Etat de la liberté de la presse au Burkina Faso : le rapport 2020 met en exergue la misère des journalistes

Le monde entier a célébré pour la 28è fois, la journée mondiale de la liberté de la presse. C’était le lundi 3 mai 2021 au Centre national de presse Norbert Zongo où le rapport 2020 sur l’état de la liberté au Burkina Faso a été présenté. La conclusion qui peut être tirée de ce rapport est que si le pays des hommes intègres remplit les conditions minimales favorables au rayonnement de la liberté de presse, des problèmes demeurent. Ces problèmes ont pour noms, entre autres, la précarité des journalistes, le régime fiscal défavorable aux entreprises de presse, les difficultés d’accès à l’information publique.

 

Depuis 2016, le Centre National de Presse Norbert Zongo publie un rapport sur l’état de la liberté de la presse au Burkina Faso. Fruit d’une évaluation par les pairs, le rapport présente, chaque année, un état des lieux de l’exercice de la liberté de la presse. Celui de 2020 a été élaboré dans un contexte de crise sanitaire, humanitaire et sécuritaire.

En termes de résultats, la moyenne générale de l’Indice de la liberté de la presse pour l’année 2020 est 2,41sur 4 points contre 2,50 en 2019. Ce chiffre, selon le coordonnateur scientifique du rapport 2020 sur l’état de la liberté de la presse, Dr Lassané Yaméogo, « indique un recul de la liberté de la presse même si la note 2,41 correspond à une situation plutôt bonne car située entre 2 et 3 ». Tous les cinq objectifs formant les critères de notation expriment d’ailleurs cette même réalité de « situation plutôt bonne ». L’arbre ne doit cependant pas cacher la forêt, selon Dr Yaméogo. Le chercheur en information et communication au CNRST estime que l’examen des indicateurs de chaque objectif permet de relativiser la « situation plutôt bonne ».  Des obstacles et des faiblesses subsistent et justifient en effet, le recul de l’Indice de la liberté de la presse en 2020.

Les problèmes de la presse burkinabè en 2020

Les véritables problèmes des médias burkinabè en 2020 sont entre autres : l’inadéquation du régime fiscal tenant au fait que les entreprises presse sont soumises au même régime fiscal que toute autre entreprise économique ; les actes criminels à l’égard des journalistes, en quatre cas de menace de mort à balle réelle, une attaque terroriste contre une radio, un cambriolage, deux condamnations ; le difficile accès à l’information publique dû certainement au fait que la loi 051-2015/CNT portant droit d’accès à l’information publique et aux documents administratifs n’est toujours pas suivie de décret d’application. A ces problèmes, s’ajoutent la précarité des journalistes en ce que leurs salaires sont très bas alors qu’une convention collective relativement intéressante adoptée en 2009 peine toujours à être effectivement appliquée ; la viabilité économique chancelante des entreprises de presse ; l’absence de soutien du marché de publicité par les agences de publicité et assimilés ; l’absence d’indice d’audience, de chiffres de tirage et de statistiques sur la consommation des médias électroniques (ces données, pour être fiables, doivent être produites par un cabinet ou une structure indépendante) ; l’absence d’études de marché et d’audience permettant aux médias de disposer de plans stratégiques d’amélioration de leurs recettes et de personnalisation du produit médiatique selon les besoins et intérêts du consommateur.

Une tendance baissière

Pour ce qui est de l’évolution de l’indice de la liberté de la presse durant les 5 dernières années, l’analyse des données faites par le consultant montre deux grandes tendances. Une tendance haussière entre 2016 et 2018 et une tendance baissière entre 2018 et 2020.  En définitive, les problèmes qui sont apparus en 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 et qui peuvent être considérés comme caractéristiques de faiblesses structurelles des médias burkinabè se résument comme suit : la précarité des journalistes, l’hostilité du régime fiscal appliqué aux entreprises de presse, et le difficile accès à l’information publique.

Pour conforter l’image reluisante du pays en matière de liberté de presse à l’échelle internationale (5è  en Afrique et 37è dans le monde en 2020), le coordonnateur scientifique du rapport 2020 estime « qu’il est temps de se pencher sérieusement sur ces obstacles et d’y apporter des solutions ». Aussi, est-il impérieux selon Dr Yaméogo, « que des études d’audience soient régulièrement menées pour mesurer la pertinence des contenus médiatiques à l’aune des attentes et besoins des consommateurs ».

 

JPS

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