Burkina Faso : 2021 sous l’angle politique
Le monde politique burkinabè n’a pas été un long fleuve tranquille au cours de l’année 2021. Entre démissions, retrouvailles, dissolution-absorption et création de nouveaux partis politiques, la vie politique a connu de nombreux soubresauts de forme. Grand-chose n’a pas changé dans le fond.
A l’issue des élections présidentielles et législatives du 22 Novembre 2020 où Roch Kaboré a été réélu, l’écosystème politique va connaitre une nouvelle configuration. Le premier acte majeur, le ralliement de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) à l’Alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP). Son président Zéphirin Diabré jusque-là chef de file de l’opposition politique sera nommé le 15 janvier 2021, ministre d’Etat en charge de la réconciliation nationale. Après le parti du Lion, ce sera le tour d’autres partis de l’opposition comme la Nouvelle alliance du Faso (NAFA), le Mouvement du peuple pour le salut (MPS) de rejoindre la majorité présidentielle.
L’ancien parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) dirigé l’expert-comptable Dr Eddie Komboigo est resté droit dans sa position d’opposition au pouvoir du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Le parti engrange 15 députés à l’issue des élections législatives et positionne comme le principal parti d’opposition du pays. Son président Eddie Komboigo est de droit le Chef de file de l’opposition politique (CFOP).
Dès l’installation du président du CDP comme chef de file de l’opposition, des partis vont quitter le CFOP. Des partis politiques comme l’UNDD de Hermann Yaméogo, le Front patriotique pour le Renouveau (FPR) de Aristide Ouédraogo, le Parti Soleil d’avenir du Prof Abdoulaye Soma, le Parti pour l’indépendance, le travail et la justice (PITJ) de feu Soumane Touré ne font pas de déclaration d’adhésion au CFOP. Ils évoluent dans ce qu’ils appellent « l’Opposition non affiliée. »
Cette configuration de la scène politique ne sera pas du goût de certains militants qui n’hésiteront pas à claquer les portes. Déjà, avant même les élections et justes après les élections, des militants de partis politiques de l’opposition d’alors ne sont pas fait prier pour se ranger aux côtés du pouvoir. De ceux-là, on peut citer Nathanaël Ouédraogo et Bonaventure Compaoré, respectivement secrétaire général de la section kadiogo et député de l’UPC. Ils vont battrent campagne pour le parti au pouvoir. D’autres démissions se feront remarquer dans la foulée. Il s’agit de celle du vice-président du MPS, Fousseni Ouédraogo dans la première semaine du mois de janvier 2021.
Le 13 mars 2021, le parti « Burkina Yiriwa » de l’enseignant de philosophie morale et politique, Pr Etienne Traoré se retire de l’APMP. L’ancien syndicaliste dénonce une gestion du pouvoir. Il sera suivi par le Parti du développement et le changement (PDC) du médiateur du Faso démissionnaire Saran Sérémé, qui au soir 26 octobre 2021 va se retirer de l’APMP. Suite à ce retrait, le parti va connaitre des vagues de démissions dont celle la ministre déléguée en charge de l’artisanat Anne Go. Elle sera éjectée du gouvernement deux mois plus tard. Le parti « AJIR Ensemble » de Kadré Desiré Ouédraogo a connu une vague de contestations de son président Boubacar Diallo.
Le Parti pour la renaissance nationale « PAREN » a vu le départ de son président Michel Beré qui va fonder le 4 mai, le Rassemblement pour le développement national (RDN). Abdoul Karim Sango l’a remplacé à la tête du parti à l’issue d’un congrès extraordinaire le 29 septembre 2021. Même le parti au pouvoir le MPP n’échappera pas à des mouvements en son sein. Au terme d’une rencontre du Bureau politique national le 10 avril 2021, 115 militants ont été sanctionnés pour inconduites. Parmi eux et relativement à ces sanctions, le maire de l’arrondissement 10 de la ville de Ouagadougou, Jérémie Sawadogo et dix conseillers quittent le MPP. Mais bien installé, le parti amorcera des changements de son équipe dirigeante sans tempête. A l’issue de son deuxième congrès ordinaire, Simon Compaoré l’un des fondateurs du parti quitte la direction du parti. L’actuel président de l’Assemblée nationale Balla Alassane Sakandé a pris depuis les rênes du parti le 26 septembre 2021.
