Fait divers: Stérile et fertile
On aime souvent accuser les autres pour nos erreurs. De nos erreurs. Un comportement d’autruche qui nous aide à vivre mieux, pensons-nous. Mais souvent, la réalité nous rattrape, nous force à lever la tête et à ouvrir les yeux. Pour regarder en face l’horrible conséquence de nos actes ou de notre destinée.
Cela se passe à Ouagadougou. Pas la peine de préciser le quartier. Parce que peut-être que la situation vous est arrivée, vous qui êtes en train de parcourir ces lignes. Ce n’est pas pour vous jeter l’anathème. Mais parfois, certaines vérités sont bonnes à ignorer et à ne pas figurer dans les annales de nos connaissances.
Cela se passe donc à Ouagadougou. Un homme vient de se marier. Il est heureux. Le contraire serait une aberration. Sa femme aussi est heureuse. Rien de tel que le visage d’une « Pougpala » pour découvrir la définition du mot « bonheur ». Les vœux prononcés à ces nouveaux mariés sont connus. Parmi eux, figure immanquablement celui qui leur souhaite d’avoir des enfants à en remplir la terre. Même si la tendance aujourd’hui est à la prudence, parce que la terre n’est plus si riche qu’à l’époque de nos ancêtres. Si tu fabriques une ribambelle d’enfants, il faut savoir que Dieu lui-même risque de ne pas répondre à tes appels à l’aide pour les nourrir.
Quoi qu’il en soit, on a souhaité au couple Sawadogo d’avoir de nombreux enfants. Qui feront leur bonheur et dont ils seront très fiers. « Amina », ont-ils dit.
Mais six mois plus tard, malgré les efforts de monsieur Sawadogo au pieux, malgré les conseils avisés des « experts » et autres techniciens expérimentés en opération « d’engrossement » vite et net, le ventre de madame Sawadogo refuse de s’arrondir.
Qu’à cela ne tienne, monsieur Sawadogo ne laisse pas le découragement frapper à sa porte. Toutes les brochures, tous les médecins susceptibles de l’aider à trouver un rejeton sont mis à contribution. La nuit également, madame Sawadogo ne lésine sur aucun moyen pour être disponible à l’œuvre collective de conception.
Les résultats, au bout de deux ans, déçoivent. Le mari finit par laisser entrer monsieur Découragement qui affiche un sourire de contentement. Il réussit à faire douter l’époux de l’épouse. Comme cela est de coutume, très vite, le conjoint pense que c’est la conjointe qui est le problème. Il commence à la regarder d’un œil torve. Les mimiques de son visage laissent transparaître l’idée que la femme qui veut l’empêcher de perpétuer la dynastie de son père. Ce dernier a sept enfants. Il est le huitième et le seul garçon. C’est cet effort de continuer la lignée de son arrière grand-père qui explique pourquoi son géniteur se retrouve avec une telle bordée de bambins.
Après tout ce sacrifice de son paternel, monsieur Sawadogo ne compte pas laisser une femme venir le honnir devant sa famille. Très vite donc, il se résout à écouter les appels du pied de certains membres de sa famille et les murmures sournois de ceux qui veulent qu’il prenne une deuxième femme.
Toutefois, marié sous le régime de la monogamie devant l’officier d’état civil, monsieur Sawadogo ne pouvait décemment pas envoyer une autre femme sous le toit conjugal. Il décide alors de conquérir une maîtresse, une femme qu’il va nourrir et caser dans une maison autre que celle où dort sa femme qui ne peut lui donner un enfant.
Scénario imaginé, action actée. Quelques deux mois plus tard, la maîtresse de monsieur Sawadogo est enceinte. L’échographie montre quatre mois plus tard qu’il s’agit d’un garçon. Fou de joie, il achète une superbe voiture à celle qui vient de sauver son honneur et sa dignité.
La camarade de classe
Quant à celle de la maison, il la relègue aux oubliettes. Celle-ci sent que son mari est train de l’échapper, si ce n’est déjà fait. Elle soupçonne que ce dernier mène une double vie. Mais il cache jusqu’à présent son manège et ne laisse transparaître aucune preuve de sa duplicité.
Elle résolut donc à endosser une deuxième peine, en plus de celle de savoir et de se dire qu’elle est une graine stérile, au sein de laquelle ne peut germer les fleurs de la vie.
C’est ainsi qu’un jour, au gré de ses randonnées dans un marché, elle rencontre une ancienne camarade de classe. Celle-ci est enceinte jusqu’au cou. De confidences en confidences, madame Sawadogo finit par expliquer son problème. Sa camarade de classe lui dit alors que les femmes ont un secret séculaire. Celui de tomber enceinte lorsque leur mari n’arrive pas à les enceinter.
En tous les cas, c’est ce qu’elle a fait avec son mari. Car, les hommes, orgueilleux et têtus, refusent d’accepter que ce soit eux la cause de l’absence de vagissements dans leur foyer. Elle a découvert par l’entremise d’un ami médecin que celui-ci était stérile. Elle a donc trouvé un « jeune fougueux » qui lui a doublement fait du bien. Et voilà le résultat !
Mais Madame Sawadogo est réticente. Son mari est son premier amour et son premier homme. Elle n’a jamais connu d’autre homme à part l’intimité de son époux. Comment pourra-t-elle du jour au lendemain le tromper ?
Sa camarade lui fait alors comprendre qu’elle a le choix : soit tomber enceinte et garder son mari, soit rester présumée stérile et vivre dans l’aigreur toute sa vie en voyant son mari aller voguer sur d’autres eaux.
Après réflexion et des nuits blanches, madame Sawadogo finit par appeler sa copine et lui manifester son désir d’avoir un enfant. Sa camarade lui donne alors un numéro de téléphone. Celui d’un jeune homme qui lui donne un rendez-vous (le jour de sa fertilité), un lieu et une somme d’argent à apporter. Eh oui ! Parce que le « service » n’est pas gratuit. Etre papa est tout de même un lourd et harassant travail.
Madame Sawadogo trouve l’importante somme d’argent et ce qui doit être fait a été fait. Trouvant des astuces pour que son mari couche ensuite avec elle, quelques mois plus tard, ce dernier a eu du mal à ne pas sauter de joie en apprenant que sa femme était enfin enceinte. Pour fêter cela, il invite plusieurs amis et, machiavélisme de l’homme, il fait venir sa maîtresse avec son gros ventre.
Pendant cette soirée-là, la maîtresse a su que son ancienne camarade de classe est sa coépouse. Le monde n’est-il pas merveilleux ?