il y avait des coups de feu qui venaient de vers le conseil de l’Entente. Il y avait des gens qui fuyaient vers le centre-ville. Je suis resté là-bas jusqu’à 17h. Par la suite je suis allé voir ma mère à Tanghin et revenu au poste de garde à Delta nord (ndlr au domicile de Blaise Compaoré).  Après je suis allé voir Hyacinthe Kafando au conseil de l’Entente. Il m’a dit de rejoindre mon poste de garde habituel, le poste 520 », relate-t-il.

Est-ce qu’il y a au Burkina une médaille pour ceux qui ont tué un chef d’Etat ?

Selon cet emploi du temps dressé par l’accusé, il n’a pas participé au putsch contre le Conseil national de la révolution (CNR) et à l’assassinat de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons.

Mais le soldat de première classe Yamba Elysée Ilboudo, un de ses co-accusés, est formel. Pour lui, le caporal Idrissa Sawadogo était dans le commando qui a fait irruption au secrétariat du CNR et fait des tirs sur le président Sankara et ses camarades. Yamba Elysée Ilboudo explique avoir conduit le véhicule qui a transporté les membres du commando. « J’étais le chauffeur. Hyacinthe Kafando était le chef de bord. A l’arrière, il y avait Wampasba Nakoulma, Nabonsouindé Ouédraogo et Idrissa Sawadogo », indique-t-il. Il poursuit qu’une fois sur place, les membres du commando dont le caporal Idrissa Sawadogo sont tous descendus et ont commencé à tirer. « Le président Sankara est sorti pour demander qu’est-ce qu’il y a, ils ont tiré sur lui » ainsi que sur les autres membres de son équipe.

Le caporal Idrissa Sawadogo reste catégorique : « Yamba Elysée est malade. J’ai été son garde malade. » L’homme de 59 ans qui a passé plus de 30 ans dans l’armée n’a jamais reçu de décoration. A ce sujet, il signifiait dans le cabinet du juge d’instruction : « Si j’avais participé à tuer Sankara, pour ça au moins, on devait me décorer. » Cette déclaration a retenu l’attention de Me Jean Patrice Yameogo, avocat des parties civiles. Il demande alors à l’accusé si au Burkina Faso, il y a une médaille pour ceux qui ont tué un chef d’Etat ? Il a répondu par la négative. Me Zaliatou Aouba a défendu l’accusé. Elle a appelé le tribunal à tenir compte du niveau approximatif de français de son client.

Le caporal Idrissa Sawadogo a cédé sa place au soldat de première classe Nabonsouindé Ouédraogo également accusé de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat et d’assassinat. Il rejette les accusations portées contre lui. Il soutient n’avoir pas quitté son poste de garde au conseil de l’Entente le jour du 15 octobre 1987. Son interrogatoire se poursuivra le mardi 2 novembre 2021.

Aya Ouédraogo

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