Fait-divers: Le péril de la satisfaction

Photo d'illustration (DR)

L’être humain est un éternel insatisfait. Vous en doutez ? Ah oui, évidemment que non. Sinon, vous allez cesser de travailler immédiatement. Nous en faisons l’expérience chaque jour. C’est ainsi que l’étudiant devenu fonctionnaire va vite faire de quitter l’entrer-coucher qui lui coûtait 15 000 F CFA pour une « chambre-salon-douche-WC-internes » de 40 000 F CFA, s’acheter une moto qui consommera 10 000 F CFA de carburant par mois contre le vélo qui ne buvait que l’énergie de ses muscles. Et c’est le même ancien étudiant qui se plaindra que la « vie est chère » alors qu’il s’est désormais abonné à « descendre » 20 bouteilles de bière et 5 carcasses de poulets flambés par semaine, chose qu’il ne se serait jamais imaginé quand il devait répartir 150 000 F CFA de FONER sur 12 mois ! Eternels insatisfaits, oui, nous en sommes ! Et nous sommes généralement la source de nos propres problèmes.

C’est le cas de Z.K., cadre brillant et militant intrépide de son parti politique. Il a été appelé au gouvernement par le Chef de l’Etat, histoire de mettre ses connaissances et ses compétences à la disposition du pays. Z.K en fut très heureux. Très heureux. Très soulagé aussi.

Grand cadre, il avait contracté un prêt aussi grand que son salaire de grand cadre pour construire une maison pour sa famille. Il était à la moitié de la réalisation de sa maison. Mais les finances devenaient serrées car il avait eu la brillante idée de draguer un mannequin dont la beauté aurait fait tourner la tête à Apollon. La belle étoile était d’une extrême rare beauté. Et Z.K n’avait pas pu s’empêcher de présenter « sa candidature ». Qui a été acceptée à sa grande joie mais pour le grincement de dents de son portefeuille.

Le mannequin lui avait d’abord clairement déclaré qu’un autre « rival » était déjà sur les lieux. Et pour l’en déloger, il lui fallait mettre le prix. Et Z.K y mit le prix : une villa de 500 000 mensuels meublée, une garde-robe à la hauteur de son titre, une voiture dont la rutilance jurait et contrastait d’une manière douloureusement flagrante avec le PIB du Burkina Faso et bien-sûr un porte-monnaie régulièrement approvisionné par les largesses de Z.K.

Tout ceci pour pouvoir profiter de quelques nuits avec la charmante demoiselle lorsqu’elle séjournait au pays, rares éclaircis entre ses nombreux voyages. Mais Z.K s’en accommodait. Se posait-il des questions sur ce que le mannequin faisait lors de ces fréquentes absences ? Bien-sur ! Mais il avait sa philosophie : il avait sa part du gâteau et elle lui appartenait, dans tous les cas !

Cependant, cette course effrénée à la dépense éreintait le grand cadre, d’autant plus qu’il avait construit une grande maison dont les charges lui faisaient ployer l’épaule et cette autre bâtisse qu’il fait ériger pour y passer ses vieux jours. Le bonhomme était donc au bord de l’étouffement lorsque la main du président vint le tirer de là pour le nommer ministre. Voici donc venue l’heure où il pourra éponger la dette à la banque et pouvoir souffler, ne serait-ce que le temps que durera son mandat dans son ministère.

Mais c’était sans compter la gloutonnerie dont l’être humain seul sait faire preuve. Dès sa première mission à l’étranger, Z.K tomba sur une sylphide dont les mensurations et la sensualité lui firent perdre toute notion de la mesure et de la retenue.  Elle était si belle qu’il en oublia le mannequin de Ouagadougou. Il s’enticha de cette nouvelle « bombe » et se divisa en quatre pour satisfaire ses moindres désirs, pourvu que le sien soit satisfait.

Z.K goûta une fois. Puis une deuxième fois et finit par ne plus pouvoir s’en passer. Et le voilà qui faisait de réguliers voyages hors du pays pour des missions dont seule sa femme était au courant de l’objet, dans le but de retrouver sa belle. Celle-ci avait catégoriquement refusé de mettre pied dans un pays africain.

Au fur et à mesure, Z.K finit par mettre les factures de ses nombreux déplacements sur le compte de la comptabilité de son ministère, malgré les inquiétudes de son directeur des affaires financières. Il lui dit même ceci : « mais, il paraît que les DAF sont fort là ! il faut gérer ça ! ».

Puis, vint le moment où la bonne dame demanda à avoir un appartement à elle. Le prix le fit revenir le temps d’un instant à la réalité. Mais ce bref moment de ressaisissement ne dura malheureusement pas. Il décida de payer l’appartement.

A sa banque, son gestionnaire lui refusa poliment de lui accorder ce prêt d’un montant monumental. A son avis, même son poste de ministre ne génèrerait pas assez de ressources licites pour rembourser cette transaction. Il quitta la banque furieux, menaçant de se servir justement de son poste de ministre pour faire fermer l’établissement.

Comme vacciné et sous l’emprise d’une substance qui annihilait tout esprit critique en lui, Z.K se mit à penser aux moyens les plus fous pour satisfaire sa dulcinée qui se trouvait de l’autre côté de la mer. Puis, lui vint l’idée saugrenue de puiser dans les caisses de son ministère. Celles-ci étaient bien renflouées et du reste, leur contenu appartenait à tout le monde et personne. Et personne n’y verrait que du feu. Et du reste, combien avant lui ont volé mais qui n’ont jamais été inquiétés ?

Chose dite, chose enclenchée. Le ministre partit voir son DAF pour voir dans quelle mesure il pouvait tordre le cou à la loi pour lui permettre d’avoir ce qu’il veut. Le montant fit déglutir le DAF et le fit transpirer malgré l’air puissamment froid que brassait le climatiseur du bureau.

Le DAF lui opposa son refus. Le ministre le débarqua au conseil de ministres qui suivit et le remplaça par un autre avec qui il avait auparavant le contrat d’assassinat des finances du ministère. L’assassinat eut lieu. Le ministre s’envola tout heureux pour rejoindre sa chérie.

A son retour, il ne comprit pas pourquoi des policiers l’attendaient à l’aéroport. Parce qu’il n’avait pas compris que des hommes intègres, il en reste encore dans ce pays.

Warpaga

 

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