Eviter l’hypertension artérielle: Voici les conseils du Dr Jacob Sawadogo
Maladie qui touche probablement le plus grand nombre de personnes dans le monde, l’hypertension artérielle (HTA) se définit comme une pression artérielle systolique supérieure ou égale à 140 millimètres de mercure et ou une pression artérielle diastolique supérieure ou égale à 90 millimètres de mercure. Au Burkina Faso, les études ont montré que dans la population adulte, plus de 40% de personnes présentaient de l’HTA. Des chiffres qui ont tendance à augmenter avec l’âge. Quelles sont les causes de cette pathologie ? Comment elle se manifeste ? Comment la traiter ? Médecin cardiologue exerçant à l’hôpital Schiphra, Docteur Jacob Sawadogo apporte des éléments de réponse.
Bendre (B) : Quelles sont les causes de l’HTA ?
Dr Jacob Sawadogo (Dr JS) : Dans 90% des cas, il n’y a pas de causes mais des facteurs favorisants (ce groupe correspond à ce qu’on appelle les HTA essentielles). C’est seulement dans environs 10% des cas qu’on retrouve une cause directe. (Ce groupe correspond aux HTA secondaires).
Le groupe des HTA secondaires comprend :
- Les hypertensions rénaux-vasculaires, qui sont le plus souvent liées à un obstacle ou à un problème au niveau des vaisseaux du rein.
- Les HTA suite à des néphropathies parenchymateuses, c’est-à-dire des problèmes liés au rein lui-même.
- Le phéochromocytome (tumeur surrénalienne)
- L’hyperaldostéronisme primaire (Adénome de Conh, hyperphagie bilatérale des surrénales)
- La maladie de cushing
- L’acromégalie
- Le syndrome d’apnée du sommeil
- L’HTA gravidique (Hypertension artérielle liée à la grossesse)
- La coactation de l’aorte (malformation congénitale)
- Les causes toxiques : Anti inflammatoire, réglisse
Bendre : Comment l’HTA se manifeste ?
Dr JS : Il n’y a pas de signes propres à l’HTA et c’est là toute la problématique. D’où l’appellation des anglo-saxons, « Le tueur silencieux » parce qu’on peut faire de l’hypertension très sévère et ne présenter aucun symptôme. Mais quelques fois, il y a des symptômes : les céphalées le plus souvent frontales, matinales qui peuvent varier en fonction des sujets. Des céphalées qui sont soulagés au début par des antalgiques, mais qui peuvent résister après. Il y a aussi des bourdonnements d’oreille, un flou visuel comme un voile au niveau des yeux. Ce sont des symptômes qu’on peut rencontrer mais qui ne sont pas propres à l’HTA et qui ne sont malheureusement pas rencontrés dans toutes les situations d’HTA. Très souvent, ce sont les complications qui vont faire remonter jusqu’au diagnostic de l’HTA.
Bendre : Quels sont les facteurs de risques ?
Dr JS : Il y a deux grands groupes : le groupe des facteurs de risque non modifiables et celui des facteurs de risque modifiables.
Facteurs de risques non modifiables
Ce sont les facteurs sur lesquels nous ne pouvons absolument rien faire. Il s’agit des facteurs liés à l’âge qui est le facteur le plus déterminant, des facteurs liés au sujet lui-même et à sa génétique.
Facteurs de risques modifiables
Il y a plusieurs éléments :
- La consommation excessive de sel de cuisine : selon l’OMS, il faut consommer 4 à 6 g de sel par jour. Dans nos ménages on est quelque fois à 12 g voir 18g peut-être par personne, voir plus par jour ;
- L’obésité tout comme le surpoids ;
- Le diabète ;
- La sédentarité. (Est sédentaire celui qui ne fait pas au moins trois jours d’activité physique sportive par semaine)
- Le stress ;
- Le trouble de métabolisme des graisses (dyslipidémies)
- Le tabagisme (quel que soit la forme)
- La consommation excessive d’alcool
Bendre : Qui sont les personnes à risques ?
Dr JS : Les personnes à risque sont tous ceux ou celles qui présentent un ou plusieurs facteurs de risque ci-dessus cités.
Bendre : Comment se fait le diagnostic ?
Dr JS : Le diagnostic de l’HTA se fait tout simplement en mesurant la tension artérielle à l’aide d’un tensiomètre.
