Procès Sankara : Gabriel Tamini, le témoignage d’un ancien mis en examen

"J’étais jeune à l’époque. J’avais 28 ans. J’étais un propagandiste convaincu de la révolution", a déclaré M Tamini à la barre. Ph DR

Son témoignage était attendu. Gabriel Tamini journaliste à la retraite, âgé de 62 ans, avait été mis en examen pour complicité d’attentat à la sureté de l’Etat puis mis hors de cause par la chambre de contrôle de l’instruction du Tribunal militaire. Il a livré son témoignage le mercredi 1er décembre 2021 devant la juridiction militaire.

Le journaliste Gabriel Tamini était journaliste à la radio nationale. Peu avant le 15 octobre 1987, il avait été suspendu. Le jour du coup d’Etat ayant emporté le président Sankara, il était à son domicile. « (…) J’ai entendu des détonations. Je suis sorti pour voir. A l’époque je me sentais en insécurité. J’étais sous la traque des Comités de défense de la révolution (CDR) de la radio. Mon premier réflexe quand j’ai entendu les coups de feu, c’est de fuir. Si ça tire, c’est qu’il y a une crise profonde entre certains responsables. Je suis sorti, je me suis mélangé aux clients d’un vendeur de viande vers chez moi. C’est de là que j’ai vu venir un véhicule à vive allure. J’ai reconnu Salif Diallo dans le véhicule. Pour moi c’était une opportunité de fuir ensemble. Je suis entré dans le véhicule. J’ai demandé ce qui se passe. Salif Diallo m’a dit qu’il y a eu des coups de feu au conseil de l’entente et que Sankara est mort. J’ai demandé : et Blaise ? Il m’a dit qu’il était avec Blaise quand ça tirait. Blaise a reçu un coup de fil de Hyacinthe Kafando qui disait que ‘’Sankara est mort, prends tes responsabilités’’. On est parti chez Blaise Compaoré, il y avait plein de militaires. Il y avait Henri Zongo et le commandant en chef Jean Baptiste Lingani », foi de Gabriel Tamini.

Une fois sur place, il y avait déjà une équipe prête pour aller à la radio nationale. « J’ai accompagné l’équipe pour aller à la radio. Arrivé sur place, un communiqué a été lu. C’est au moment où on lisait le communiqué que j’ai pris connaissance de son contenu. J’ai passé la nuit à la radio. Le 16 octobre, Salif Diallo est parti pour une réunion au conseil. Il est revenu dans l’après-midi avec un communiqué que j’ai lu », poursuit l’ancien journaliste membre du Comité central du Conseil national de la révolution.

4 juillet 1987, date d’une rencontre houleuse

Selon Gabriel Tamini, le 4 juillet 1987, il y a eu une rencontre des cadres de l’UCB à l’ENAM. C’était une rencontre des cadres. Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo, Jean Baptiste Lingani, Etienne Traoré, Dr Patrice Zagré (mort le 15 Octobre 1987 avec le président Sankara), etc. y ont pris part.

Cette réunion, dit-il, était centrée sur l’exclusion de l’UCB de certaines instances de décision. Il y a eu des critiques ce jour sur la conduite du CNR. « J’ai pris la parole pour faire des critiques. Je crois aux vertus de la critique et de l’autocritique. Il y a eu une pause, je suis allé pour saluer le président Sankara, il a refusé. Il ne m’a pas tendu la main. Les gens m’ont dit de faire attention parce que Sankara m’avait ciblé lors des débats », se souvient encore l’ancien journaliste et communiste devenu aujourd’hui pasteur.

Dans un communiqué lu après le putsch d’octobre 1987, le témoin qualifiait le président Sankara de traitre et de renégat. Interrogé par Me Olivier Badolo sur cette sortie publique, Gabriel Tamini reconnait « qu’il y a eu des excès de langage. C’est regrettable. » Lors de sa déposition devant le juge d’instruction, Serge Théophile Balima explique : « Deux ans après, les distensions ont commencé à naitre entre nous. Ensuite on a recruté des jeunes journalistes excités qui nous qualifiaient de réactionnaires. Gabriel Tamini était l’un des extrémistes…. » Confronté à cette déclaration l’ancien mis en examen soutient que plusieurs personnes « disent ça. Mais c’était lié à l’environnement. J’étais jeune à l’époque. J’avais 28 ans. J’étais un propagandiste convaincu de la révolution. Il y avait une phraséologie à l’époque. »

Pour les avocats des parties civiles, Me Ambroise Farama et Me Guy Hervé Kam, Gabriel Tamini ne dit pas la vérité au tribunal alors qu’il a pourtant juré de dire toute la vérité. Les deux avocats ont appelé le tribunal a procédé à son arrestation pour faux témoignage. Le président du Tribunal après une brève suspension a estimé que les déclarations du témoin ne sont pas fausses. Il a rejeté la requête des avocats.

Aya Ouédraogo

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