Bilan 2018 de Reporters sans frontières: 80 journalistes tués dans le monde

Alors qu’au Burkina Faso on a commémoré il y a quelques semaines  le 20e anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et ses compagnons d’infortune, Reporters sans frontière (RSF) comme a son habitude depuis maintenant 1995, a publié le 18 décembre dernier son bilan annuel des exactions commises contre les journalistes dans le monde. Le moins que l’on puisse dire, c’est que 2018 a été une année plus meurtrière que 2017 pour le monde des médias. En effet, qu’il s’agisse d’assassinats, d’emprisonnements, de prises d’otages ou de disparitions forcées, les violences commises contre les journalistes dans le monde sont en nette hausse. Pour preuve, l’année 2018 a été particulièrement meurtrière avec 80 journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions. Parmi eux, 63 journalistes professionnels ont été tué en 2018 contre 55 l’an dernier, soit une hausse de 15 %. Parmi ce nombre, 75 journalistes ont été tués dans leur pays d’origine. Cinq autres ont été
assassinés alors qu’ils effectuaient un reportage à l’étranger.

 

Alors que 2017 avait été une année moins meurtrière que les précédentes pour
les journalistes, 2018 inverse cette tendance, avec 80 journalistes (incluant les
professionnels et les non-professionnels ainsi que les collaborateurs de médias) tués
dans le monde. C’est ce que nous pouvons tirer du bilan 2018 de RSF sur les exactions commises contre les journalistes dans le monde. Parmi eux, 63 journalistes professionnels ont été tués en 2018
contre 55 l’an dernier, soit une hausse de 15 %. Le nombre de journalistes non
professionnels a lui aussi augmenté, 13 morts contre 7 l’an dernier. Ces derniers
comme l’a si bien noté l’organisme basé à Paris, jouent un rôle fondamental dans la production de l’information, notamment sous des
régimes répressifs ou dans des pays en guerre, où il est plus difficile pour des journalistes
professionnels d’exercer leur métier. A ces chiffres particulièrement alarmants, il convient
d’ajouter plus d’une dizaine de cas en cours d’investigation par Reporters sans frontières.
Au total, 49 journalistes, soit 61%, ont été assassinés, sciemment visés au motif
que leurs enquêtes dérangeaient les intérêts de telles ou telles autorités politiques,
économiques ou groupes religieux ou mafieux. Les cas des journalistes slovaque et
saoudien, Jan Kuciak, tué le 21 février et Jamal Khashoggi, assassiné au consulat
d’Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre, illustrent la détermination de ceux qui veulent
faire taire à tout prix les journalistes qui « dérangent ».
Les pays les plus meurtriers

D’après le rapport de RSF, la hausse du nombre de journalistes tués cette année s’explique en partie par le nombre d’attentats contre la profession en Afghanistan. En effet, ce pays est devenu en 2018 le plus meurtrier avec 15 journalistes et collaborateurs de médias qui ont perdu la vie dans ces attaques. Le 30 avril 2018, un double attentat à Kaboul tuait neuf journalistes. Cet attentat, revendiqué par le groupe État islamique, ciblait
spécifiquement les médias. Il est considéré, non seulement comme le plus meurtrier
contre la presse depuis la chute des Talibans en 2001, mais également comme le plus
important commis contre des journalistes depuis le massacre de Maguindanao en
2009 aux Philippines, dans lequel au moins 32 journalistes avaient été tués. Autre terrain de guerre, la Syrie où 11 journalistes, tous Syriens, ont été victimes
du conflit au cours de l’année. Parmi eux, deux journalistes professionnels, huit non professionnels et un collaborateur de médias, quasi tous tués dans des bombardements.
Une tendance à la baisse qui ne doit pas occulter les risques grandissants pris
notamment par ces journalistes non-professionnels syriens pour témoigner du conflit. Au Yémen, huit journalistes ont été tués en 2018 contre deux l’an dernier. Le
pays s’enfonce dans l’horreur de la guerre, les combats font rage malgré les appels
internationaux à l’arrêt du conflit. L’ONU a récemment qualifié la situation au Yémen de
« pire crise humanitaire au monde ». Quand ils ne meurent pas sous les bombes, les
journalistes périssent dans les prisons, victimes de mauvais traitements.

