Procès Affaire Sankara : L’énigme Bossobé Traoré
La chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou a entendu le sergent à la retraite, Bossobé Traoré, accusé de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat et de complicité d’assassinat. L’accusé rejette les accusations portées contre lui et se place en victime. Il conteste les éléments selon lesquels il était la taupe qui a informé le commando de l’arrivée du président du Conseil national de la révolution dans la salle de réunion.
Bossobé Traoré : taupe, agent double ou victime des assaillants du 15 octobre 1987 ? C’est une question qui turlupine les acteurs. L’accusé était membre de la sécurité rapprochée du président Thomas Sankara. Au soir du 15 octobre, il était en compagnie de Abdoulaye Gouem et Der Somda quand les assaillants arrivèrent au secrétariat du Conseil national de la révolution. Ses deux compagnons ont été froidement abattus. Lui, a été épargné par le tireur qu’il a identifié comme le soldat Arzouma Ouédraogo dit Otis. Mais il a été touché au coude par une balle. Il a eu la vie sauve en prenant ses jambes à son cou en passant par la cour de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) puis par l’Université de Ouagadougou où des étudiants sont venus à son secours.
Par la suite, il s’est retrouvé à l’hôpital Yalgado où il a reçu des soins. Mais sa situation commandait une évacuation à l’étranger. C’est 43 jours après ses blessures qu’il a été évacué en France. Sauf que dans les déclarations de l’accusé Traoré, les parties civiles et le parquet militaire ont relevé des contradictions et même des contrevérités. Bossobé Traoré explique à la barre que c’est une arme à pompe qui a été utilisée contre lui et les suppliciés Abdoulaye Gouem et Der Somda. Pourtant, le rapport d’expertise balistique produit dans le dossier prouve que les deux hommes ont été atteints par des minutions qu’une arme à pompe ne peut pas tirer. Ce sont des calibres 7. 62 qui ont été extraits sur leurs restes. « Seuls les fusils d’assaut, des kalaches peuvent tirer ces minutions », conclue le procureur militaire.
Sur l’évacuation sanitaire de l’accusé en novembre 1987, le parquet militaire indique que la procédure suivie pour le cas Bossobé a été exceptionnelle, preuve selon lui, qu’il était de mèche avec le commando assassin. « La commission santé s’est réunie d’urgence pour statuer sur le cas de Traoré Bossobé le 3 novembre 1987. Une décision d’évacuation a été prise le même jour. Le même 3 novembre 1987, le contrôle financier a approuvé l’évacuation sanitaire. Le haut commandement des forces armées populaires a ordonné son évacuation le même jour. Tous les documents ont été obtenus le 3 novembre 1987. Pendant que les autres étaient tués, recherchés et emprisonnés, lui Bossobé, garde de corps de Sankara, était évacué en France pour des soins. Son évacuation a été gérée avec célérité et urgence. Ça veut dire qu’il n’était pas n’importe qui », commente le parquet militaire.
Son avocate, Me Mariah Kanyili dénonce des énormités. Pour elle, toute évacuation sanitaire a un caractère urgent. « Sur le type d’arme utilisé, mon client a dit l’arme qu’il a vue. Il n’a pas fait une analyse balistique avant de faire ses déclarations. Bossobé Traoré a dit que c’est la même arme que Otis a utilisé contre Gouem, Der et lui. Certains sont allés même vous dire que mon client en mission en France pendant ses soins. Mais ils ne produisent aucune pièce qui atteste qu’il a perçu des frais de mission », réplique l’avocate du sergent Bossobé Traoré.
L’audience se poursuit ce jeudi 4 novembre 2021 avec l’interrogatoire du médecin colonel major Halidou Diebré accusé de faux en écriture authentique.
Fatim Traoré