Procès Sankara: « c’est le lieu de féliciter tout l’équipage pour avoir pu conduire ce navire que l’on croyait à jamais perdu », Martin Zongo, Haut-commissaire du Nahouri sous la révolution

"C'est la victoire de la justice sur les sordides manœuvres des puissances politiques. La victoire de la lumière sur les opaques ténèbres" (Ph DR)

Martin Zongo, administrateur général du Carrefour international du théâtre de Ouagadougou était un fervent militant de la révolution démocratique et populaire. Haut-commissaire de la province du Nahouri sous la révolution, foyer incandescent de la révolution, il nous partage son impression sur le verdict du procès Thomas Sankara.

 

“Le long procès qui a retenu l’attention de nombreuses personnes, tant au niveau national qu’international, vient enfin de livrer son verdict.

Ouf ! Rarement, dossier judiciaire aura connu un tel sort. Beaucoup de personnes, et pas des moindres, n’avaient pas intérêt à ce qu’il soit enrôler. Trop d’enjeux. Trop de risques que des têtes tombent. Et comme la justice se tait là où la force fait loi, le dossier fut classé. Enterré.

Mais l’histoire surprend parfois par des cabrioles qui peuvent désarçonner le plus intrépide des cavaliers. C’est ce qui arriva avec l’insurrection populaire d’octobre 2014. Le dossier Sankara et ses compagnons d’infortune est exhumé par le fait du prince. Quel rebondissement ! Comme si le cadavre refusait de mourir. Comme si l’inextinguible soif de justice venait à bout de tous les obstacles sur sa longue et fastidieuse route.

En effet, le chemin fut très long. 35 ans d’attente et de lancinante douleur pour les uns, et 35 ans de tranquillité, dont 27 ans au paradis de l’impunité, pour les autres. Le dossier est enfin jugé et les sentences prononcées.

Les appréciations seront divergentes, certes, mais l’histoire aura démontré qu’elle fait les choses en son temps et heure.

Le petit peuple, les familles des victimes, les acteurs du processus révolutionnaire fidèles au président Sankara, tous les proches et sympathisants des victimes du 15 octobre et enfin, tous les disciples et admirateurs du président Sankara et ses compagnons d’infortune à travers le monde, célèbrent une forme de victoire. La victoire de la justice sur les sordides manœuvres des puissances politiques. La victoire de la lumière sur les opaques ténèbres.

Les goûts de cette victoire sont divers : Sucré. Fade. Aigre. Inachevé. Amer. Mais c’est le propre des goûts des décisions judiciaires.

Pour notre part nous faisons, contre mauvaise fortune, bon cœur, et acceptons ce procès et son verdict comme un gros lot de consolation. Des rêves n’ont pas été réalisés. D’ardentes attentes n’ont pas trouvé satisfaction. Des absences de taille ont quelque peu enlevé le piquant du procès. Le refus de la retransmission de ce procès historique sur les médias a frustré plus d’un. Les dénégations éhontées et autres mensonges en plein jour ont déçu beaucoup de personnes qui s’attendaient à plus d’élégance, de courage et de sens de la responsabilité de la part de certains accusés, d’un certain rang et d’une certaine classe. Mais qu’à cela ne tienne. Le navire de la justice est allé jusqu’au port, et c’est le lieu de féliciter tout l’équipage pour avoir pu conduire ce navire que l’on croyait à jamais perdu dans les eaux tumultueuses des houleuses mers de la politique”.

 

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