Professeur Innocent Pierre GUISSOU : L’enseignant, le chercheur et le pharmacien

Pr Pierre Guissou Ph DR

Premier agrégé en pharmacie au Burkina Faso, le professeur Innocent Pierre Guissou s’est spécialisé en pharmacologie-toxicologie. Enseignant – chercheur hospitalo-universitaire depuis 1984 à l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Santé (U.F.R./SDS) de l’Université Ouaga1 Pr J. KI-ZERBO et au département de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS), un Institut du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), le professeur Guissou est aussi praticien au CHU-Yalgado Ouédraogo où il participe aux soins et à l’encadrement des étudiants. Débutée en 1975 après son diplôme d’Etat de pharmacien obtenu à l’Université Cheik Anta Diop de Dakar, toute la carrière professionnelle du natif de Bobo-Dioulasso se déroule entre le CHU-YO, le CNRST et l’U.F.R./SDS.

Par Jean Pierre Sawadogo

Né le 19 octobre 1950, il rêvait d’une carrière dans la physique ou la chimie lorsqu’il était en classe de terminale. Mais par la force des choses, il s’est retrouvé en pharmacie. Il ne nourrit cependant aucun regret quant à l’orientation qu’a prise sa carrière. Nous le rencontrons un samedi matin, sous un ciel pluvieux dans son bureau à l’Université Joseph Ki Zerbo. Il parle doucement, rythmant ses phrases, s’attachant à trouver les mots justes pour raconter son parcours.

L’expert toxicologue est issu d’une fratrie de neuf frères et sœurs. S’il y a une personne qui a marqué la vie du professeur Guissou et dont la mémoire est toujours gravée dans son cœur, c’est bien son père. D’abord agent de domaine puis commandant de cercle et enfin préfet, ce dernier a voulu que tous ses enfants aillent à l’école et à l’arrivée, les neuf frères et sœurs ont tous fait des études universitaires.

Grandissant dans cet environnement familial propice à son épanouissement, le jeune Innocent Pierre fait sa scolarité entre Bobo, Koudoudou et Ouagadougou. Inscrit à l’école primaire Tounouma de Bobo, c’est à Koudougou qu’il fera sa classe de CM2. Après l’obtention de son Certificat d’étude Primaire (CEP) ainsi que son entrée en 6ème, c’est le Lycée Philippe Zinda Kaboré qui l’accueil pour la suite de son apprentissage à l’école. Après ses études secondaires en 1970, il bénéficie d’une bourse pour partir étudier la pharmacie à Dakar au Sénégal. Au bout de cinq ans, il y obtient un diplôme d’Etat de pharmacien, option biologie en 1975.

Diplôme en poche, Pierre Innocent Guissou rentre au pays pour travailler au centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo de 1975 à 1978 avant de reprendre le chemin des études pour sa spécialisation. Cette fois-ci, ce n’est pas le Sénégal qui l’accueil mais la France. Ainsi, après un Certificat d’Etudes Supérieures (CES) de Toxicologie et Hygiène Industrielle et un Diplôme d’Etudes approfondies (DEA) de Pharmacologie –Pharmacocinétique, il obtiendra enfin son doctorat d’Etat ès Sciences Pharmaceutiques en 1983.

 

Revenu à la maison auréolé de son titre de docteur ès Sciences avec l’intention de retourner à l’hôpital Yalgado en vue d’y développer la toxicologie, celui qui est professeur titulaire de grade exceptionnel depuis l’an 2000 sera appelé plutôt à l’Université pour dispenser des cours aux étudiants de l’U.F.R/SDS qui venait de s’ouvrir. « A l’époque, c’était l’école supérieure des sciences de la santé. Comme il y avait donc cette opportunité, on m’a demandé de venir à l’Université parce qu’il n’y avait pas d’enseignants en pharmacologie. C’étaient des missionnaires de l’université de créteil à Paris qui venaient dispenser les cours » raconte-il avec joie. Au même moment, le CNRST envisageait de développer son institut qui s’occupait de ce qu’on appelle les substances naturelles en vue d’intégrer la médecine et la pharmacopée traditionnelle. Encore une fois, il a été sollicité pour intégrer cet institut. C’est ainsi que depuis 1984, l’année où il a rejoint l’Université de Ouagadougou, Pierre Innocent Guissou partage une partie de son temps entre l’hôpital Yalgado, l’Université et le CNRST.

