Affaire Norbert Zongo : Les péripéties du dossier en justice

Lors du Club de la presse ce 13 décembre 2021. Me Prosper Farama au milieu. Photo : Burkina 24

Le  Centre national de presse a tenu le lundi 13 décembre 2021 un Club de la presse sur le dossier de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. L’un des avocats de la famille Zongo, Me Prosper Farama était l’invité.

« On vient des méandres des ténèbres ». Me Prosper Farama a débuté son intervention avec ces mots. Selon l’avocat, après l’assassinat de Norbert Zongo, une commission d’enquête indépendante avait été mise en place pour rechercher la vérité sur les tueries du 13 décembre 1998. Par la suite, le juge d’instruction saisi a mis en examen une seule personne : l’adjudant Marcel Kafando. « Le dossier est resté pendant jusqu’en 2006 où le juge a conclu à un non-lieu pour Hyacinthe Kafando et pour x.  Mais c’est une incongruité totale », se souvient encore l’avocat.

Autour des années 2007-2008, deux jeunes se signalent. Ils décident de témoigner contre François Compaoré. « Ils se présentent comme des cousins de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré. Les deux jeunes disent que François Compaoré les a reçus dans sa maison et leur a demandé de témoigner contre les autres membres de leur famille moyennant de l’argent. Nous avons écrit au procureur général  pour demander la réouverture du dossier. Le procureur a dit qu’il n’y a pas d’éléments nouveaux », explique Me Prosper Farama.

  1. Les avocats de la famille de Norbert Zongo et le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) saisissent la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour demander à cette juridiction de constater que l’Etat burkinabè a violé le principe du droit à une justice équitable. « L’Etat a dépêché trois avocats devant cette juridiction. La cour a appelé l’Etat burkinabè à reprendre les enquêtes dans le dossier et condamné l’Etat à indemniser les familles des victimes. La décision a été notifiée à l’Etat mais il a refusé d’exécuter la décision », détaille l’avocat.
  2. Le régime de Blaise Compaoré tombe suite à une insurrection populaire en octobre. Des domiciles des dignitaires ont reçu des visites peu amicales de manifestants. Le domicile de François Compaoré a été saccagé. Les manifestants y font des découvertes. Plusieurs documents en lien avec le dossier Norbert Zongo y sont retrouvés. « Tout le dossier d’instruction était chez François Compaoré. Quelqu’un dans le sillage judiciaire avait le malin plaisir de collecter des pièces du dossier pour lui. On a trouvé des factures qui attestaient qui François Compaoré payaient les honoraires de certains avocats », foi de Me Farama. Ces pièces ont été collectées, la justice saisie. Mais l’élément déclencheur dans la réouverture de ce dossier, c’est le discours du président de la Transition, Michel Kafando. Dans son discours d’investiture, il avait annoncé la réouverture du dossier Norbert Zongo et Thomas Sankara.

Les issues possibles

Au niveau de la Chancellerie, un nouveau doyen des juges d’instruction a été nommé au Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Il sera saisi du dossier Norbert Zongo. C’est véritablement lui qui va faire bouger les lignes. Il met en examen en 2015 trois militaires, tous membres de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) : Banagoulo Yaro, Christophe Combasseré et Wampasba Nacoulma (décédé en décembre 2020). Un mandat d’arrêt international est lancé contre François Compaoré. Les services de Interpol ne réagissent pas. Jusqu’en 2017 où le mis en cause accorde une interview à Jeune Afrique. Après cette interview, le frère de l’ancien président du Faso sera cueilli à l’occasion d’un de ses voyages à l’Aéroport Roissy Charles de Gaulles et présenté au Procureur général près la Cour d’appel de Paris.

La procédure d’extradition est ainsi enclenchée. De la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris à la Chambre criminelle de la Cour de cassation, François Compaoré et ses avocats perdent la bataille. Un décret d’extradition est signé par le Premier ministre français d’alors, Edouard Philippe.

Ce décret est attaqué devant le Conseil d’Etat. Le recours est rejeté. La voie de l’extradition est donc ouverte. Seulement voilà, les avocats de François Compaoré saisissent la Cour européenne des droits de l’Homme. Le 06 août 2021, cette Cour demande à la France de surseoir à l’extradition de François Compaoré en attendant qu’elle se prononce sur l’affaire.

Selon Me Prosper Farama, à l’étape actuelle de la procédure, le dossier peut être jugé sans François Compaoré. C’est la procédure du jugement par défaut. « Même si notre souhait, c’est qu’il soit là. Dans un jugement par défaut, il sera condamné, et à la peine maximale parce qu’il n’est pas là pour se défendre. L’autre issue, c’est d’attendre la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme. Devant la Cour européenne des droits de l’homme, nous avocats, on ne peut rien faire. Nous demandons à l’Etat d’insister sur le plan diplomatique sinon ce sera un signal envoyé à tous les fossoyeurs des droits humains sur le continent. Il y a une chose qu’il ne faut pas oublier : tous les juges du monde tiennent compte des mobilisations qui suivent les dossiers. Il n’y a qu’à rester mobiliser », interpelle Me Prosper Farama.

 

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