Burkina Faso : Thomas Sankara est mort le poing fermé

Le président Thomas Sankara. Photo : JusticeInfo.net

L’audience du jeudi 16 décembre 2021 au Tribunal militaire de Ouagadougou a été pleine d’émotions et de révélations. Les témoins Yamba Malick Sawadogo et Kouma Ilboudo ont relaté le film de l’enterrement du président Thomas Sankara et de ses compagnons dans la nuit du 15 octobre 1987.

Kouma Ilboudo vêtu d’un complet carrelé avec un fond rouge, cache-nez descendu jusqu’au menton, a une allure pas très sure. Dans la journée de ce 16 décembre 2021, il est conduit par le sous-officier appariteur du Tribunal militaire de la salle des témoins à la barre. Le cultivateur de profession a été cité comme témoin dans le dossier de l’assassinat du président Thomas Sankara.

En octobre 1987, il était détenu à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. A l’époque, explique-t-il, certains détenus étaient amenés en ville pour faire des travaux publics. Ainsi il était avec certains de ses codétenus vers Paspanga pour ces travaux le 15 octobre 1987. Vers 16h, il dit avoir entendu des coups de feu. « Le caporal qui nous surveillait nous a demandé de nous coucher dans un trou. On est resté là-bas. Vers 20h, on est sorti, on est allé à la maison d’arrêt pour manger. On nous a fait sortir encore pour aller au Conseil. Arrivé on a ramassé les corps mettre dans des véhicules pour aller les enterrer à Dagnoen. Le président Sankara avait le poing fermé et levé. Il était habillé en survêtement rouge. On a enlevé la ficelle de son pantalon pour attacher sa main et pouvoir l’enterrer. Un détenu du nom de Kouakou a pris les chaussures du président. Moi j’ai enlevé sa ceinture et sa bague(…). Quand on a fini de creuser, on les enlève un à un du véhicule pour les enterrer. Les camions étaient garés, les phares allumés. On est arrivé au cimetière vers 21h et on a fini vers 5h du matin », révèle le témoin. Il n’était pas seul pour cette « corvée » macabre.

L’actuel vice-président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) était de l’équipe qui a inhumé les victimes du coup d’Etat du 15 octobre 1987. Il était incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). « Le régisseur de la MACO est venu vers 20h avec une vêlera pour nous chercher. Il y avait coupure de courant. Tout était noir. On roulait sans phare. On est rentré au Conseil de l’entente. On a trouvé du matériel de creusage qui était déjà entreposé à côté des corps. Nous avons ramassé ces matériels de creusage pour aller au cimetière de Dagnoen. En route vers Bonsyaré, on a croisé beaucoup de militaires à moto. C’était un renfort venu de Pô. Nous sommes arrivés au cimetière. Nous étions 20 prisonniers. Le régisseur a demandé de creuser. J’ai demandé combien. Il dit de faire comme on veut. J’ai eu l’impression qu’il voulait qu’on fasse une fosse commune. Nous avons creusé 10 tombes. Quand on était sur la dernière tombe, le régisseur est reparti avec certains d’entre nous pour amener les corps. C’est en essayant de les enterrer un à un qu’on a vu qu’ils étaient 13. On a creusé trois autres tombes dont la tombe du président côté nord des autres. Le régisseur avait préparé des papillons. Quand on regarde les écritures sur les papillons, c’est mon écriture et celle du régisseur. On sortait les corps un à un, le régisseur torche, on l’identifie et il dit mettez-le dans cette tombe. C’était comme ça pour les 13 personnes. Puis j’ai placé des papillons sur les tombes. Toutes les victimes étaient identifiables. Le président avait le point fermé. Un prisonnier a ouvert son poing pour enlever sa bague et a refermé sa main. La bague a été enlevée devant le régisseur de la MACO, Karim Tapsoba », détaille les larmes aux yeux le témoin Yamba Malick Sawadogo.

 

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