Tués dans les pays en paix

Le bilan 2018 a ceci d’intéressant qu’il met en lumière le fait que parmi les six pays les plus meurtriers au monde pour les journalistes, trois à savoir l’Inde, le
Mexique, et pour la première fois les États-Unis, sont des pays en paix. Et pourtant les
journalistes y sont tués de sang-froid. Une nouvelle fois, le Mexique est le pays en paix
le plus meurtrier pour la profession, avec neuf journalistes assassinés cette année. Les journalistes en Inde travaillent eux aussi la peur au ventre. Six d’entre eux ont
été assassinés cette année, sans compter les nombreuses tentatives d’assassinats,
agressions et menaces dont ils font régulièrement l’objet. Cette année, les États-Unis font une triste entrée parmi les pays plus meurtriers au
monde avec 6 journalistes tués. Le pays a été frappé par une fusillade meurtrière
contre la rédaction du « Capital Gazette », un média local à Annapolis, dans le Maryland,
le 28 juin dernier. Cinq employés dont quatre journalistes ont été abattus. L’homme qui
a ouvert le feu sur les employés du quotidien harcelait depuis six ans la rédaction du
journal sur Twitter. Jamais encore une attaque de cette ampleur contre un média
ne s’était encore produite dans le pays.

Les cas Jamal Khashoggi et Yaser Murtaja et Ahmed Abu Hussein

L’assassinat du journaliste et dissident saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat
d’Arabie saoudite à Istanbul, le 2 octobre a provoqué un tollé international. Porté disparu
jusqu’à ce que les autorités saoudiennes reconnaissent son meurtre, Jamal Khashoggi
a été tué par strangulation, puis démembré, selon les autorités turques. L’opération
aurait été menée par un commando envoyé d’Arabie saoudite et reparti le jour même.
Ce journaliste, exilé aux États-Unis, était venu au consulat pour des démarches
administratives en vue de son futur mariage.Le 6 avril dernier, le journaliste palestinien Yasser Murtaja succombait à ses blessures,
après avoir été touché par des tirs de l’armée israélienne pendant l’une des manifestations
organisées dans le cadre de « la marche du retour » à la frontière avec Israël. Yasser
Murtaja, 30 ans, était pourtant clairement identifé comme journaliste sur le terrain. Deux
semaines plus tard, un autre journaliste palestinien Ahmed Abu Hussein, âgé de 25
ans, décédait lui aussi de ses blessures après avoir été touché par une balle lors d’une
manifestation à la lisière de la bande de Gaza et de la frontière israélienne. D’après des
témoins, le journaliste qui se trouvait à 700 mètres de la frontières, dans une zone calme,
s’est effondré après avoir été la cible d’un tir manifestement délibéré.

En prison, otages ou disparus

Cette année, 348 journalistes sont en détention dans le monde pour avoir
exercé leur mission d’information. C’est plus qu’en 2017 où RSF comptabilisait 326
journalistes derrière les barreaux, soit une hausse de près de 7 %. Si le nombre de
journalistes professionnels détenus a baissé par rapport à l’an dernier, 179 contre 202 en
2017, le nombre de journalistes non professionnels emprisonnés a lui fortement
augmenté : 150 contre 107 en 2017, soit une hausse de 40 %. Après avoir verrouillé
la presse traditionnelle, des pays comme la Chine, l’Égypte, l’Iran ou bien encore l’Arabie
saoudite perfectionnent leur système répressif, à coups notamment de « cyber-lois » pour
mieux traquer les auteurs d’informations en ligne.
Au moins 60 journalistes sont actuellement otages dans le monde, contre 54
l’année dernière, soit une hausse de 11%. Outre six journalistes étrangers enlevés en
Syrie, tous les autres otages sont des locaux, qui travaillent généralement à leur compte
dans des conditions précaires et extrêmement risquées. Ces journalistes locaux sont
souvent les derniers témoins de conflits meurtriers, devenus quasiment inaccessibles pour
les médias étrangers. Si les deux journalistes portés disparus l’année dernière au Pakistan et au
Bangladesh ne le sont plus à ce jour, RSF a enregistré trois nouveaux cas de
disparition au cours de l’année 2018, dont deux en Amérique latine et un en
Russie.

Laisser un commentaire

shares