Terrorisme au Burkina: Pourvu que la roquette du « Cherif » tienne le coup
Il a fallu quelques jours pour que l’affichage macabre des chiffres funestes, à défaut de changer de camp, s’équilibre tout de même. Il reste à espérer que l’attelage Miningou-Sy tienne le coup. Engrange des actes, des acquis. En minimisant les bavures.
Kain. Région du Nord. Le 4 février. Une descente matinale, aux allures ethnicistes, d’hommes en armes, fait 14 morts parmi les civils. Un règlement de compte aux relents ethniques. Les assaillants seraient venus du Mali. La riposte ne se fait pas attendre. Moyens aériens et terrestres sont déployés par les forces armées. Résultats : 146 « terroristes » au tapis. En attendant d’y voir plus clair et d’être certain que des bavures n’ont pas été commises, il apparaît que pour une fois depuis de longs mois, les forces de défense et de sécurité ne se laissent pas abattre sans réagir. La veille, en effet, des individus armés ont tenté de s’en prendre au poste de contrôle de Siniéna, à Banfora. La riposte a mis en déroute les assaillants.
La tendance se confirme le 5 février. Un raid est opéré contre la gendarmerie de Oursi. Les pertes sont énormes : 5 gendarmes restent sur les carreaux. Mais la riposte ne se fait cependant pas attendre. 21 terroristes sont mis hors d’état de nuire.
Comme quoi, les Forces de défense et de sécurité (FDS) sont désormais décidées à rendre coup pour coup. Et cela, sans reculer d’un iota et sans céder la moindre parcelle de la terre libre du Burkina.
Cela est-il dû à un nouveau souffle que les ramages du boubou blanc du nouveau ministre de la défense Cheriff Sy ont fait déferler sur la Grande Muette ? Le nouveau Chef d’état-major général des armées Moïse Miningou a-t- il commencé à mettre en œuvre ses recettes ? Quoi qu’il en soit, les bruits qui sortent tendent à rejoindre les critiques formulées à haute voix depuis longtemps sur la « machine de guerre » du Burkina.
Tous les reagrds sont desormais tournés vers le ministre de la défense Cheriff Sy et le
Chef d’Etat major général des armées Moïse Miningou
Parmi elle, cette note qui tombe comme un couperet et déclare que tout déserteur des forces armées sera systématiquement radié des rangs. Une mesure vigoureuse, brutale et sans lubrifiant très coutumière des hommes en armes. La fermeté avec laquelle la note est dictée renferme l’ordre explicite qui en découle : « tenez bon, faites un repli tactique s’il le faut, mais ne tournez jamais le dos à l’ennemi, encore moins lui abandonner votre camp ». Ceci fait sans doute référence à ce qui s’est passé à Kompienbiga où des militaires burkinabè ont pris leurs jambes au cou devant le feu nourri de l’ennemi. Une situation honteuse que l’on fait vite d’oublier et qu’on ne veut surtout pas voir se reproduire. D’où cette mise en garde on ne peut plus claire.
Le fusil ne doit pas cacher l’arsenal
Mais ce n’est pas tout. Les stages intérieurs ont été suspendus. Et pas seulement. Les missions des officiers des Forces armées nationales et des officiers d’état-major hors du pays pour notamment le maintien de l’ordre sont également suspendues. On n’est pas encore au stade de l’arrêt de l’envoi des troupes burkinabè hors du pays, mais cette décision pourrait en cacher une autre. Il était longtemps reproché aux officiers, les fameux militaires « gradés », de rester dans le confort de Ouagadougou à se tourner les pouces, pendant que les « jeunots », les jeunes soldats le plus souvent sans expérience, sont envoyés sur le front, sinon « à l’abattoir ».
Cette mesure a-t-elle pour but de renvoyer désormais les officiers sur le terrain aux côtés de leurs subalternes pour faire face à l’ennemi et réussir ainsi une meilleure reprise en main du territoire ? Si c’est le cas, tant mieux. Et aucun officier digne de ce nom ne devrait logiquement oser remettre en cause pareille décision. Lorsque l’on s’engage sous les drapeaux, c’est bien en connaissance de cause. C’est parce que l’on sait que l’on est prêt à consentir au sacrifice suprême pour sauver son pays et permettre à ses habitants et donc à ses propres héritiers, de continuer à vivre, à perpétuer ses rêves et projets.
L’on est donc enclin à vouloir applaudir les nouveaux capitaines à bord du navire de guerre du Burkina Faso. Mais c’est encore trop tôt. Beaucoup trop tôt !
D’abord, parce que les terroristes n’ont pas dit leur dernier mot. Habitués à pénétrer sur le territoire comme dans du beurre, ils n’avaient sans doute pas prévu ces ripostes qui ont fait de sérieux carnages dans leurs rangs. Trop confiants, trop sûrs d’eux, ils ont baissé la garde et en ont pris pour leur grade.
Mais il faut se préparer à ce qu’ils prennent désormais leurs précautions et fassent plus attention dans leurs opérations. La prise en compte de ce paradigme permettant d’éviter une « adaptation » du mal à la thérapie qui vient de lui être si magistralement administrée.
Ensuite, il faudra dorénavant songer à prendre l’initiative et à ne plus se laisser surprendre par les frappes des assaillants. Pas la peine de faire la leçon au Général Moïse Miningou. Ce serait lui faire une offense que de lui rappeler que la meilleure défense, c’est l’attaque. La traque devra désormais s’organiser pour aller débusquer les guêpes vénéneuses dans leur nid pour les bouter ensuite hors du territoire national.
L’autre paramètre que l’on espère qu’il est pris en compte, c’est la motivation des troupes. Cette guerre ne peut être convenablement menée sans le nerf de la guerre. Les ressources financières doivent suivre l’effort de galvanisation des troupes. Les rations doivent aussi être galvanisées et le matériel mériterait d’être à la hauteur de la volonté et de l’engagement des forces armées nationales.
Enfin, tôt ou tard, quel que soit le temps que cela prendra, il faudra procéder au nécessaire toilettage de l’armée burkinabè. Celle-ci a mal à sa cohésion et de vieilles rancœurs, nourries, arrosées, vitaminées par des injustices et des inégalités, constituent autant de crasse qui peut rouiller et empêcher les fusils de la volonté des « boys » de percuter au moment opportun. Pourvu que le chargeur de l’AK-47 du « Cherif » tienne donc le coup de tous ces coups à donner.