Situation nationale: Faut-il désespérer de Roch Kaboré ?

Le 29 novembre 2015, lors de l’élection présidentielle post-transition politique, il était considéré comme «le moins pire des candidats à la magistrature suprême. Et les Burkinabè le lui ont bien rendu en le choisissant au premier tour contre son principal challenger, Zéphyrin Diabré. Son élection semblait aller de soi pour certains observateurs avisés de la scène politique burkinabè. Du moins, il apparaissait comme «l’homme de la situation» ou encore «la solution» selon le slogan de ses partisans.

Mais depuis que Roch Kaboré a pris les rênes du pouvoir d’Etat, le miracle se fait toujours attendre, la rupture aussi. Aussi, las de scruter l’horizon, ils sont de plus en plus nombreux les Burkinabè qui se laissent gagner par le désenchantement. Chacun y va de sa sanction d’un pouvoir qui ne semble pas prendre la mesure des aspirations profondes qui animaient le peuple burkinabè au lendemain de l’insurrection populaire. Les transformations promises de l’économie, de l’administration publique et du système judiciaire ne sont qu’un leurre. Ils ont du mal à savoir où le président et son gouvernement mènent le Faso.

Chaque jour qui passe fait douter un peu plus des acquis de l’insurrection et surtout de la capacité du pouvoir à inverser sensiblement les tendances. Tout se passe comme si les insurgés qui ont tout mis en œuvre pour faire plier le régime précédent avaient tort de crier trop victoire. Et que ce qui leur arrive aujourd’hui n’est que le résultat d’une grosse illusion.

Le pire, c’est que certains en viennent même à croire que «la gouvernance actuelle est pire que celle qu’on connaissait», notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Faut-il en rire en pleurer ?

A la vérité, Roch Kaboré a toujours du mal à imprimer un rythme, son rythme à la conduite des affaires publiques. Sa gestion manque simplement de vision et de style propres. Les intempestives comparaisons faites de son action à la tête de l’Etat avec celle du régime déchu par des politiques, des journalistes et des syndicalistes achèvent de convaincre que l’actuel régime peine à trouver les ressources nécessaires pour enclencher une véritable rupture.

Ce qui explique pourquoi le dernier sondage publié par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) ne l’a crédité que d’une petite note en deçà de la moyenne. Une manière bien polie pour les personnes enquêtées de reconnaître que l’action du président est bel et bien descendue dans les abysses, qu’elle est insuffisante.

Même sur le terrain de la lutte contre le terrorisme où le pouvoir de Roch Kaboré est supposé déployer toute son énergie, ça manque encore d’actions fortes et énergiques. On n’a toujours pas les hommes qu’il faut sur les fronts qu’il faut. La machine à combattre la nébuleuse manque de capitaine tant au plan politique que militaire.

Bref, les hommes qui entourent le président ou qui le représentent manquent cruellement de poigne et de verve pour convaincre de leur engagement à faire changer les choses. A commencer par le chef du gouvernement en place depuis janvier 2016. Malgré un réajustement opéré en fin janvier 2018, les oiseaux rares se sont font toujours attendre sur le chantier de la «gouvernance vertueuse». Du reste, ils sont trop peu nombreux, les ministres qui vont véritablement au charbon, qui prennent le taureau par les cornes.

Et pourtant, il le faut. Car aussi longtemps qu’on assistera à ce statu quo qui continue de faire douter de la capacité du président à inverser les tendances négatives, il sera difficile de rétablir l’autorité de l’Etat.

La preuve ? A l’appel du président à la «trêve sociale», le patron de la toute puissante Confédération générale du Travail (CGT-B) ne s’est pas embarrasser de répondre par une sorte de chantage. Il se permet d’exiger d’abord, «un décret disant qu’il n’y a plus de Haut représentant du chef de l’Etat, de Ministre d’Etat auprès de la présidence qui touche un salaire inutile». Pire, il veut que Roch Kaboré prenne «un décret réduisant le budget de l’Assemblée nationale qui est maintenant deux fois plus élevé que son budget sous Blaise Compaoré». Et ce n’est pas tout. Il veut aussi «un décret disant que le prix de l’essence connaîtra une baisse». C’est seulement à ces conditions que lui et ses camarades syndicalistes pourraient «envisager une trêve».

y-a-t-il plus grande défiance de l’Etat et de son chef que celle-là ? Difficile de ne pas le croire. Ce qui est sûr, il y a lieu de se demander s’il y a de quoi se demander s’il ne faut pas désespérer de Roch Kaboré.

Abdoul-Latif Bancé

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