Me Kyelem de Tambela : un an après, le temps de la critique et de l’autocritique…

Sa nomination à la tête du gouvernement de la Transition du MPSR2 le 21 octobre 2022 a surpris plus d’un et pour cause. Me Apollinaire Kyelem de Tambela, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’est connu de nombreux de ses compatriotes que depuis quelques années grâces notamment à ses interventions tranchées sur les plateaux de télévisions et sur les stations de radio. On peut même affirmer sans risque de se tromper, que c’est par l’entremise des médias que le capitaine Ibrahim Traoré, le tombeur du lieutenant-colonel Paul Henri Damiba Sandaogo, s’est intéressé à son profil et à le nommer in fine chef de son gouvernement.

Il faut le dire, Me de Tambela, en bon avocat, avait le don de la rhétorique. Il avait le verbe comme on le dit souvent. Ses positions tranchées, sa grande culture, sa connaissance de l’histoire et des enjeux géostratégiques et géopolitiques séduisaient plus d’un. Ce qui faisait encore le charme ou la personnalité de l’homme, c’est sans doute son humilité à travers un habillement modeste et même austère et sa revendication de l’héritage du père de la Révolution démocratique et populaire à qui il a consacré un ouvrage au titre évocateur : « Thomas Sankara et la révolution au Burkina Faso, une expérience de développement autocentré ». Son choix à la primature avait fini de convaincre plus d’un de l’orientation sankariste que voulait imprimer Ibrahim Traoré à la Transition, après que ce dernier ait reçu des mains des dirigeants du Mémorial Thomas Sankara, le flambeau de la continuation des œuvres du père de la Révolution.

Une année après, on est en droit de se demander si Me de Tambela n’a pas été piégé par sa nomination à la tête de l’exécutif burkinabè ? La question mérite d’être posée tant le chef du gouvernement semble n’être que l’ombre de lui-même. En effet, pour qui avait l’habitude de suivre les interventions du directeur du Centre de recherches internationales et stratégiques (C.R.I.S), on pouvait s’attendre à ce qu’il engage des reformes audacieuses, même si l’expérience a montré que la gestion des affaires d’Etat est différente de la critique de ces mêmes affaires.

Pourtant, la première sortie médiatique du PM chez nos confrères de Radio Oméga laissait présager une volonté de faire bouger les lignes ; Extraits : « nous allons baisser les salaires du Président et des membres du Gouvernement. Le Président est d’accord et moi aussi ». « On ne peut pas développer le Burkina Faso en dehors de la ligne tracée par Thomas Sankara… Nous devons consommer ce que nous produisons. Le Président m’a fait comprendre que ce qui le préoccupe, c’est la sécurité et le retour des populations déplacées. Il va s’occuper de l’aspect sécuritaire et moi de l’aspect civil… » ; « Peu importe le partenaire avec lequel nous allons travailler, il devra nous respecter… Nous verrons comment diminuer le prix du carburant car quand le carburant flambe, tout augmente… ».

A l’heure du bilan un an après ? Que retenir ? Peut-on dire que le premier ministre s’occupe vraiment de l’aspect civil de la gestion de la Transition? En effet, en dehors de sa déclaration de politique générale en novembre 2022, son discours sur la situation de la nation en mai 2023 et ses quelques voyages à l’étranger, notamment en Russie, au Nicaragua, au Venuzuela, etc.  Me de Tambela n’assure à notre avis que le service minimum. L’homme n’est réduit qu’à accorder des audiences au cours desquelles il a pris l’habitude de tancer certains visiteurs, ainsi qu’à présider des cérémonies.

Ceux qui espéraient le voir jouer le même rôle que son homologue malien, Choguel Kokalla Maïga (les deux premiers ministres sont nés en 1958) à travers notamment des discours et des sorties remarquées, ne peuvent que déchanter. Ceux qui attendaient également de ce disciple de Sankara, l’amorce d’une véritable politique de développement autocentré, une politique sociale en faveur des couches pauvres et vulnérables peuvent encore attendre. Bien au contraire, l’on assiste plutôt à une politique de type libéral avec une ouverture de plus en plus prononcée vers les institutions financières internationales, notamment le FMI et la banque mondiale,  une inflation galopante, et une politique fiscale étouffante.

Qu’est-ce qui peut bien expliquer cette situation ? Tembela semble tout être, sauf la locomotive du gouvernement. C’est à se demander si le premier ministre burkinabè a les coudées franches pour dérouler son programme ? Où est-il simplement rattrapé par la « real politik » ?

En tous cas, celui qui incarne le plus cette fonction de chef de l’Exécutif semble être, le ministre d’Etat, Bassolma Bazié. A défaut d’être la locomotive, il semble en être la colonne vertébrale. En effet, on ne compte plus ces interventions musclées dont la dernière en date à la tribune de la 78 e AG de l’ONU à New-York. Pour les mauvaises langues, c’est l’ancien chef syndicaliste, « le général » Bassolma Bazié qui est en réalité le premier ministre de la Transition. Apollinaire Kyelem de Tambela n’étant qu’un premier ministre de nom. En dehors de ses voyages sur les traces du Capitaine Sankara dans certains pays socialistes, de la dénonciation des impérialistes et de leurs valets locaux, de son implication pour l’enterrement des restes de Sankara, le PM tarde à montrer à travers des actions concrètes, les marques du sankariste qu’il est dans l’orientation des politiques publiques du pays. L’on est en droit de se demander s’il croyait vraiment ce qu’il « prêchait » alors qu’il était chroniqueur à la télévision où est-ce le chef de l’Etat qui l’empêche d’imprimer sa marque sankariste à la marche du pays? Après avoir évalué les membres de son gouvernement, Tembela doit en bon révolutionnaire et au nom de la redevabilité, faire son autocritique, son autoévaluation et dire sincèrement aux burkinabè ce qui a été sa contribution au cours des douze mois passés à la primature ainsi que ce qu’il a surtout fait différemment que ses prédécesseurs, à ce prestigieux poste.

Bendré

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