Responsable de la mise en place de la section pharmacie de l’UFR/Sciences de la Santé après son agrégation de pharmacologie en 1990, le professeur Guissou a œuvré à la sortie en 1996 de la toute première promotion d’étudiants en pharmacie formés entièrement au Burkina. Il a été également le promoteur et coordonnateur du 3ème Cycle spécialisé et doctoral en sciences pharmaceutiques (Pharmacologie Appliquée et Toxicologie Appliquée) UFR/SDS. Université Ouaga I Pr J. KI-ZERBO  (Burkina) en l’an 2000.

L’homme du FACA

De sa mission au CNRST, le professeur Guissou a mené dans le domaine de la recherche, des protocoles de recherche pour la valorisation des plantes médicinales. Ainsi, avec certains collègues, ils ont pu mettre sur place de bonnes équipes de recherche qui ont contribué à des résultats dont certains ont abouti comme le FACA. Made in Burkina, le FACA est un médicament traditionnel amélioré qui permet de soulager les crises de la drépanocytose et améliorer la qualité de vie du drépanocytaire. Le FACA est inscrit sur la liste des médicaments essentiels depuis 2011 au Burkina. Le professeur Guissou assure dans la même lancée, que d’autres produits notamment sur l’hypertension artérielle, et sur le rhumatisme sont pratiquement finis. Il reste simplement l’étape des essais cliniques.

Pr Pierre Guissou (milieu), en compagnie de deux de ses étudiants lors d’une sortie de promotion en septembre 2017

Premier Burkinabè membre de l’Académie française de pharmacie

Féru  de lecture, Innocent Pierre Guissou est également un passionné de cinéma et de sport même si son temps ne lui permet plus de s’adonner à ces deux derniers loisirs. Pour la petite histoire, il a été formé au football dans sa tendre enfance dans une structure nommée Patro saint vincent de Paul du côté de Bobo-Dioulasso. Il est également très présent sur Internet mais fait remarqué rapidement qu’il y est simplement pour suivre l’évolution dans sa profession et faire ses recherches. « Je ne suis ni sur Facebook, ni sur Twitter. Je les connais mais je n’y m’intéresse pas » s’empresse-t-il de dire. S’il y a une chose que l’ancien directeur de l’école doctorale de Santé de l’Université Ouaga1 Pr J. KI-ZERBO ne tolère pas, c’est d’être forcé à faire quelque chose. « Je n’accepte pas qu’on veuille me diriger ou m’obliger à faire  quelque chose si je n’en suis pas convaincu » insiste-il. Par contre,  « j’aime former les étudiants, je veux qu’ils connaissent comme moi. Je fais le maximum pour qu’il y ait beaucoup de cadre dans le domaine de la santé pour prendre la relève. Je me suis dit que c’est mon devoir parce que le peuple de ce pays a fait des sacrifices pour que je me forme ».

Quand on demande au professeur Guissou ce qu’il pense de sa riche carrière, il répond avec modestie : « c’est la chance qui m’a permis d’évoluer rapidement ». Peut-être que c’est cette chance également qui fait qu’il a été élu le 28 septembre 2016 membre de l’Académie nationale de pharmacie de France. Il est le tout premier Burkinabè à être membre de cette Académie française. Enseignant missionnaire pour différentes facultés des sciences de santé de la sous-région, Innocent Pierre Guissou a reçu des décorations, des distinctions et des prix tant au Burkina que dans d’autres pays africains. Il est l’auteur d’environ 200 publications scientifiques sans oublier les nombreux encadrements de mémoires et de thèses.

Même s’il a achevé sa mission à l’université en octobre 2017 pour une retraite bien méritée, l’expert dans divers domaines pour le ministère de la santé et de l’agriculture dans le domaine des pesticides ainsi que le ministère de la sécurité dans le domaine de la lutte contre la drogue rassure : « l’enseignement, la recherche, la pratique de soin vont se poursuivre ».Certainement que le professeur Innocent Pierre Guissou ira jusqu’au bout de ses différents projets car comme il le dit lui-même, « j’ai pas peur du travail, de l’engagement. Quand je m’engage dans une activité, je vais jusqu’au bout ». Comme quoi, la jeunesse burkinabè qui est en perte de repère peut trouver en ce digne fils du Burkina un modèle.

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