Anacarde : Immersion au cœur d’une filière porteuse et en pleine croissance au Burkina Faso
Le Burkina Faso compte parmi les nations productrices d’anacarde en Afrique. Confrontée à des difficultés d’écoulement et de transformation, la filière anacarde mobilise tout de même plusieurs milliers d’acteurs dans principalement les régions des Cascades, Sud-ouest, Hauts-Bassins et Centre-ouest du pays. Reportage au cœur d’une filière en pleine croissance au pays des Hommes intègres.
De Léo à Bobo-Dioulasso, Gaoua en remontant à Banfora, des acteurs rivalisent d’ardeur dans la production de l’anacarde ou pomme d’acajou. Jadis considéré comme une activité pas très rentable, l’anacarde se positionne aujourd’hui comme l’une des valeurs sures de l’économie nationale. Selon le Directeur général du Conseil burkinabè de l’Anacarde, Joseph Zerbo, ces dernières années, la filière mobilise près de 45 000 ménages.
Ces trois dernières années, la production annuelle est de l’ordre d’environ 106 000 tonnes de noix de cajou. Avec environ 16 000 emplois directs générés. Des chiffres qui témoignent d’un certain dynamisme dans la filière anacarde.
Les commerçants font leur loi
Zoumana Sory est producteur d’anacarde dans les Cascades. C’est l’un des pionniers dans cette culture qu’il a vu son géniteur débuté dans les années 1992 par l’entremise d’un projet qui intervenait dans la région. « On a commencé en 1992. Personne ne faisait ça ici. C’est grâce à un projet que nous nous sommes lancés dedans. C’est grâce à l’anacarde que mes petits frères et moi sommes allés à l’école. Je faisais cours du soir. Quand l’anacarde a commencé, j’ai été inscrit en cours du jour », confie le jeune producteur Zoumana par ailleurs président de l’Union régionale des sociétés de coopératives de producteurs semenciers de la région des Cascades.
Malgré son expérience, il reconnait que la culture de l’anacarde connait des difficultés. D’abord la non-rentabilité des vergers. Si ailleurs des producteurs récoltent une tonne d’anacarde par hectare, au Burkina Faso, il est difficile d’avoir la moitié d’une tonne par hectare du fait de la faible production des vergers. Autre problème majeur, le non-respect des prix arrêtés par l’interprofession. « Ce sont les commerçants qui fixent les prix. Le prix fixé par l’interprofession n’est pas respecté par les commerçants. Ce sont eux (ndlr les commerçants) qui imposent leurs prix sur le marché », a laissé entendre Zoumana Sory, un peu agacé. Conséquence, il y a l’arbitraire sur le marché.
Nonobstant ces difficultés, l’anacarde est aujourd’hui le 5è produit d’exportation du Burkina Faso. Elle reste une filière qui participe à l’autonomie de ses acteurs. « Grace à l’anacarde, des producteurs construisent et dorment dans des villas. Ceux qui font ça s’en sortent », a ajouté M. Sory.
Sur le non-respect des prix sur le marché par les commerçants, le Directeur général du Conseil burkinabè de l’anacarde Joseph Zerbo relativise. « Le prix était fixé par des gens de l’extérieur. Aujourd’hui, c’est l’interprofession qui fixe le prix. Cette année par exemple, le prix est de 325 francs CFA », a confié le DG Zerbo.
Le Conseil burkinabè de l’anacarde contesté ?
Dans la perspective de dynamiser le secteur et de mieux l’organiser, le ministère en charge du commerce a fait adopter en conseil des ministres en mai 2019 un décret portant statut particulier au profit du Conseil Burkinabè de l’Anacarde (CBA). Cette jeune structure, qui a à peine une année de fonctionnement est dans des locaux provisoires à Bobo-Dioulasso. Elle s’est fixée entre autre pour objectif de collecter, traiter et analyser les informations technique, agronomique, économique ou financière relatives à la filière anacarde, de contribuer à la mise en place d’un mécanisme de fixation de prix bord champ minimum garanti aux producteurs et veiller au respect de l’application de ces prix, de fournir l’appui-conseil dans le domaine de la production, de la transformation, de la commercialisation et de la promotion de l’anacarde, de participer à l’élaboration, à la validation et au suivi du respect des normes de qualité en collaboration avec les structures compétentes, etc.
Mais à en croire certains acteurs de la filière, ce conseil burkinabè a été mis en place sans eux. Ils indiquent n’avoir pas été associés. D’autres se disent mécontent du fait que le premier responsable ne soit pas un des leurs, c’est-à-dire un acteur de la filière.
Bien avant la création du CBA, des acteurs étaient « organisés et arrivaient à mobiliser des milliards » pour le fonctionnement de la filière. « Nous exigeons la suppression du Conseil burkinabè de l’anacarde. Il faut le faire et laisser les producteurs prendre leur destin en main… Chaque année, les producteurs d’anacarde à travers leur union mobilisaient 3 milliards. C’est cet argent que le gouvernement a vu pour créer le Conseil burkinabè de l’Anacarde », analysent certains d’entre eux.
Accompagner les producteurs
Du côté de la direction générale du CBA, l’on se dit aux côtés des producteurs « pour les aider, les accompagner et les guider dans l’organisation de la filière. Le CBA est là pour accompagner les producteurs et non se substituer à eux. Les ressources que nous collectons sont destinées au développement de la filière », indique le directeur général Joseph Zerbo.
Malgré ses « mésententes », le Conseil burkinabè de l’Anacarde, chargé de la régulation, du suivi et du développement des entités de la filière anacarde au Burkina Faso compte participer à la transformation structurelle de l’économie du pays et à la porter de 12,5% à 25% à l’horizon 2025 comme le prévoient les plus hautes autorités du pays. Et ce, grâce à l’approche filière initiée par le ministère en charge du Commerce.
Pour le Directeur général, le conseil veut professionnaliser la filière, travailler à ce que les acteurs de la filière ne bradent pas leurs cultures. «Nous avons entrepris le processus de recrutement d’un consultant pour la réalisation d’une étude relative à la mise en place d’un mécanisme de fixation de prix minimum garanti aux producteurs, adossé à un fonds de lissage», a annoncé M. Zerbo.
En attendant la vulgarisation et la mise en œuvre des résultats de cette étude, le DG annonce la création de 24 unités de transformation d’ici à 2024 dont 18 pour la noix pour résorber la faible transformation de la production actuellement comprise entre 8 et 10% de la production. « On n’arrive pas à capter les ressources de la filière. La conséquence est que les produits sont exportés à l’état brut. On doit travailler à accroître le taux de transformation. On veut atteindre 45% de transformation de la production d’ici à 2024. Actuellement, on met l’accent sur la noix brute. Pourtant la pomme peut faire aussi l’objet de transformation », développe le patron du CBA. Une étude est annoncée sur la transformation de la noix de cajou et une autre sur la transformation de la pomme et même de la coque de cajou.
Aya Ouédraogo