Fait divers: Vous avez dit amitié entre homme et femme ?
L’amitié est-elle possible entre une femme et un homme ? Impossible, répondront majoritairement ceux d’entre vous qui êtes en train de lire. Lisons donc cette histoire pour voir si nous aurons toujours le même verdict au point final.
A Ouagadougou, deux enfants ont grandi ensemble. Il s’agit d’une fille et d’un garçon. Ils ont parcouru le chemin de l’école. La puberté leur a rendu visite ensemble. L’une s’appelle Natacha et l’autre, Grégoire. Ce sont de grands amis. Le garçon prenait la défense de la fille lorsque qu’elle se faisait embêter par d’autres garçons. La fille de son côté prenait soin de l’apparence du garçon.
Ce sont de vrais complices. Des amis inséparables. On aurait dit des frères et sœurs. Leurs parents finirent par être contaminés par cette amitié nouée dans la rue, en face de leurs portails. Ils finirent par se rendre visite, à participer à leurs évènements heureux et à compatir avec leurs histoires tristes.
Les senteurs de l’amitié entre deux enfants ont donc rapproché deux familles, deux entités qui ne se connaissaient pas auparavant et qui n’étaient pas censées se rencontrer et se rapprocher. L’innocence faite corps et âme l’a fait.
Lorsque ces deux êtres humains ont commencé à respirer l’odeur de l’adolescence, les deux familles ont commencé à penser à d’autres éventualités, d’autres possibilités qui dépassent le cadre de l’amitié. Et, comme dans une parfaite entente tacite, les pigeons ont débuté une farandole murmurante dans l’oreille des deux amis. L’objectif était clairement affiché : les marier.
C’est donc ce projet qui a commencé à trottiner dans la tête des chefs de famille et des mères des deux « enfants ». Tant et si bien qu’ils se rapprochèrent davantage. Et comme Dieu ne fait jamais les choses au hasard, les jeunes gens réussirent à leur BEPC ensemble, leur BAC en concerto et leur master dans le même tempo. Et les voilà qui ont une bourse ensemble et les voici qui embarquent dans l’avion pour la même université aux États-Unis d’Amérique.
Les larmes aux yeux, les deux paires de parents regardèrent l’oiseau de fer décoller et dessiner dans le ciel, un dessin. Il représente un espoir de retour de leurs enfants bardés de diplômes, promis à de beaux emplois et surtout, à un mariage princier auquel ils assisteraient.
Cinq ans plus tard en effet, les deux tourtereaux revinrent de leurs études du pays de l’Oncle Sam. Chacun d’eux était docteur en médecine spécialisée du cœur. Ils vinent soumettre un projet à leurs parents. Ces derniers, heureux, pensaient déjà robe de mariée ou gâteau de mariage. Mais ils leur firent comprendre qu’ayant excellé dans leur domaine, ils ont eu le soutien d’un mécène américain pour ouvrir un laboratoire d’analyses médicales, mais aux États-Unis. Ils devraient donc y repartir pour une durée d’au moins cinq nouvelles années.
Mais aux yeux des parents, les enfants grandissaient. Disons, qu’ils avaient fini de grandir et marchaient vers l’âge de la ménopause et de la vieillesse. Pourquoi ne se mariaient-ils pas d’abord, n’auront-ils pas des enfants, avant de penser à retourner chez l’Oncle Sam ? Qu’est-ce qui les empêchaient du reste de se marier maintenant et de continuer la suite de l’histoire dans ce pays-là ?
Les enfants leur promirent qu’ils y penseront fortement et qu’ils ne seront pas déçus. Les parents acquiescèrent. Malgré eux. Et voici les « tourtereaux » à nouveau dans l’oiseau de fer, décollant vers des horizons si lointains et si distants aux yeux de leurs géniteurs.
C’est alors qu’une mère décida de convoquer une des sœurs de Natacha pour lui poser des questions d’ordre féminin et hautement inquisitrices sur la nature de la relation entre sa fille et Grégoire. Les interrogations demandaient « les as-t-u déjà vu s’embrasser » avec les réponses du genre « non, à vrai dire jamais ». Curieuse, cette mère alla voir la mère du garçon et de fil à aiguille, elles slalomèrent entre le doute, la suspicion pour finir par conclure qu’il y avait finalement bel et bien « quelque chose » entre leurs enfants. Leur doute fut levé et ils se mirent à penser à un enfant, à défaut d’un mariage.
Cinq ans plus tard, les « enfants » annoncèrent leur retour. A l’arrivée, à l’aéroport, il n’y avait pas deux arrivants, mais quatre. Il n’y avait pas une fille et un garçon. Il y avait deux filles et deux garçons. Il n’y avait pas que Grégoire et Natacha. Mais il y avait Grégoire et une fille et Natacha et un garçon. La surprise et l’incompréhension élurent domicile sur le visage de ceux qui sont venus les accueillir.
Mais comme depuis le début de cette histoire, ils conclurent rapidement et après une légère analyse, qu’il s’agissait certainement d’amis rencontrés aux États-Unis, à l’aéroport pendant le vol ou en tout cas, à tout sauf à ce à quoi Natacha et Grégoire allèrent par la suite leur dire à peu près en ces termes :
« Chers parents, nous sommes fiers de vous. Nous sommes heureux que vous ayez accepté et cru en notre amitié, que vous l’ayez nourrie, que vous ayez veillé sur elle comme le ferait une mère sur un tison de feu en temps de froid pour que son enfant profite de la chaleur du foyer. Nous sommes d’autant heureux que vous avez pensé à rendre immortelle cette amitié en nous mariant. Et pour la première fois depuis si longtemps, nous allons devoir vous décevoir. Notre amitié est si sacrée, si profonde qu’elle a épousé les liens tout aussi du sang et de la fraternité. A tel point que nous ne pouvons plus penser à commettre le sacrilège de la chair. Vous allez donc devoir accepter notre demande de pardon et à nous marier avec les formidables frère et sœur que nous avons rencontrés aux États-Unis. Ce sont des jumeaux et la sacralité de leur lien de sang fait écho à notre amitié. Chers parents, si vous le consentez, les parents de nos deux amours sont à Dapoya et c’est avec honneur et plaisir que nous vous conduirons auprès de leurs familles pour que nous puissions nous agrandir ».
Alors, êtes-vous toujours sur votre position en lisant ce point d’interrogation final ?