Santé : La lutte contre le paludisme menacée par la pandémie de Covid-19

Des centaines d'enfants meurent chaque jour de paludisme en Afrique

Le monde entier a sacrifié à la tradition en célébrant le 25 avril 2021, la journée mondiale de lutte contre le paludisme. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la crise sanitaire du Covid-19 monopolise depuis 2 ans l’attention mondiale, faisant craindre un relâchement des efforts contre cette maladie qui touche pourtant près de 300 millions de personnes par an avec à la clé 400 000 morts, essentiellement en Afrique.

Deux poids, deux mesures. Cette expression sied bien pour qualifier la vitesse avec laquelle des vaccins ont été trouvés pour venir à bout du nouveau coronavirus moins d’une année après son apparition en décembre 2019. Le cancer tropical qu’est le paludisme existe pourtant depuis des milliers d’années mais jusque-là, aucun vaccin contre ce mal n’a encore été mis sur le marché. Il est difficile d’ailleurs de ne pas penser que c’est parce que la maladie provoquée par la piqûre de l’anophèle femelle ne touche que certaines zones particulières du monde, les plus pauvres notamment que sont l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est et les îles Caraïbes, que le monde de la science se presse lentement pour lui trouver un remède préventif.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs souligné que la perturbation des traitements antipaludéens causée par la crise Covid pourrait entraîner des dizaines de milliers de décès supplémentaires. La raison est que la pandémie de Covid-19 a un impact négatif très fort, particulièrement en matière de prévention. Pour preuve, un grand nombre de campagnes de distribution publiques de moustiquaires imprégnées ont notamment été annulées, compte tenu du contexte sanitaire, ont indiqué des experts de l’OMS. Ces campagnes sont pourtant essentielles. Mais dans la mesure où les gens se mettent en rang pour recevoir leur moustiquaire, elles n’étaient plus possibles à organiser selon Olivia Ngou, directrice de l’ONG Impact Santé Afrique et co-fondatrice du CS4ME (Civil Society for Malaria Elimination). Conséquences, ces difficultés ont laissé des millions de personnes sans protection durant la saison des pluies de mars 2020.

 Le bout du tunnel ?

Des annonces faites autour de la journée du 25 avril 2021 consacrée à la lutte contre le paludisme montrent pourtant que le bout du tunnel quant à la découverte d’un remède efficace et définitif contre cette emblématique endémie n’est plus si loin. La première bonne nouvelle vient de la France. Le professeur Jérôme Clain de l’université Paris-Descartes nous apprend en effet, que la résistance du parasite responsable du paludisme aux traitements curatifs actuels peut être vaincue par une trithérapie, association de l’atovaquone proguanil à la bithérapie à base d’artémisinine utilisée jusque-là. Des essais cliniques sur 1600 enfants de moins de 5 ans au Mali, au Ghana, au Gabon et au Bénin ont donné des résultats satisfaisants et selon le chercheur français, « cette trithérapie sera efficace et bien tolérée par les patients, c’est-à-dire avec peu d’effets secondaires supplémentaires par rapport à la bithérapie ».

La deuxième bonne nouvelle vient du Gabon. Là, des chercheurs du centre de recherches médicales de Lambaréné financé principalement par la Fondation Bill et Melinda Gates, nous apprennent la mise au point d’un candidat vaccin dénommé RTSS, en collaboration avec le Kenya et le Burkina Faso. Efficace à seulement 39%, ce candidat vaccin a encore du chemin à faire pour passer le cap des essais cliniques, même s’il participe à combler le vide qui a longtemps marqué ce domaine de la découverte d’un remède préventif contre l’hécatombe due à la piqûre de l’anophèle.

Le Burkina en pole position

La troisième bonne nouvelle et non des moindres, vient du pays des hommes intègres. Le professeur Halidou Tinto de l’unité de recherche clinique de Nanoro au Burkina Faso a annoncé qu’en collaboration avec l’université britannique d’Oxford, le laboratoire qu’il dirige a mis au point un candidat vaccin que l’on peut qualifier de très sérieux. En effet, à la fin de la phase II des essais cliniques, le R21 /Matrix-M, le candidat vaccin en question, à dose élevée, immunise 77% des membres du groupe test.

Espérons tout simplement que comme elle l’a fait pour la Covid-19, l’OMS ne tardera pas à homologuer le R21/Matrix-M. Espérons surtout que l’organisme onusien ne va pas exiger comme le craignent certains, des essais cliniques complémentaires jusqu’à l’ultime phase V exigée pour valider un vaccin alors que l’hécatombe due au paludisme ne fait que grandir.

Jean Pierre SAWADOGO

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