Cette mesure peut se faire lors d’une consultation, ou par le patient lui-même ou par le mode ambulatoire (mesure ambulatoire de la tension artérielle sur 24h). Les mesures doivent être répétées.
La prise de la tension artérielle doit se faire dans des conditions bien précises. Il faut que ce soit dans une atmosphère qui est plutôt calme et détendue, il faut que le patient lui-même soit détendu, il faut qu’il soit au repos au moins dix minutes, il faut que le brassard soit adapté au morphotype de la personne dont on mesure la tension. Il faut que les mesures soient répétées pour confirmer qu’il s’agit d’une HTA.
Bendre : comment traiter l’HTA ?
Dr JS : Il se fait à plusieurs niveaux. Le premier niveau de traitement, c’est ce qu’on appelle les mesures hygiéno diététiques. Il faut que le patient réduise la consommation de sel, d’alcool, qu’il arrête de fumer. Il faut qu’il travaille à perdre du poids (pour les sujets obèses ou en surpoids), lutter contre la sédentarité (c’est-à-dire pratiquer une activité physique sportive au moins 3 fois par semaine). Ces mesures s’appliquent à toute personne qui fait de l’HTA quelque soit le degré.
Ce premier niveau suffit pour certaines personnes à normaliser leur tension artérielle sans médicaments. Mais si au bout de trois mois on n’a pas les résultats, on doit compléter avec des médicaments antihypertenseurs qui ne viennent pas remplacer ces mesures, mais qui viennent les compléter.
Il peut arriver qu’on mette immédiatement le patient sous traitement médicamenteux dès le premier jour.
La décision de traitement tient compte du risque global du patient.
Il y a d’autres type de traitement, notamment le traitement chirurgical qui consistait à faire la dénervation rénale, c’est-à-dire supprimer les nerfs au niveau des reins pour agir sur la tension artérielle. Mais ce ne sont pas des pratiques qui sont courantes.
Pour les HTA secondaires, il y a le traitement de la cause.
Certains patients pensent que, parce qu’ils sont jeunes et comme le traitement de l’HTA est à vie, ils ne vont pas commencer tout de suite à prendre le traitement. Ils veulent retarder parce qu’ils estiment que c’est trop précoce. Il faut savoir que ce n’est jamais trop tôt pour commencer un traitement si c’est une hypertension avérée. Plus vite on commencera le traitement, mieux on préviendra les complications.
Bendre : Est-ce que le traitement de l’HTA entraine une insuffisance rénale ?
Dr JS : L’insuffisance rénale est une complication possible de l’HTA et non du traitement de l’HTA. C’est l’hypertension elle- même surtout quand elle n’est pas prise en charge qui est possible cause d’insuffisance rénale. Ce ne sont pas les médicaments de l’HTA qui vont entrainer une insuffisance rénale.
Bendre : Quelles peuvent être les complications de l’HTA?
Dr JS : L’HTA quand elle n’est pas prise en charge peut entrainer des complications qui existent à plusieurs niveaux :
- Les complications au niveau du cerveau : un AVC (Accident vasculaire Cérébrale) qui est la complication qu’on rencontre souvent, quoi que l’HTA ne soit pas la seule cause de tous les AVC ;
- Au niveau des yeux : La rétinopathie hypertensive
- Au niveau du cœur et les vaisseaux : insuffisance cardiaque, une cardiopathie istémique ;
- Au niveau des vaisseaux : athérosclérose, ischémie aigue ou chronique
- Au niveau rénal : insuffisance rénale chronique
Bendre : Peut-on avoir des statistiques ?
Dr JS : L’HTA est un problème mondial. Il y a plus d’un milliards de personnes hypertendues dans le monde. Au Burkina Faso, les études ont montré que dans la population adulte, nous avons plus de 40% de personnes qui présentaient de l’HTA. Mais avec l’âge, ces proportions ont tendance à augmenter.
Bendre : Avez-vous des conseils pour les populations ?
Dr JS : Pour ceux qui sont déjà hypertendus, il faut suivre son traitement, son régime comme il se doit et pour ceux qui ne le sont pas, il faut travailler à retarder au maximum, l’échéance de l’hypertension, sinon à éviter définitivement de faire de l’HTA.
- Pratiquer une activité physique sportive
- Réduire la consommation de sel
- Réduire la consommation d’alcool
- Arrêter le tabac sous toutes ses formes
- Perdre du poids
- Avoir une alimentation saine, équilibrée
Aïda Ouattara