Burkina Faso : Les syndicats mobilisent plus de 15 millions pour soutenir leurs camarades victimes de coupures et de suspensions de salaire

La coalition des syndicats en lutte contre l’application de l’impôt unique sur les traitements et salaires sur les primes et indemnités des fonctionnaires était face à la presse le mardi 31 mars 2020. Cette fois-ci, il a été question de dénoncer les coupures « abusives » et les suspensions « sans base légale » des salaires de plusieurs agents publics. Ambiance !

Les mines sont graves. Malgré le masque que chaque syndicaliste arbore ce matin du 31 mars, coronavirus oblige, on sent la colère et l’énervement dans la posture de ces représentants des travailleurs, en l’occurrence ceux en lutte contre l’extension de l’IUTS aux primes et indemnités des fonctionnaires. Leur état de colère et de méfiance même vis-à-vis des reporters dont chacun est sommé de décliner son organe de presse avant d’accéder à la salle, l’on n’a pas tardé à connaitre les raisons.

En effet, selon cette coalition de syndicats, un mois après le déclenchement de cette lutte, le gouvernement n’a montré aucun signe de bonne foi pour engager des discussions avec les travailleurs. Mieux, poursuivent-ils, l’exécutif a pris le chemin de la répression au lieu de la négociation et du dialogue contrairement à ces professions publiques de bonne foi. « Le message du chef de l’Etat à la nation n’a fait aucune mention de notre lutte qui a mobilisé et qui mobilise des centaines de milliers de travailleurs à travers tout le pays », a noté le porte-parole de la coalition, Bassolma Bazié.

Selon toujours cette coalition des syndicats, malgré les concessions faites par les travailleurs, le gouvernement a profité du contexte de la pandémie du Covid-19 pour « abattre une répression sauvage » sur leurs militants dans loptique de « liquider les organisations combattives des travailleurs ».

Le ministre Ouaro indexé

Lors du point de presse tenu en mi-mars, le porte-parole des syndicats des Finances, Mohamed Sawadogo faisait état de ce que certains responsables administratifs juchés au sommet de l’Etat préparaient des coupures abusives de salaires pour ce mois de mars pour « intention de grève ». Il parlait ainsi de la grève qui était projeté du 16 au 20 mars dernier.

Ces affirmations ont bien été confirmées cette fin du mois. En effet, des coupures et même des suspensions de salaires ont été constatées chez les fonctionnaires. Pourtant, techniquement, soutient Mohamed Sawadogo, aucune coupure de salaire pour fait de grève ne pouvait légalement se faire pour ce mois de mars pour la bonne et simple raison que la grève a eu lieu du 16 au 20 mars. Et que l’administration disposait d’une semaine après la grève pour dresser la liste des travailleurs non présents avant que les coupures ne soient opérées. Mais pour ce cas-ci, les listes semblent avoir été dressées bien avant pour pouvoir faire les coupures en cette fin du mois. « C’est normalement en avril qu’on devait sentir ces coupures », explique l’inspecteur des Impôts, Mohamed Sawadogo qui n’a pas manqué de tirer à boulets rouges sur l’Exécutif : « Ce que le gouvernement a fait, c’est du banditisme. Ce sont eux qui demandent à chaque fois de respecter les textes. Pourtant ce sont eux-mêmes qui les violent (Ndlr, les textes).

L’Intersyndicale des magistrats est membre de la coalition des syndicats en lutte. Le juge Emmanuel S. Ouédraogo (SG du SAMAB), explique que les coupures opérées pour fait de grève sont arbitraires et sans bases légales. « On ne peut pas se comporter comme des hooligans avec les droits des travailleurs. On ne peut pas suspendre les salaires des fonctionnaires juste pour faire mal », a analysé le magistrat à la Cour d’appel de Ouagadougou.

En plus des coupures déjà décriées, plusieurs agents du ministère de l’Education nationale ont vu leur salaire suspendu pour ce mois de mars. Selon les chiffres rapportés par les syndicats, ce sont au total 675 agents du MENAPLN qui ont été touchés par ces suspensions de salaire. Parmi ceux-ci, les responsables syndicaux comme Bassolma Bazié (CGT-B), Souleymane Badiel (F-SYNTER), Windyam Zongo (SYNAPAGER), etc. Ces suspensions de salaires touchent également selon le syndicat des femmes qui jouissent de leurs congés de maternité et des fonctionnaires stagiaires. Ce qui fait dire aux syndicats que le gouvernement a « agi sans état d’âme ».

Pour  Bassolma Bazié et ses camarades, le ministre Stanislas Ouaro est « le maître d’œuvre » de ces suspensions de salaire. Aussi, indique-t-il, « l’opérationnalisation de ces suspensions a impliqué les directeurs et chefs d’établissement militants du MPP (Ndlr, le parti au pouvoir) qui ont été réunis le 4 mars 2020 ».

Des Burkinabè solidaires

On l’avait appris. Un appel à souscription volontaire avait été lancé il y a quelques jours pour venir en aide aux travailleurs frappés par les coupures et suspensions de salaires. Seulement quelques jours après le lancement de cet appel à contribution via orange money et mobicash, le bilan est satisfaisant d’après les animateurs de la conférence. Le montant de 15 millions 184 mille 171 francs CFA a été récolté au profit des travailleurs « victimes de cette répression ». Des instructions ont été données pour qu’un montant soit rapidement envoyé aux travailleuses en congé de maternité touchées par les suspensions de salaire.

Qu’à cela ne tienne, la coalition des syndicats dit être vent debout contre l’extension de l’IUTS sur les primes et indemnités et promet que la lutte va se poursuivre et même s’intensifier.

Aya Ouédraogo

 

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