Confinement des cités universitaires: inquiétudes dans les rangs des étudiants

La direction régionale des œuvres universitaires a annoncé lundi le confinement des cités universitaires de Ouagadougou. A partir donc de ce mercredi 1er avril 2020, aucun étudiant ne pourra sortir ni entrer dans les cités universitaires. C’est la riposte du Centre national des œuvres universitaires (CENOU) contre la pandémie du Coronavirus qui sévit depuis trois semaines au Burkina Faso. Mais certains étudiants font part de leurs inquiétudes.      

Il est 13h. La Cité universitaire de Kossodo ne grouille visiblement pas de grand monde ce mardi 31 mars 2020. Contrairement aux autres jours, la mobilisation n’est pas à la hauteur de la capacité d’accueil de cette cité universitaire présentée comme la plus grande de Ouagadougou et même du pays. Le soleil, lui, est au rendez-vous obligeant certains étudiants à défaut d’aller en chambre à prendre position à l’ombre de quelques arbres.

Dans cette cité universitaire, les habitudes ont changé. On n’y entre plus comme avant. Déjà dès l’entrée, les étudiants ont installé leur dispositif. Toute personne qui arrive en ces lieux est tenu de se laver les mains au savon avant de faire mouvement vers les chambres. C’est une initiative des étudiants pour se protéger contre la pandémie du covid-19 qui n’épargne personne et qui se répand comme une traînée de poudre.

Mais cette faible présence des étudiants à la cité se comprend. Depuis maintenant plus de deux semaines, les cours dans les différentes unités de formation et de recherche sont suspendues, les universités fermées. La raison : le coronavirus, ce mal né en décembre dernier en Chine et qui a déposé son baluchon au Burkina Faso le 9 mars dernier. Plusieurs étudiants ont profité de cette suspension des cours pour rejoindre les siens à l’intérieur du pays. Et s’en trouvent aujourd’hui coupés de leurs camarades parce que ne pouvant plus accéder à Ouagadougou, la capitale ayant été mise en quarantaine le vendredi 27 mars 2020.

Difficile sans mesures d’accompagnement

Sur la mesure de confinement annoncée pour prendre effet à partir de ce mercredi 1er avril, les avis des étudiants divergent. Si pour les uns, le confinement est salutaire ; d’autres se disent sceptiques et dénoncent le manque de mesures d’accompagnement.

Ernest Nacoulma, étudiant à la faculté de Droit et résidant de la Cité Kossodo, fait partie des étudiants qui ont été surpris par la décision de la direction régionale des œuvres universitaires qui les place en confinement. « Quand nous avons vu la note (ndlr qui a décrété le confinement des cités universitaires), nous avons été surpris. On se pose beaucoup de questions. Pour moi, la direction est allée très loin dans ses prérogatives », débute l’étudiant Ernest. A l’en croire, sans mesure d’accompagnement, ce confinement sera difficile. Ce résidant de la Cité Kossodo a aussi une pensée pour ces camarades qui sortent pour se taper les petits boulots en ville pour subvenir à leur besoin, ne serait-ce que pour « recharger la carte pour le restaurant universitaire ». Au titre des mesures d’accompagnement, il propose la disponibilité d’un bon wifi pour la connexion, la gratuité des chambres et du restaurant universitaire.

Son opinion est partagée par d’autres résidants. Yempabou Odiou, étudiant en 2ème année de Linguistique estime d’emblée que le confinement est « une bonne mesure ». Mais elle va se buter à certaines réalités du terrain. « Ce sera un peu compliqué au regard de la situation des étudiants. Etant entendu que la plupart des étudiants effectuent de petits boulots pour pouvoir subvenir à leurs besoins », analyse l’étudiant Odiou. Il plaide par ailleurs pour la gratuité du restaurant universitaire sur la période du confinement, appelle les pouvoirs publics à donner « un coup de main financier aux étudiants » qui seront confinés et à prendre des mesures pour « rendre la vie en cité un peu meilleure ».

Depuis l’apparition du covid-19 au Burkina Faso, plusieurs initiatives ont vu le jour pour sensibiliser les populations contre la maladie à coronavirus. Assamadou Guiré, étudiant en Géographie à l’Université Joseph Ki-Zerbo et résidant de la Cité Kossodo est membre fondateur du Collectif des jeunes pour la lutte contre le coronavirus, un regroupement très actif sur le réseau social facebook.

De son analyse, la décision de confinement des cités universitaires « est une mesure qu’il faut saluer et qu’il faut oser respecter parce que nous traversons une période délicate, dit l’étudiant Assamadou. Nous sommes dans une urgence qui nous impose un certain nombre d’attitudes et de comportements quant aux mouvements, aux sorties et entrées dans les cités universitaires ».

Il reconnait toutefois que cette décision de la direction régionale des œuvres universitaires va durement affecter certains étudiants. « Il y a des étudiants, qui à partir des cités universitaires, sortent pour avoir de petites activités à faire pour avoir de l’argent pour s’offrir un plat au restaurant universitaire. Si nous sommes en confinement, que feront ces derniers, s’inquiète-t-il. Dieu seul sait combien d’étudiants résidant en cité universitaire sont des vigiles. Nous en avons des centaines. Nous avons des filles qui sortent faire de petites activités ne serait-ce que pour avoir de l’argent pour s’acheter du savon ».

C’est pourquoi l’étudiant en Géographie plaide pour un soutien financier et matériel des résidents des cités universitaires en confinement. « Ce que nous recommandons, c’est de pouvoir disponibiliser tout aux étudiants. D’abord qu’ils sachent que tous les étudiants ne partent pas dans les restos universitaires. Qu’ils sachent qu’il y a des étudiants qui résident en cité universitaire et qui n’ont rien, qui vivent donc au jour le jour. Il faut soutenir ces étudiants aussi bien financièrement que matériellement. Il y a des choses dont on a besoin pour se sentir à l’aise dans ce confinement », lance Assamadou Guiré qui appelle par ailleurs ses camarades à faire « preuve de flexibilité, de compréhension et mettre en avant le dialogue ».

Certaines sources saluent la mesure d’interdiction d’accès et de sortie des cités parce « qu’elle permettra d’empêcher les grosses voitures de venir chercher des filles résidantes ici malgré la pandémie », ajoute-t-il.

Concrètement, il se dit que c’est la conciergerie de la Cité et le comité des étudiants qui sera chargé de suivre le confinement dans les cités universitaires. Et en cas d’indiscipline, les contrevenants s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à l’exclusion des cités, indiquent certains étudiants inquiets.

Aya Ouédraogo

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