Françafrique : « Macron est tombé dans le piège africain »

Le chef de l’État ivoirien décide, pour « cas de force majeure », de se représenter en vue d’un troisième mandat. C’est une grande désillusion pour Emmanuel Macron, qui espérait que son homologue ivoirien achève son mandat en beauté en incarnant l’exemple démocratique selon l’auteur de « Arrogant comme un Français en Afrique ». Antoine Glaser montre dans son dernier livre que ce ne sera pas « la seule déconvenue africaine du président français, confronté aux chausse-trappes d’un continent émancipé et redevenu géostratégique ».

Emmanuel Macron lors de sa visite au Burkina Faso en novembre 2017

Comme ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande avant lui, Emmanuel Macron a lui aussi annoncé la mort de la Françafrique après son élection en 2017. Mais voilà. Quatre années après, la réalité du terrain ou tout simplement la realpolitik a pris le dessus. C’est en tout cas ce que tente de faire comprendre les journalistes français, Antoine Glaser et Pascal Airault, dans leur dernier livre intitulé « le piège africain de Macron ».

Dans « le piège africain de Macron », le journaliste spécialiste de l’Afrique, Antoine Glaser et son confrère Pascal Airault reviennent sur un certain nombre de fait qui prouvent qu’Emmanuel Macron est lui aussi tombé dans ce qu’ils ont qualifié  de ”piège africain” comme ses prédécesseurs. Premier exemple. La décision du président ivoirien Alassane Ouattara de ne pas se présenter à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. « J’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 et de transférer le pouvoir à une jeune génération », avait-il déclaré, péremptoire, le 5 mars 2020. Dans la foulée, écrit Glaser, c’est un Emmanuel Macron enthousiaste qui avait tweeté : « Je salue la décision historique du président Alassane Ouattara, homme de parole et homme d’État, de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Ce soir, la Côte d’Ivoire donne l’exemple. » Mais le 8 juillet 2020, le décès d’Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre et candidat désigné d’Alassane Ouattara à la présidentielle du 31 octobre, est venu remiser les plans. Le chef de l’État ivoirien décide, pour « cas de force majeure », de se représenter en vue d’un troisième mandat. C’est une grande désillusion pour Emmanuel Macron, qui espérait que son homologue ivoirien achève son mandat en beauté en incarnant l’exemple démocratique selon l’auteur de « Arrogant comme un Français en Afrique ».

Le livre d’Antoine Glaser et Pascal Airault est disponible dans les librairies. Ph DR

Antoine Glaser montre dans son dernier livre co-écrit avec Pascal Airault que ce ne sera pas « la seule déconvenue africaine du président français, confronté aux chausse-trappes d’un continent émancipé et redevenu géostratégique ». Pour lui en effet, « même avec un petit médaillon du général de Gaulle sur son bureau, Emmanuel Macron a tout à apprendre de l’Afrique francophone quand il s’installe à l’Élysée le 14 mai 2017. Ce ne sont pas les quelques mois qu’il a passés en 2002 au Nigeria comme stagiaire de l’ENA qui l’ont préparé à appréhender l’ambiguïté des relations de l’ex-pré carré avec l’ancienne puissance coloniale ».

Nouvelle stratégie, même résultat

L’autre piège africain dans lequel Emmanuel Macron est tombé selon Antoine Glaser est celui de la présence militaire française sur le continent. « Un peu imprudemment, le candidat en campagne Macron avait évoqué, s’il était élu, le retrait des 4 500 militaires de l’opération Barkhane – pas question de s’enliser dans les sables du Sahel ! Mais une fois au pouvoir et après plusieurs visites de terrain, « le chef de l’État comprend, tardivement, que le piège n’est pas que militaire, mais aussi politique » écrit-il. Pour sauver un peu la face, le président Macron ne retire pas les troupes françaises qui sont engagées au Sahel mais il change de méthode. « Emmanuel Macron change de stratégie pour limiter les dégâts politiques et financiers. Il réduit essentiellement le champ des opérations de la force Barkhane au contrôle de trois frontières (soit une surveillance ramenée de 5 millions à 600 000 kilomètres carrés), tout en engageant l’armée française à prendre le leadership d’une coalition européo-sahélienne ».

Face à toutes ces déconvenues en terre africaine, le président Macron joue selon Antoine Glaser, « un joker inédit » : « l’Afrique » en France. Il crée pour cela un Conseil présidentiel pour l’Afrique composé essentiellement de Français originaires du continent, dans le dessein de dépoussiérer la politique africaine de l’Hexagone. Mais au terme d’une enquête de deux ans auprès de multiples interlocuteurs, les auteurs dressent un constat implacable : malgré des succès, l’ardoise magique de la « génération Macron » n’a pu effacer d’un trait, plus d’un demi-siècle après les indépendances, des relations ambiguës. L’offensive de charme, notamment auprès des diasporas, du chef de l’État n’a pas réussi à convaincre l’électorat des banlieues, comme il l’admet dans une longue interview exclusive. Une épine dans le pied à l’approche de la présidentielle de 2022 ? S’interroge Antoine Glaser et Pascal Airault dans « le piège africain  de Macron ».

 

Jean Pierre Sawadogo

 

 

 

 

 

 

 

Laisser un commentaire

shares