Le procès de l’affaire Sankara suspendu à une décision du Conseil constitutionnel
Le coup d’État du lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba n’a pas seulement renversé Roch Kaboré et son régime. Il a un effet sur le procès Thomas Sankara. Ce jeudi 3 mars 2022, le tribunal militaire a ordonné une suspension de l’audience suite à une saisine du conseil constitutionnel par quelques avocats de la défense. Ces avocats estiment que le coup d’État n’est plus une infraction à la loi pénale au regard des récents événements consécutifs au putsch du 24 janvier 2022. C’est le deuxième renvoi de l’affaire après le coup d’État contre le président élu Roch Kaboré.
Après une suspension de trois semaines accordée aux avocats de la défense pour préparer leurs plaidoiries, l’avocat Me Aliou Diakité, conseil du colonel major Jean Pierre Palm, a informé le Tribunal ce jeudi 3 mars 2022 qu’il a saisi le Conseil constitutionnel. L’avocat au cabinet Moumouny Kopiho demande au conseil constitutionnel de déclarer l’article 313 du Code pénal contraire à la constitution. Il se fonde sur les récents événements politiques au Burkina Faso avec le renversement par coup d’Etat du président Kaboré et la prestation de serment puis l’investiture de l’auteur du putsch.
Pour lui, le coup d’Etat n’est plus illégal au Burkina Faso. Il est devenu un mode d’accession au pouvoir. Il demande donc au conseil constitutionnel de dire et juger que l’article du code pénal qui sanctionne le coup d’Etat ou l’attentat à la sureté de l’Etat n’est pas conforme à la constitution.
Il est soutenu par trois avocats de la défense comme Me Olivier Y. Somé. Pour cet avocat, « que l’attentat à la sureté de l’Etat ait réussi ou pas, il reste un attentat à la sureté de l’Etat. Pourquoi on va poursuivre certains qu’on estime auteur d’attentat et laisser d’autres. Que le conseil constitutionnel nous départisse une bonne fois pour toute. »
Me Olivier Y. Somé est appuyé par Me Victoria Nebié et Me Mariah Kanyili. Les deux avocates soulèvent sur le champ une exception d’inconstitutionnalité et invitent le tribunal à surseoir à statuer.
Ces avocats de la défense sont suivis par le procureur militaire. Seulement au niveau des avocats des familles des victimes du coup d’Etat d’octobre 1987, les requêtes de la défense sont tardives et doivent être rejetées. Selon Me Prosper Farama, ce sont des questions préjudicielles qui devaient être soulevées avant toute défense au fond. Son confrère ainé Me Benewendé Sankara estime que le procès peut se poursuivre, libre à la défense d’exercer des voies de recours au cas où le conseil constitutionnel rende une décision qui lui est favorable.
Le président du Tribunal, Urbain A. Méda, a ordonné une suspension de l’audience en attendant la décision du juge constitutionnel. La date de la reprise du procès sera communiquée après la décision du conseil constitutionnel.
Cet incident de procédure n’est pas partagé par tous les avocats de la défense. Plusieurs d’entre eux ont marqué leur étonnement de cette requête de leurs collègues et s’offusquent de n’avoir pas été informés ou associés.
Aya Ouédraogo