20 ans de l’assassinat de Norbert Zongo: L’infatigable marche pour la vérité et la justice
Il y a exactement 20 ans, c’était l’intifada dans les villes du Burkina Faso, suite à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et ses trois compagnons. “Trop c’est trop”, lançaient les Burkinabè de toutes parts. Dans les rues pour réclamer vérité et justice après l’autodafé de Sapouy, les manifestants ont été matés, certains ont perdu la vie, les carrières ont été brisées, des domiciles incendiés, des intimations faites. Malgré tout, le refus de l’arbitraire était tenace et n’a pas entamé la détermination des Burkinabè face à la répression féroce et barbare du pouvoir de Blaise Compaoré. 20 ans après, ce 13 décembre 2018, ils étaient encore là dans les rues de la capitale pour respecter le serment fait au cimetière de Gounghin le 16 décembre 1998 à l’inhumation du journaliste. Rester déterminés jusqu’à l’élucidation de ce crime crapuleux.
Les rangs se sont clairsemés, les rues ne grondent plus de monde comme en 1998 et les années qui ont suivi. Ce 13 décembre 2018, des têtes de proue des manifestations d’il y a deux décennies étaient absentes. La mort, la maladie, l’âge, ou d’autres raisons ont extirpé beaucoup des rangs. L’un des avocats du dossier Me Bénéwendé Stanislas Sankara, depuis vice-président de l’assemblée nationale n’était pas de la marche. Tout comme Shériff Sy, haut représentant du chef de l’État. Il y a 20 ans, cela était inimaginable.
Comme pour noter cette relative faible mobilisation comparée à celle des années de braise, Chrysogone Zougmoré, porte-parole du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) et de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) lancera à la foule, « nous sommes debout et c’est l’essentiel ». Il poursuivra en notant que « certains ont cru au début qu’au bout de 2 ou 3 ans, on n’en reparlerait plus, mais ça fait 20 ans que nous sommes là. Le nombre importe peu. C’est la détermination et la constance qui sont les éléments essentiels dans cette lutte pour la vérité et la justice ». Nul doute, que chacun où qu’il se trouve, se remémorera de cette date. Le sens d’un engagement contre l’impunité, pour la justice pour Norbert Zongo, Ernest Yembi Zongo, Blaise Ilboudo, Abdoulaye Nikiéma dit Ablassé. Une si longue lutte dont les chemins sinueux ont été parsemés par tant d’embûches.
Les slogans ont encore fusé en ce 20e anniversaire. Répondant à l’appel du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) et de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC), des milliers de personnes ont encore martelé, “Vérité et justice”, précédé des noms des trois suppliciés. Francois Compaoré, “suspects sérieux”. “Nan lara ansara” (si nous dormons, nous sommes morts). De la place de la nation, au rond point des nations unies, en passant par le tribunal de grande instance jusqu’à la hauteur de la station Total sur Kwamé Nkrumah, avant de redescendre vers la cathédrale de Ouagadougou pour ensuite rejoindre le lieu de départ…les marcheurs ont marqué leur engagement et leur détermination à rester toujours mobilisés jusqu’au jugement effectif du dossier. « 20 ans après, renforçons la lutte pour la vérité et la justice pour Norbert Zongo et ses compagnons et contre l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques », c’était d’ailleurs le thème de cette 20e édition .
Une lueur d’espoir
En 20 ans, le dossier Norbert Zongo a connu plusieurs péripéties. Des juges “acquis” l’ont torpillé, prononcé un non lieu. Mais un adage dit que, quand la vérité tarde à venir, c’est juste parce qu’elle est allée loin chercher les meilleurs fouets pour mieux châtier les coupables. L’ombre de Henri Sebgo et ceux de ses camarades ne cessent de hanter les présumés coupables, même loin du Faso. Ainsi, presque 20 ans jour pour jour, François Compaoré, le suspect sérieux même en fuite en France, a maille à partir avec la justice de ce pays. Il se bat et se débat dans tous les sens pour ne pas venir répondre de ses actes, malgré l’avis favorable pour son extradition. Lui et ses avocats ont vite attaqué. Peu importe, Chrysogone Zougmoré prévient. « Notre lutte doit se poursuivre jusqu’à l’extradition effective de François Compaoré et le jugement de l’affaire Norbert Zongo. Nous n’aurons de répit que lorsque tous les commanditaires et les exécutants du crime de Sapouy seront en prison ».
Il a donc invité à l’optimisme parce que selon lui, l’avis favorable de la justice française pour l’extradition du frère de l’ancien président Blaise Compaoré, rappelle, une fois de plus, que seule la lutte paie. Les militants doivent de ce fait, rester mobilisés car « il ne s’agit qu’une victoire d’étape ».