Fait divers: La rançon de la jalousie
Être jaloux, c’est mignon dans une relation amoureuse. Cela met du piment dans le rapport et rassure le conjoint que l’amour n’est pas feint et qu’il revêt une grande importance aux yeux de l’autre. On ne craint de perdre que ce à quoi on tient le plus. Cependant, et c’est connu, tout excès nuit. La jalousie virale ne peut conduire qu’à une chose : la catastrophe.
Wayalguin. Quartier de Ouagadougou. Martin a croisé Sophie dans une pâtisserie. Ils se sont vite entichés l’un de l’autre et les salamalecs n’ont pas été trop longs avant que la belle n’accepte les avances empressées et pressantes du beau chevalier du 21e siècle.
Les choses s’annoncèrent torrides dès le décollage. Une passion dévorante et envahissante déferla sur le cœur des deux tourtereaux. A tel point qu’ils n’imaginaient pas passer une journée, que dis-je, une heure sans se voir, sans s’entendre, sans se sentir, sans se toucher. Pourtant, les deux amoureux travaillaient. Ils avaient chacun un boulot. Martin travaillait dans une boulangerie à Dassasgho et Sophie aidait dans un salon de coiffure. Malgré tout, ils trouvaient le moyen d’être au courant de ce que fait l’un et l’autre.
Leur entourage trouva cela très beau. Mais comme d’habitude, il y a toujours des trouble-fête pour chercher, projecteurs d’hélicoptère à l’appui, des traces de poux sur une tête totalement rasée et enduite de beurre de karité fondu ! Ces mégères et ces hommes qui ne savaient que faire de leur temps que Dieu leur a si gracieusement offert, estimaient qu’ils en faisaient trop, qu’ils n’étaient pas les premiers à découvrir les délices de l’amour et que dans tous les cas, les choses n’iraient pas du tout loin entre les deux « prétendus » amoureux.
Amour vrai
Qu’à cela ne tienne, l’idylle entre Martin et Sophie dura 6 bons mois. Si longtemps, puisque la durée de cette relation battait le record de bien des roucoulades sous le ciel de Ouagadougou, qu’ils commencèrent à penser sérieusement à vivre ensemble. Sophie fut la première à émettre cette idée. Mais Martin estima qu’il fallait qu’ils sacrifient à la tradition catholique qui veut que le fruit défendu ne soit consommé et l’union des cœurs ne soient actés que par une prestation de serment devant Dieu et les hommes, dans une maison de Dieu. Chose formulée, chose mise en branle.
Martin présenta officiellement sa dulcinée à ses parents. Ces derniers la trouvèrent convenable et que de toutes les façons, que pouvaient-ils y dire puisque le cœur de leur enfant l’avait choisie. Le discours ne fut pas différent dans la famille de Sophie. Et il fut même question de faire en sorte que, vu les conditions de travail modestes des deux futurs mariés, les démarches et autres procédures leur soient le plus simplifiées.
C’est ainsi que le mariage coutumier, habituellement nommé « PPS », fut célébré à Ouagadougou. Les parents de Sophie au village en effet, effectuèrent le déplacement de la capitale pour accomplir les rites coutumiers et recevoir « la cola » de la famille de Martin, marquant officiellement l’union désormais sacrée entre les deux familles, qui n’en forment dorénavant qu’une.
Cet acte accompli, place maintenant aux formalités civiles et religieuses : le mariage à la mairie et à l’église. Les familles se mirent en mouvement pour accomplir et mener à bien ce qui va rendre heureux, bienheureux et comblés leurs deux enfants.
La date fut choisie et fixée. Il ne restait plus qu’à Dieu de permettre que ce jour arrive avec un cortège de santé de fer et d’optimisme sans ombrage pour que Martin et Sophie coulent enfin de beaux jours dans leur foyer.
Un jour, à quelque une semaine du mariage, Sophie marqua un arrêt à la boulangerie pour faire une surprise à son « chéri Martini », comme elle l’appelle, et prendre un peu de pain pour sa famille. Mais arrivée, une collègue de son futur époux, perfide à souhait comme Satan sait si bien les modeler, lui fit comprendre que Martin a quitté le service depuis une heure de temps derrière la moto d’une « jolie demoiselle bien sexy comme ça » !
Cette précision piqua Sophie au vif. Car, Martin la mettait toujours au courant du moindre de ses mouvements et ce « déplacement » avec une « jolie demoiselle bien sexy comme ça » ne lui disait rien qui vaille. Une première salve de jalousie lui mordit le cœur, à pleines dents.
Vengeance, un plat qui se mange chaud ?
Sophie prit son téléphone et composa le numéro de son chéri. Le téléphone sonna en vain. Une deuxième salve de jalousie lui griffa à nouveau le cœur. Elle relança l’appel. Pas de réponse au bout du fil. Ce fut cette fois-ci une bombe de jalousie qui tomba et envahit le territoire de son cœur, dévastant et annihilant tout vestige de la raison, de la sagesse, de la réflexion et de la logique.
Furieuse, elle s’approcha à nouveau de la diablesse faite femme et lui demanda si elle n’avait pas plus de détails sur l’endroit où ils sont allés. Elle ne demandait que cela et se livra donc avec un plaisir machiavélique, en lui donnant avec force détails, l’itinéraire, les feux tricolores à dépasser, le nombre de carrefours à contourner pour aboutir à cet hôtel où son « chéri Martini » est allé servir d’apéritif à cette « jolie demoiselle bien sexy ». Elle ne manqua pas non plus de décrire la couleur du scooter qui a servi à convoyer son « chéri ».
Furieuse, la rage grondant dans son cœur, faisant entrer en éruption de ses yeux où déferlait une lave lacrymale de dégoût, d’amertume et de déception, Sophie fonça à l’hôtel en question. Elle y trouva la moto en question et vit Martin, tout sourire et content, ressortir de l’hôtel avec effectivement une « jolie demoiselle bien sexy comme ça » !
Rebroussant chemin, dévastée, anéantie, Sophie passa par toutes les étapes avant de finir par celle de la vengeance. Ne réfléchissant plus, le cœur noirci par la jalousie, elle alla frapper à la porte du voisin de Martin qui lui faisait des avances depuis longtemps et combla les désirs de ce dernier qui ne se fit pas prier pour dévorer ce fruit inattendu qui lui tombait directement dans la bouche.
Cela fait, Sophie attendit que Martin revienne à la maison, qu’elle lui fasse comprendre ce qu’elle venait elle aussi de faire, avant de tomber dans les pommes lorsque Martin lui dit ceci : « Mais chérie, j’étais allé louer la chambre où nous allions passer notre nuit de noces !! ».