Affaire Thomas Sankara : Ninda Tondé, de témoin à prévenu

La Chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou a interrogé le lundi 8 novembre 2021 le soldat de première classe Ninda Pascal Tondé dit Mang Naba. Il est prévenu de subornation de témoin dans le cadre du dossier Thomas Sankara et ses compagnons.

Le soldat de première classe Ninda Pascal Tondé dit Mang Naba était simple témoin dans le dossier Thomas Sankara. Il avait été entendu par le juge d’instruction en charge du cabinet n°1 du Tribunal militaire de Ouagadougou à cet effet. Mais de par ses agissements, il va changer de statut ou de qualité dans cette affaire. Le soldat à la retraite est passé de témoin à prévenu. Il a été inculpé (mis en examen) en août 2017 et renvoyé devant le Tribunal pour subornation de témoin.

Le juge d’instruction l’a soupçonné d’avoir approché Abdou Dramane Zietenga pour lui dire qu’il sera certainement convoqué par le Tribunal militaire et qu’à cette occasion, il devait dire au juge d’instruction qu’il n’était pas au Conseil de l’Entente le jour du 15 octobre 1987, qu’il ne sait donc rien sur les événements tragiques qui s’y sont déroulés ce jour.

A la barre ce 8 novembre 2021, le prévenu ne reconnait pas les faits à lui reproché. « J’ai dit à Zietenga Dramane de faire attention sinon il sera conduit à la Maison d’arrêt et de correction des armées (ndlr MACA) si il ne parle pas bien. Je lui ai dit de dire au juge qu’il n’était pas au conseil de l’entente ce jour (le 15 octobre 1987). Il était en ville, au poste à la radio. Je lui ai dit de dire la vérité. Au moment des tirs, Zietenga n’était pas au conseil de l’Entente. Je lui ai dit ça parce qu’il peut s’embrouiller », lâche le prévenu.

Selon le procureur militaire, Ninda Pascal Tondé dit Mang Naba n’est pas constant. Il change de version au gré des interrogatoires. Premièrement, explique le parquet, le prévenu avait affirmé que c’est de la part du général Gilbert Diendéré qu’il est allé voir son frère d’arme Abdou Dramane Zietenga, son voisin de quartier. Entre temps, l’officier général a été entendu par le juge d’instruction et a dit n’avoir pas envoyé Ninda Pascal Tondé pour porter un tel message. Le prévenu est encore convoqué et entendu. Il est informé de ce que Gilbert Diendéré affirme ne l’avoir pas envoyé. Mang Naba acquiesce : « Le général Diendéré ne m’a pas dit ça. »

A l’audience, il reconnait avoir menti : « J’ai dit que c’est de la part du Général Diendéré pour donner du crédit à ce que je dis, pour que Zietenga puisse me croire. Ce n’est pas le Général qui m’a envoyé. J’ai prononcé le nom du général pour que Zietenga me prenne au sérieux ». Questionné par l’un des avocats du Général Gilbert Diendéré, Me Abdoul Latif Dabo, le prévenu Tondé a fini par dire que tout ça « n’est qu’une histoire inventée. Ce n’est pas vrai ».

Dans le dossier figure un enregistrement de la conservation entre Ninda Pascal Tondé et le témoin Zietenga. Le prévenu a été enregistré à son insu. Il se sent trahi par son ami Zietenga.

Sur les événements du 15 octobre 1987, le prévenu déclare qu’il venait juste de rentrer d’une mission. Et juste le temps de viser sa permission, il a vu passer un véhicule puis aussitôt des tirs. Il se réfugia dans un bâtiment. Après il a vu les corps. « J’ai pu reconnaitre le président Thomas Sankara. Il était en tenue de sport », confie le prévenu.

Son avocat, Me Ollo Larousse Hien a appelé le Tribunal a recadré les différentes parties au procès. Pour lui, il n’est pas normal que l’on fasse usage du procès-verbal d’audition de son client lorsqu’il était témoin pour le charger. « Il n’est pas poursuivi pour complicité d’attentat ni pour assassinat. Il n’est pas poursuivi pour avoir vu le général Diendéré ou pour être allé en permission. Il y a des confusions terribles qui sont faites par certaines parties », proteste l’avocat. « Moi je suis un grand admirateur du président Thomas Sankara. Je suis fier qu’il soit un monument pour le Burkina Faso et pour toute l’Afrique », tient-il à préciser.

Le soldat Ninda Pascal Tondé est un proche du Général Gilbert Diendéré. Il a été son chauffeur. Depuis lors, ils sont restés en contact. Détenu à la MACA depuis six ans dans le cadre du putsch manqué de septembre 2015, Mang Naba a été plusieurs fois bénéficiaire de permis de communiquer pour le  voir.

Fatim Traoré

Laisser un commentaire

shares