Terrorisme : comment vaincre sans combattre
Au moment où les troupes sont déployées sur le terrain pour un combat acharné contre l’ennemi terroriste, quelques réflexions peuvent booster le moral des hommes et les aider à neutraliser les terroristes qui ont opté pour une guerre d’usure et pour une stratégie d’encerclement du pays. Nous allons nous inspirer au fil des semaines à venir de L’ Art de la guerre de Sun Tzu. Ce premier livre de stratégie écrit 500 ans avant Jésus Christ contient des leçons qui ont franchi les siècles et qui restent pertinentes.
Selon Sun Tzu, « La guerre est une affaire d’une importance vitale pour l’État, la province de la vie et de la mort, la voie qui mène à la vie ou à l’anéantissement. Il est indispensable de l’étudier à fond. » L’art de la guerre requiert méthode et stratégie. Sun Tzu affirme que les bons principes stratégiques mènent inévitablement à la victoire. Il insiste notamment sur la dimension psychologique de la guerre grâce à laquelle le stratège habile peut obtenir la soumission de l’adversaire en économisant les ressources à sa disposition. L’art de la guerre repose sur une réflexion claire et puissante. Sun Tzu affirme en effet que toute guerre commence dans la tête, dans la mesure où son issue dépend grandement du jugement du stratège. Celui-ci doit donc avoir l’esprit clair pour apprécier correctement les rapports de force et les questions diplomatiques. Le stratège doit plus précisément porter sa réflexion sur cinq dimensions de la guerre : la doctrine, c’est-à-dire les valeurs qui unifient la pensée et donnent le courage de combattre ; le temps, afin d’agir au moment idoine ; l’espace, soit le terrain des batailles ; le commandement, pour réussir à s’attacher les hommes qui l’accompagnent ; la discipline, pour connaître l’étendue des moyens et des choix qui s’offrent à lui. En clair, pour Sun Tzu, le stratège doit avoir une connaissance très avancée de l’environnement, de l’ennemi ainsi que de lui-même. Ce savoir exhaustif doit selon lui garantir la victoire : « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux ». L’ouvrage de Sun Tzu est un concentré de plusieurs principes. Nous en aborderons deux dans cet article.
Principe 1 : La guerre est une affaire sérieuse. Il ne faut pas s’engager à la légère. Il faut être prêt en tout temps, mais attaque que s’il y’a une bonne raison et quand c’est le bon moment.
L’art de la guerre consiste à la préparer avec beaucoup de rigueur. Selon Sun Tzu, le principe phare de la stratégie réside dans la préparation rigoureuse de la guerre et dans l’évaluation précise de la situation. Le bon stratège n’attaque que quand toutes les conditions de la victoire sont réunies. « Le commandant habile, écrit Sun Tzu, prend une position telle qu’il ne peut subir une défaite ; il ne manque aucune circonstance propre à lui garantir la maîtrise de son ennemi. Une armée victorieuse remporte l’avantage, avant d’avoir cherché la bataille ; une armée vouée à la défaite combat dans l’espoir de gagner ». Le stratège doit plus précisément se mettre en situation de déterminer les circonstances des combats (notamment le lieu et l’heure), afin de s’assurer un rapport de forces favorable là où la bataille aura lieu. Dans le détail, cinq conditions permettent de lui conférer cet avantage : la sanctuarisation de sa propre base logistique, l’entraînement des troupes au mouvement, qui sert aussi à brouiller les pistes de l’adversaire, la connaissance des données du combat (troupes, logistique, terrain, etc.) sur le bout des doigts , le renseignement à travers un réseau d’espions et d’informateurs , des simulations pour tester les réactions de l’adversaire. Enfin, Sun Tzu insiste sur la nécessité d’entretenir la cohésion des troupes en se montrant juste et en y excitant la haine de l’ennemi.
Principe 2 : L’art de la guerre consiste à vaincre sans combattre. L’essence de la guerre est la manipulation. Être imprévisible, ne pas dévoiler ses plans, mais connaître et contrôler les plans de ses adversaires. Reposer sur une règle figée, c’est la défaite.
Sun Tzu ne conçoit pas la victoire totale dans laquelle l’ennemi est anéanti comme le sommet de l’art de la guerre. Si le stratège à l’opportunité de détruire l’ennemi, il peut le faire ; mais le soumettre par la ruse est bien préférable. « Ne cherchez pas, prévient Sun Tzu, à dompter vos ennemis au prix des combats et des victoires […]. Il faut plutôt subjuguer l’ennemi sans donner bataille : ce sera là le cas où plus vous vous élèverez au-dessus du bon, plus vous approcherez de l’incomparable et de l’excellent ». Idéal difficilement réalisable, la soumission de l’ennemi sans combat signifie que le stratège doit optimiser ses ressources en cherchant surtout à nuire à l’adversaire. Il doit ainsi rester insaisissable dans ses intentions et dans ses actions, tout en intoxiquant la réflexion adverse avec de fausses informations. La propagande est effectivement pour Sun Tzu une dimension cruciale de l’art de la guerre, car elle a le pouvoir de rendre l’ennemi incapable de combattre. Dès lors, aucune manipulation n’est trop immorale pour le stratège génial : instiller la détestation des chefs au sein de l’armée adverse, propager des rumeurs de trahison dans l’entourage du commandement, envoyer des espions, recruter des espions et des traîtres ennemis, etc.
Pour les circonstances où les méthodes non violentes échouent et où la situation exige le recours aux forces militaires, Sun Tzu établit des règles de proportionnalité de la force qui occupent encore aujourd’hui une place au cœur même de l’art opérationnel de la guerre, dans la mesure où « force » s’entend des ressources, comme le capital humain (soldats), ainsi que des ressources logistiques comme la technologie, l’énergie, le matériel, les finances et l’infrastructure. Néanmoins, Sun Tzu avance métaphoriquement que si une armée possède dix fois la force de l’ennemi, elle devrait l’attaquer par encerclement, si les généraux sont d’intelligence et de courage équivalents de part et d’autre, et les soldats de compétence et de cohésion égales. Quand une armée possède cinq fois la force de l’ennemi, elle devrait mener un assaut direct à l’aide du tiers de ses forces et, au moyen des deux tiers qui restent, chercher les points faibles, puis lancer une attaque-surprise. Quand la supériorité de la force est de deux pour un, l’armée dominante devrait employer une partie de ses forces pour attaquer directement un point critique des lignes que l’ennemi devra assurément défendre, tout en attaquant par surprise un autre point dans le but de confondre l’ennemi et de le contraindre à diviser ses forces.
La stratégie de lutte contre le terrorisme est à l’œuvre au Burkina Faso pour une redoutable efficacité.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou