Burkina Faso : 500 millions pour être élu président

Palais présidentiel de Kosyam (DR)

Les mandats électifs coûtent chers au Burkina Faso. Ce sont plusieurs millions qu’il faut débourser pour espérer se faire élire président du Faso, député, conseiller municipal ou maire de commune d’arrondissement. Une récente étude de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique (ARGA/Burkina) en partenariat avec l’ONG Netherlands Institute for Multiparty Democracy (NIMD), donne des précisions sur le poids de l’argent dans le triomphe des candidats élus au Burkina Faso.

C’est une étude qui tombe à point nommé, dans une année électorale (2020). Débuté en novembre 2019, le rapport de cette étude piloté par l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique, section Burkina Faso (ARGA/Burkina) en partenariat avec l’ONG Netherlands Institute for Multiparty Democracy (NIMD) a été finalisé fin décembre 2019. Selon le document, l’argent est le nerf des élections au Burkina Faso. Pour être désigné candidat et pour se faire élire, il faut avoir une bonne cagnotte.

Selon les résultats de l’étude, même si dans les faits, tout le monde peut être candidat, « avoir de l’influence dans sa zone, être reconnu et surtout aimé de sa base » pèse beaucoup dans la balance.  Aussi les partis politiques mettent-ils en avant trois critères dans le choix des candidats. Il s’agit d’abord du militantisme, ensuite de l’audience locale et enfin le pouvoir financier, foi de responsables politiques entendus par ARGA/Burkina. L’audience pèse à hauteur de 43% dans le choix du candidat contre 41% pour le militantisme et la capacité financière 16%, lit-on dans le document.

Certes, il faut de l’argent pour se faire élire. Mais bien entendu, l’argent seul ne suffit pas…

Les militants contribuent à hauteur de 100 millions

Il ressort des données récoltées par la structure que les candidats qui n’ont pas de ressources financières suffisantes n’ont aucune chance. A ce sujet, voici ce qu’a confié un enquêté à ARGA : « Il y a beaucoup qui sont positionnés mais seuls les plus nantis sont choisis en fin de compte ».

Plus précis, un opérateur économique cité dans le document livre son analyse : « Il faut que ceux qui prétendent diriger la destinée des communautés soient eux-mêmes à l’abri du besoin. D’abord tous ceux qui vont en politique partent pour chercher l’argent. C’est l’argent qui fait la politique. C’est l’argent qui permet à un candidat d’être élu. Je crois que si tu n’as pas d’argent au Burkina Faso, tu n’es pas fou pour vouloir te présenter comme candidat ».

Aux échéances électorales, les militants des partis politiques sont appelés à apporter leurs contributions. La somme de ses contributions dans certains états-majors politiques s’élève à 100,050 millions au maximum et au bas mot à 74 000 francs CFA. Quant aux chefs de partis politiques, ils casquent entre 200 mille et 500 millions pour les combats électoraux.

Mais concrètement, pour se faire élire, combien les candidats injectent ? Selon l’étude, le montant varie selon qu’il s’agit d’une élection législative, municipale ou présidentielle. Pour être député, le candidat doit mobiliser en moyenne 8,46 millions de FCFA. Le siège à l’Assemblée nationale « coute » au plus 45 millions et au moins 500 000 francs CFA. Pour les élections municipales, il faut casquer au moins 1,24 millions pour s’offrir un mandat de conseiller municipal. Tout au plus, le candidat dépense 6 millions pour ces élections, selon ARGA/Burkina.

Et pour les présidentielles ? C’est là où la ploutocratie se manifeste le plus. Le candidat à une élection présidentielle peut dépenser jusqu’à 500 millions de FCFA. Pour donc espérer être Président du Faso suivant le chemin électoral, il faut casquer un demi-milliard de FCFA et être prêt à les y injectés dans l’affaire selon les données récoltées par l’équipe de chercheurs conduite par Boureima Ouédraogo, par ailleurs directeur de publication du bimensuel Le Reporter. En moyenne, une élection présidentielle engloutit 25 millions pour le candidat.

Autre fait majeur. Dans certains partis politiques, pour être positionné en tête de liste pour les Législatives dans la province du Kadiogo (Ouagadougou), il faut débourser 4 millions de francs CFA, foi d’un candidat non élu en 2015 cité par ARGA/BF.

Le rapport de cette étude fait état de ce que des opérateurs économiques confirment leur contribution au financement des élections pour certains candidats. « Je ne sais pas si l’argent est réellement remis au parti ou au président, mais nous donnions tous. Il fallait donner pour avoir la paix. Ce sont toujours des centaines de millions voire des milliards que génèrent ces rackets », a reconnu l’un d’entre eux.

Mais les élections ne coutent pas chères pour les seuls candidats ou partis politiques. Elles le sont aussi pour le budget de l’Etat. A titre illustratif, les élections couplées législatives et municipales de 2012 ont couté 30,8milliards au budget de l’Etat. En 2015, les présidentielles et législatives couplées 35 milliards et les municipales de 2016, 16 milliards.

L’Etat a casqué 1,2 milliards en mai 2017 pour les élections municipales complémentaires dans seulement 19 communes.

Aya Ouédraogo

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