« Sans le combat, on aurait débouché sur une corruption institutionnalisée », (Dr Luc Marius Ibriga)

Dr Luc Marius Ibriga, invité du Club de la presse le vendredi 25 février 2022. Photo : Bendré

Pour le premier numéro du Club de la presse, le Centre national de presse Norbert Zongo a ouvert, le vendredi 25 février 2022, ses micros à l’universitaire Luc Marius Ibriga, contrôleur général d’État en fin de mission à l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE-LC). L’invité a parlé de corruption et s’est exprimé sur l’actualité nationale marquée l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) hissé au-devant de la scène après le coup d’État du 24 janvier.

Pendant sept ans, il a été de tous les combats en matière de lutte contre la corruption, l’impunité et pour la bonne gouvernance. Dr Luc Marius Ibriga aujourd’hui admis à la retraite a passé deux heures d’échanges avec des journalistes à l’occasion du premier club de la presse de l’année organisé par le Centre national de presse Norbert Zongo.

Selon l’invité, la lutte contre la corruption a connu une avancée au Burkina Faso avec la dynamisation de l’Autorité supérieure de contrôle d’État qui a évolué pour admettre le volet lutte contre la corruption grâce à l’adoption d’une loi organique sur l’ASCE-LC et la constitutionnalisation de l’institution. Entre 2015 et 2016, le niveau de la corruption avait connu une baisse, selon les constats du Réseau national de lutte contre la corruption (REN-LAC).

Pour le contrôleur général d’État sortant, cette baisse de la corruption peut s’expliquer par le changement intervenu après l’insurrection populaire d’octobre 2014 suivie de la période de Transition. Mais à partir de 2017, souligne Dr Ibriga, la courbe de la corruption a pris une ascension fulgurante à cause l’impunité. « On était dans une situation de corruption systématique. Sans le combat qui est mené par les institutions et les organisations de la société civile de lutte contre la corruption, on aurait débouché sur une corruption institutionnalisée où c’est la culture de la corruption qui prévaut au lieu du refus de la corruption », indique l’invité du Club de la presse. Malgré l’existence d’un environnement juridico-institutionnel intéressant salué même au-delà du Burkina Faso, la corruption demeure.

Et les actions peu rassurantes de l’ancien pouvoir en matière de lutte contre la corruption ne sont pas pour faciliter les choses. Dr Ibriga rappelle la situation du Directeur général adjoint des douanes, William Alassane Kaboré et de Seydou Zagré, directeur de cabinet de l’ancien président du Faso tous poursuivis par le Pool économique et financier du Tribunal de grande instance Ouaga 1 mais maintenus en fonction contrairement aux exigences de la Loi n°081-2015. Cette loi impose la suspension de tout agent public objet de poursuites judiciaires de ses fonctions. Pour l’ancien contrôleur général d’Etat, c’est la preuve du manque de volonté politique.

Ce manque de volonté politique peut se remarquer à travers le grand retard constaté dans la prise de décrets d’application de la loi sur l’ASCE-LC. L’ancien gouvernement a pris cinq ans avant de commencer à adopter ces décrets d’application. « Certains conseillers dans des ministères et à la présidence du Faso ne voulaient pas de la loi sur l’ASCE-LC. Ils disent que nous avons profité de la transition pour adopter des textes émotionnels et que le conseil constitutionnel s’est fourvoyé en déclarant la loi sur l’ASCE-LC conforme à la constitution et qu’il sied de la réviser », rappelle l’ancien contrôleur général d’Etat. A cela s’ajoute l’insuffisance des ressources allouées à l’institution et à la justice qui manque cruellement de moyens pour mener ses investigations.

D’après Luc Marius Ibriga, l’institution nationale de lutte contre la corruption a toujours été sauvée par l’opinion publique et les organisations de la société civile engagées sur le front de la lutte anti-corruption. Il appelle à miser sur la répression sans oublier la sensibilisation et la prévention face à « la banalisation de la petite corruption au Burkina Faso. »

Fatim Traoré

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