Situation nationale: Attention à la colère noire des «gilets rouges»

Lentement, mais sûrement, l’année 2018 s’achève. Et c’est dans seulement quelques petites semaines. Le front social d’où on scrutait une accalmie semble plutôt ragaillardi par le succès du mouvement des Gilets jaunes en France. Du coup, on se demande si ceci ne va pas inspirer cela.

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la troisième  année du mandat du président Roch Kaboré n’a pas été des plus reluisants qu’on pouvait espérer sur le plan social. La morosité, pour ne pas dire la rochosité, de l’économie semble s’être poursuivie au point que les acteurs de ce secteur, aussi bien au niveau formel qu’informel, n’ont pas pu faire les bonnes affaires auxquelles ils s’attendaient. La conséquence de cette situation est sans doute la persistance de la vie chère avec son corollaire de colère des syndicats qui, ici au Faso, ont plutôt l’habitude d’arborer des gilets rouges pour leurs manifestations, contrairement à la France où les Gilets jaunes viennent de s’imposer comme les vedettes de la rue.

Au-delà de la comparaison entre la situation sociale en France et au Burkina, force est de constater que lorsque malgré des statistiques officielles qui indiquent «une augmentation du pouvoir d’achat des Burkinabè, force est de constater que cela n’est nullement ressenti par les syndicats et leurs militants. Aussi, la dernière augmentation de 75 F du carburant à la pompe a été reçue comme de grosses gouttes qui ont fait déborder des vagues de marches à Ouagadougou et dans les principales villes du pays. Inutile d’ajouter que les «partenaires sociaux» ne sont pas contents de cette décision gouvernementale et ils ont tenu à le manifester bruyamment.

Et ce n’est pas tout. Le service des Impôts a rajouté à la colère en procédant brutalement et sans préavis aucun au prélèvement des taxes de résidence sur les salaires de fin du mois de novembre dernier. Là également, les syndicats n’ont pas manqué l’occasion de signifier leur indignation à qui de droit. Quant à la coordination des syndicats du monde de l’éducation qui attendait de voir le salaire de ses membres revus à la hausse conformément à un engagement du gouvernement, l’attente a accouché d’une grosse désillusion. Réponse du berger à la bergère, c’est par une mesure de «suspension des évaluations» que la Coordination a répondu au gouvernement.

 

Éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets

Si l’on s’en tient à ces trois colères vivement exprimées, on peut dire qu’il y a quoi moudre du grain pour les syndicats non seulement en cette fin d’année, mais aussi pour l’année prochaine. Et c’est l’année scolaire et universitaire qui risque de prendre un coup si les syndicats d’enseignants ne décident, au plus vite, de mettre de l’eau dans leur vie. Même si la mesure de suspension des évaluations est diversement suivie, plus dans les établissements publics que privés, il reste que la poursuite de ce mouvement risque logiquement de provoquer une autre colère, celle des parents d’élèves.

Déjà l’année dernière, le bras de fer entre la Coordination et le gouvernement a fait perdre de précieuses heures de cours aux élèves. Ce qui a provoqué de légitimes frayeurs chez les parents d’élèves qui craignaient ainsi une année blanche pour leur progéniture. Heureusement qu’un accord a été signé, in extrémis, entre le gouvernement et les syndicats, permettant ainsi de sauver l’année, sans évidemment vider le contentieux. La partie gouvernementale a pris des engagements que les syndicats attendent de voir tenir.

Mais comme dans toutes les différentes négociations entre le pouvoir actuel et les syndicats, les contenus des caisses de l’État ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. Tout semble être mis en œuvre pour prendre des engagements afin d’obtenir une certaine accalmie. Mais lorsque passe la colère, le gouvernement se voit obligé de passer à la satisfaction d’autres priorités. Ce qui ne lui permet pas de donner à chacun ce qu’il a promis. Dans ce jeu d’équilibrisme, c’est la paix sociale qui risque d’accuser un grand coup si jamais les syndicats décident d’aller jusqu’au bout du bouchon.

En tout cas, il faut craindre que la situation de jusqu’au-boutisme qui a amené le gouvernement français à céder sur bien de points aux revendications des Gilets jaunes n’inspire le monde syndical burkinabè qui regarde de très près ce qui se passe du côté de Paris. Si les «gilets rouges» de Ouagadougou se fâchent et versent dans les mêmes dérapages que les Gilets jaunes, c’est «le secret de la maison» qui risque de se retrouver dehors. Il y a donc lieu pour le gouvernement de faire attention pour ne pas provoquer la colère noire des gilets rouges. C’est une question de prudence et de sagesse.

 

 

 

Laisser un commentaire

shares