L’on assistera également à des dissolutions ou de fusions de partis de partis politiques. Le 5 septembre à l’issue d’un congrès extraordinaire l’AJIR de l’ancien conseiller spécial du président du Faso et candidat malheureux aux élections présidentielles du 29 Novembre 2015, Adama Kanazoé acte la dissolution puis la fusion de AJIR au MPP. Tour à tour, le Parti socialiste -Burkina (PS-Burkina) de Aboubacar Balima et l’Union pour la république (l’UPR) de Me Toussaint Abel Coulibaly (ancien ministre en charge de l’Administration de Blaise Compaoré) partent se fondre dans le MPP.
Le 1er novembre 2021, l’UNIR-PS, le MPS de l’URD-MS, la CPPBF, le PDJ et de deux organisations de la société civiles pour former l’UNIR –MPS. Cette nouvelle formation politique est présidée par Benewendé Sankara.
Au niveau de l’UPC, l’on a assisté à un retour à la maison de certains militants. Le 13 mars 2021, l’un des députés frondeurs de l’UPC en 2017, Ladji Coulibaly fait son retour au sein parti du Lion.
Le CDP en crise
Au cours de l’année 2021, le parti de Blaise Compaoré a connu des démissions. Plusieurs cadres du parti ont claqué les portes. Déjà le 5 janvier la secrétaire nationale en charge de l’eau et de l’assainissement Mamounata Belem/ouédraogo et le secrétaire général de la section Tanghin Dassouri Adama Zongo rendent leurs démissions du parti. Le 13 avril, Jérôme Bougouma, ancien ministre en charge de la sécurité sous Blaise Compaoré et d’autres cadres du parti dont Issaka Congo, ancien député du CDP quittent le parti pour rejoindre le MPP avec 91 autres militants.
Le 16 septembre c’est l’ancien premier ministre de Blaise Compaoré Luc Adolphe Tiao et membre du Haut conseil de faire ses adieux au CDP. Candidat malheureux aux législatives de novembre 2020 sous la bannière de ce parti, il lancera plus tard le 6 novembre le Rassemblement patriotique pour le développement (RPD). A ces démissions s’ajoutent des cas d’indisciplines relevés par le parti qui ont conduit à des suspensions. Le 16 septembre, trois membres du bureau exécutif sont suspendus pour 6 mois. Le secrétaire national chargé à la mobilisation de la jeunesse Adama Tiendréobogo et ses 2e et 4e secrétaire adjoints sont sanctionnés.
Le parti vacille avec les récents évènements qui opposent « l’aile futuriste », dirigé par Eddie Komboigo et « l’aile historique » qui se réclame du CDP authentique dirigé par Achille Tapsoaba. Les batailles judiciaires engagées par ce dernier camp pour annuler le congrès du 18 décembre dernier se sont soldées par des échecs. Cette aile historique a même prononcé une suspension de six mois contre le président du parti Eddie Komboigo. Une suspension nulle et de nul effet selon Eddie Komboigo et ses camarades qui ont malgré tenu le congrès du parti et qui a renouvelé le mandant du président sortant.
Ceux qui ont quitté la scène politique
L’année 2021 a été également marquée par des disparitions de figures politiques. Le 25 mars 2021, l’ancien syndicaliste, fondateur et secrétaire général du Parti pour l’Indépendance, du travail et la Justice (PITJ) Soumane Touré tire sa révérence. Le 1er juin, alors qu’il était en exil à Abidjan suite à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, l’ancien directeur de cabinet de Blaise Compaoré et secrétaire exécutif du CDP décède à Abidjan le 1er juin.
Dans un autre registre, le gouvernement burkinabè a été chamboulé suite à des nombreuses manifestations populaires au Burkina Faso contre la crise sécuritaire et son lot de morts. Le Premier ministre Christophe Dabiré a rendu sa démission début décembre 2021. Lassina Zerbo est nommé à sa place. Il forme un nouveau gouvernement. Plus de 15 ministres quittent l’exécutif. Une dizaine de nouveaux ministres font leur entrée. Un ministre des Armées, militaire de carrière, a été nommé. Le Général Aimé Barthélemy Simporé a intégré le gouvernement en juin dernier comme ministre délégué avant d’être confirmé ministre plein. Dès sa prise de fonction en fin 2015, le Président du Faso avait pourtant indiqué qu’il nommera pas de militaire dans son gouvernement.
Henri Zongo
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