Bobo-Dioulasso : Dans les coulisses de la production du koko donda

La production du pagne traditionnel koko donda est devenue un gagne-pain pour plusieurs femmes de la ville de Bobo-Dioulasso

Des femmes de Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, produisent les pagnes couramment appelés Koko Donda aujourd’hui très prisés. Le koko donda est devenu un business pour nombre d’entre elles qui ploient sous le poids de la forte demande qu’elles n’arrivent pas toujours à satisfaire du fait de la modicité de leurs moyens. C’est le cas de Fatimata Cissé qui exerce dans la « profession » depuis sa tendre enfance. Notre reporter est allé à sa rencontre le lundi 17 août 2020 à Bobo-Dioulasso.

La devanture du domicile familial de Fatimata Cissé ne laisse pas indifférent. De passage, les usagers de la ruelle peuvent apercevoir des tissus et des pagnes koko donda étalés sur des fils et à même le sol. Ces pagnes de tous les motifs ou de toutes les couleurs attirent de nombreux clients qui se bousculent.  La demande est forte, très forte qu’elle n’arrive pas à tout couvrir.

Pourtant la production de ces pagnes relève d’un parcours de combattant. Pour avoir des pagnes si beaux, (enfin aussi bien fait), il y a du chemin à parcourir, des employés à mobiliser, des sommes d’argent à réunir et enfin des dépenses à faire.

Selon la productrice de koko donda, Fatimata Cissé, il faut d’abord disposer de tissu. C’est l’unité centrale dans son travail. Par la suite, ce tissu est attaché à l’aide de fils, pas n’importe comment avec minutie selon le type de motif (ou dessin) voulu sur le pagne.

Etape suivante : ces pagnes sont mis dans de grosses casseroles qui patientent tranquillement au feu. Selon le motif de koko donda voulu, l’encre est versée dans cette eau bouillante. « On laisse au feu pendant 30 à 40 minutes. Après, on descend les casseroles, on enlève les tissus, on coupe les fils. On trempe les tissus dans de l’eau (et on lave). Et on étale », détaille Fatimata Cissé. C’est un travail à la chaine. Et tout se fait manuellement. Les personnes qui attachent ne sont pas forcément ceux qui s’occupent de l’étape de l’encre et de la phase du feu. Il faut se ganter pour ne pas subir la colère des eaux chaudes contenues dans les grosses poêles.

Tissus indisponibles  

Les pagnes koko donda de Fatimata Cissé sont fortement demandés. C’est sur commande qu’elle produit ces pagnes depuis un certain temps. Des clients accourent mais la productrice est dans l’incapacité matérielle de couvrir la demande. « Nous avons un problème de tissus. Quand nous recevons des commandes de nos clients, on n’arrive pas à tout honorer à cause du manque de tissus. Il y a des commandes qu’on est obligé de ne pas prendre parce qu’on sait qu’on ne pourra pas les honorer. Il y a des tissus qu’on peut chercher pendant des mois et des mois à Bobo-Dioulasso sans les avoir. On peut avoir un tissu de telle ou telle qualité aujourd’hui et faire un an sans avoir un tissu de même qualité. Pourtant, c’est en fonction de la qualité des tissus que les clients viennent et font leurs commandes », souligne-t-elle.

Les autorités politiques n’ont pas encore pris de mesures vigoureuses pour aider ou assister les femmes qui tirent leur pitance quotidienne de ce travail. Les actions des pouvoirs publics en faveur du secteur et de ces acteurs sont encore peu visibles. « On n’a encore pas eu l’aide de l’Etat. Mais récemment, le ministre du Commerce est passé voir comment nous travaillons. Nous espérons qu’avec son passage, les choses vont s’améliorer. Le ministre a fait des promesses. Il a promis de nous aider avec du matériel de travail et un lieu où on pourra travailler sans déranger les voisins », indique la productrice de koko donda, Fatimata Cissé. Mais déjà, dans son activité, elle mobilise une forte main d’œuvre pour l’assister dans ses activités de production de ce pagne. Des jeunes hommes, des filles et une vieille dame étaient à ses côtés le lundi 17 août 2020 pour la production d’un lot de pagnes commandé par un client. Ces employés touchent journalièrement 2000 à 6000 francs CFA selon l’expertise demandée ou le service fait, foi de Dame Cissé qui fait aussi dans la formation des jeunes en teinture.

Vers une labélisation du koko donda

Comme on le voit, la production de ce pagne traditionnel koko donda est devenu un gagne-pain pour plusieurs femmes de la ville de Bobo-Dioulasso. Jadis laissé aux laisser pour compte, ce pagne a connu un regain d’intérêt ces dernières années avec surtout l’œuvre de Sebastien Bazemo dit Bazem’Se, styliste burkinabè dont le travail a permis la revalorisation de ce pagne.

Sur le marché burkinabè, il n’y a pas que ces pagnes burkinabè, des acteurs internationaux produisent des tissus semblables au koko donda national. D’où l’existence d’une certaine concurrence sur le marché entre les produits. Selon nos informations, cette situation sera bientôt résolue, puisqu’ au niveau du ministère en charge du Commerce, de l’industrie et de l’artisanat, des réflexions sont en cours pour labeliser ce pagne qui est une marque déposée des femmes de Bobo-Dioulasso et du Burkina Faso.

En attendant la concrétisation de ce projet de labélisation, la productrice Fatimata Cissé se dit satisfaite d’apprendre cette nouvelle étant entendu que cette initiative qui permettra de protéger les produits burkinabè et de les distinguer des autres.

« Nous continuons de faire ce travail parce qu’il nous aide à subvenir à nos besoins, même si les dépenses sont trop élevées.  Nous demandons aux autorités de nous aider à avoir des tissus sur place assez facilement pour faire notre travail. Si nous avons les tissus en quantité sur place, cela va réduire les coûts de production. Nous n’avons pas de moyens pour travailler. A chaque fois, on va prendre quelques tissus selon nos moyens pour travailler. Nous demandons à l’Etat de nous octroyer des micro-crédits remboursables pour booster nos activités », suggère la productrice.

 

Aya Ouédraogo

 

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