Pour des institutions d’enseignement supérieur au service du développement du capital humain

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« Il n’est de richesse que d’hommes » on peut dire que le Burkina Faso a fait sienne cette citation Jean Bodin en plaçant au cœur de sa politique actuelle,  le développement du capital humain, si on s’en tient aux déclarations publiques de nos gouvernants. Dans les différentes délibérations des conseils des ministres, une section est entièrement consacrée à ce volet. Le concept au sens large du terme peut renvoyer à un paquet de services qui participe au bien-être du citoyen et dans ce sens, l prend en compte la santé, l’accès à l’eau potable… Cet entendement du politique burkinabé mérite d’être recentré sur le contenu que donnent plusieurs  spécialistes du domaine qui le lient au rôle de l’Homme dans le processus de création de richesses, de développement d’un pays et correspond aux savoir-faire en contexte nécessaire à l’exercice de ce rôle.

Dans ce sens, le développement de tout pays est fortement conditionné par la mise en place d’un cadre de formation efficace fortement ancré dans le présent avec une grande capacité de projection dans le future parce que comme le soutend  Joseph KI-Zerbo, «La matière grise est la locomotive du progrès » ou encore Gary Becker « l’investissement dans les hommes est une condition essentielle pour le progrès économique ».

 

Mettre en place des dispositifs adéquats

Pour la formation de ces compétences, de ce capital humain au-delà des services sociaux de base pour le bien être, l’éducation demeure le pivot. La formation tant initiale que continue constitue les deux principales voies pour assurer les besoins du présent et anticiper ceux du futur. La prise en compte de l’enjeu du futur est essentiel pour l’efficacité surtout externe de tout système éducatif. Dans ce sens, un rapport de Dell et du think tank « Institute for the Future » précise qu’environ 85% des métiers de 2030  n’existent pas encore aujourd’hui ! Alors, pour un système formation efficace orienté vers la production de compétence pour le développement, il faudrait commencer à prospecter sur ces nouveaux métiers et mettre en place les dispositifs adéquats pour la formation de ces nouvelles compétences.

L’enseignement supérieur Burkinabé à travers le changement de la dénomination des facultés en UFR lors de la réforme de 2000  semblait s’inscrire dans cette perspective. En plus des formations classiques, plusieurs UFR proposent des licences et des masters professionnels. De plus en plus de certificats sont aussi proposés par certains instituts. Mais, à l’analyse du processus trois pistes permettraient d’améliorer ou de renforcer les offres actuelles.

Première piste, sans renier le rôle régalien des institutions d’enseignement supérieur dans la conception des programmes, il est important pour un programme de formation professionnelle pertinente et efficace d’associer des compétences en ingénierie de formation et les professionnels du domaine. L’élaboration des programmes de formation professionnelle obéit à des normes dont les acteurs traditionnels de nos institutions d’enseignement supérieur ne sont pas nécessairement outillés. La plus part des intervenants ayant suivi les cycles classiques de formation. Ils sont plus des spécialistes de leurs disciplines. Allez des compétences attendues en contexte professionnel tout en prenant en compte l’évolution possible de ce contexte de travail pour proposer des contenus de formation relève de l’ingénierie de formation, et non de parcours de spécialistes du domaine. La voie actuelle qui consiste pratiquement à imaginer les compétences dont les professionnels ont besoin semble plus mettre l’accent sur le cadre théorique de base que sur la capacité de mobilisation des savoirs, savoir-faire, savoir-être des aptitudes physiques nécessaires pour résoudre un problème en contexte professionnel simple ou complexe.

La formation continue, une vrai alternative

Deuxième piste, il est impératif pour nos institutions d’enseignement supérieur de s’ouvrir pour prendre en compte les nouveaux enjeux de la formation. Au titre de ces enjeux, on peut retenir en premier lieu, la flexibilité pour former le plus grand nombre. Car, la plus part de nos filières sont des filières classiques qui ne permettent pas aux apprenants de sortir avec des compétences professionnelles et les masters qui préparent au troisième cycle sont aussi contingentés. En outre, dans le milieu  professionnel, on assiste à une évolution rapide des métiers avec l’avènement des nouvelles technologies qui impactent la pratique des métiers. La formation continue apparaît comme une vraie alternative d’une part pour la préservation de l’emploi et pour de nouvelles perspectives professionnelles d’autre part. La flexibilité temporelle à travers la mise en place  de micro programmes capitalisables pour l’obtention de diplômes de grades constitue un enjeu majeur pour nos institutions d’enseignement supérieur. Cette forme de flexibilité est déjà adoptée dans les universités canadiennes. Le recours aux dispositifs de formation à distance pourrait davantage améliorer cette flexibilité.

En deuxième lieu, le développement de programmes de certificats de compétences pourrait pallier le manque de compétences nécessaires à l’insertion professionnelle des sortants du système et favoriser l’accès à la formation aux professionnels en activité en répondant aux besoins  d’évolution de leurs métiers.  Mais, pour un accès à la majorité du public cible qui sont dans ce besoin, les institutions d’enseignement supérieur devraient optée une seconde flexibilité en terme d’ouverture, ou d’accès en détachant la condition d’inscription dans des programmes de grades (Bac, licence, master) qui exige le baccalauréat, des programmes de certification en autorisant ceux qui n’ont pas de baccalauréats de renforcer leurs compétences surtout les professionnels. Un enseignant titulaire du diplôme de CASUS qui n’a pas le bac et qui souhaiterait faire un certificat en gestion des structure éducatives ou un contrôleur financier qui souhaiterait renforcer ses capacités en passation des marchés devrait pouvoir le faire sans la condition de détention du baccalauréat pour accéder à l’enseignement supérieur. France université numérique (FUN), Coursera (américain) ou edulib (canadien) offrent aujourd’hui des certificats d’université de renom sans condition autre que s’inscrire en ligne et suivre le programme.

Troisième et dernière piste, le ministère de l’enseignement supérieur devrait envisager l’encadrement des programmes de certificats de compétence qui ne sont pas encore pris en compte dans la législation au niveau supérieur. Définir ce qu’on entend par un certificat et catégoriser, réfléchir à son arrimage au système LMD par une validation des acquis et enfin, définir des certificats de compétences professionnelles nationaux pour répondre à des besoins spécifiques du développement ou de secteurs émergents comme celui l’intégration des TIC dans les domaines stratégiques comme la santé, l’éducation… En guise d’exemple, concernant le domaine des TIC, des certificats nationaux de compétences numériques transversales et spécifiques (enseignement, santé, gestion…) sont aujourd’hui mis en œuvre dans les institutions d’enseignement supérieur français.

S’organiser…

Pour des institutions d’enseignement supérieur au service  développement du capital humain, ces trois sillons peuvent être mis en perspective à court terme. Au-delà,  il y va de la survie de nos universités et instituts. Les universités occidentales ont commencé à conquérir le marché Africain et quelque fois en se servant de nos institutions d’enseignement supérieur comme des centres de sous-traitances à travers des formations délocalisées. Aujourd’hui, nous avons les compétences, le savoir est accessible grâce aux TIC, il appartient aux acteurs de s’organiser pour créer les conditions pour des institutions d’enseignement supérieur au service du développement du capital humain à travers le conception et la mise en œuvre de programmes de formation innovants qui prennent en compte les enjeux développement de la sous-région.

Dr Benjamen Sia

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