Thomas Sankara : Enfin le procès, en attendant la vérité !

C’est ce lundi 11 octobre 2021 que s’ouvre le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de 12 de ses compagnons. Nul besoin de dessin pour démontrer que ce procès est d’une grande historicité. En cela, il faut féliciter l’ensemble des acteurs, politiques, militaires et judiciaires qui ont travaillé à faire aboutir ce dossier qui avait pourtant été enterré sous le pouvoir de Blaise Compaoré.

Il reste à espérer que ce moment historique soit une occasion pour savoir la vérité, toute la vérité sur ces meurtres ignobles qui a plongé le Burkina Faso et l’Afrique dans une tristesse noire. Qui a tué Sankara et ses 12 compagnons ? Qui étaient les complices de ces meurtres au Burkina Faso, en Afrique et dans le monde ? Qui en étaient les commanditaires au Burkina Faso, en Afrique et dans le monde ? Comment ont-ils procédé ? Pourquoi l’ont-ils tué avec ces compagnons ? Toutes ces questions, nous l’espérons trouveront réponse au cours de ce procès.

Il est regrettable que le « principal accusé » ou du moins, le principal bénéficiaire de la barbarie du 15 octobre, Blaise Compaoré ne soit pas à ce procès historique. Comme toujours, il va encore manquer à l’appel. L’homme dans les premiers moments, au lendemain du 15 octobre avait expliqué qu’il était malade, couché et qu’il n’était pas au courant de ce qui se passait. Il a ensuite dans d’autres interviews accordées à la presse indiqué que Thomas Sankara s’apprêtait à l’arrêter le même jour du 15 octobre 1987 à 20h et que c’est pour cette raison que ses hommes sont passés à l’action. Plus tard, dans une vaste campagne de communication, les nouveaux hommes forts de Ouagadougou ont traité le Che africain de tous les noms d’oiseaux, l’accusant de tous les maux d’Israël, et pire, de ne pas être suffisamment révolutionnaire. L’hôpital qui se moque de la charité.

Pour ne pas arranger les choses, Blaise Compaoré et ses compagnons, qui étaient devenus les nouveaux dieux du Burkina Faso ont traqué à travers le pays, tous ceux qui ont refusé de cautionner leurs forfaits. Tueries, arrestations, tortures, humiliations, intimidations, affectations arbitraires, brisures de carrière, etc. la répression a été barbare et sauvage. Certains en portent toujours les séquelles, 34 ans après, et d’autres en sont malheureusement morts.

En ce jour spécial du 11 octobre et à la veille de la commémoration du 15 octobre, nous avons une pieuse pensée pour les géniteurs du Président Thomas Sankara qui sont partis finalement dans l’au-delà sans savoir pourquoi, comment et qui a tué leur fils. Comment oublier qu’à la famille Sankara, les sbires de Compaoré sont allés jusqu’à refuser la tenue d’une messe pour le repos de l’âme de leur fils, de leur frère, de leur neveu, de leur ami… La mère du Président Sankara en était tellement choquée qu’elle en est tombée malade, maladie qui finalement va l’emporter vers le repos éternel.

Comment ne pas penser au père de Sankara, le vieux Sambo Joseph, qui malgré la douleur de la perte tragique de son fils, est resté digne, et a souhaité revoir Blaise Compaoré, son autre fils qu’il disait avoir perdu, car ce dernier lui a tourné le dos après le 15 octobre.

Mariam Sankara, cette femme, que Thomas Sankara appelait déjà « ma veuve », – prémonition- a su rester digne et a maintenu la flamme du combat, non seulement pour le rayonnement des idéaux de son époux, mais aussi pour que justice lui soit rendue. Nos hommages.

Auguste et Philippe Sankara, comment ne pas évoquer ces deux fils de Sankara, qui ont précipitamment quitté Ouagadougou avec leur mère au lendemain des tragiques évènements du 15 octobre 1987. Ils n’ont plus jamais mis les pieds au Faso depuis cette tragique soirée où tout a basculé ; ce jour où leur père a quitté la maison sans plus jamais revenir.  Ce bel homme, si tendre, si doux, si cultivé et si engagé… Ils n’auront plus jamais la chance de lui dire … Papa. Nous partageons leur douleur. Le peuple burkinabè et africain aussi. Nul doute que le démarrage de ce procès en lui-même est un début de réconfort pour eux.

Au moment où s’ouvre le procès Sankara, il est aussi important de saluer le travail colossal abattu par tous des patriotes, des avocats, des artistes, des journalistes, des hommes et femmes à travers l’Afrique et le monde, épris de justice et de liberté, des défenseurs des droits humains, etc. qui ont trois décennies durant, travaillé, nuit et jour, bravé les menaces et autres intimidations pour garder intacte Sankara, ses idéaux et ses valeurs dans la conscience collective burkinabè, africaine et mondiale. Ils ont écrit des livres, animé des pages entières de journaux, réalisé des films documentaires, animé des conférences, des symposiums, des plateformes divers, enseigné l’histoire de Sankara aux jeunes, créé des ONGs, des associations, des partis politiques, etc. Hommage à vous.

Il est regrettable que les autorités, notamment le tribunal militaire ait décidé que ce procès ne soit pas transmis en direct. Et pourtant, il l’aurait fallu. Le procès Sankara aurait pu être une sorte de catharsis collectif qui servirait la cause de la réconciliation nationale. On va ainsi priver aux burkinabè, à l’Afrique, à l’humanité tout entière une belle occasion d’en savoir plus sur les évènements tragiques du 15 octobre, mais aussi sur le Burkina Faso, son histoire, ses institutions et ses hommes. L’on va aussi et surtout priver à des millions de burkinabè et africains des générations futures, les archives d’un procès historique.  Dans 50 ans, dans 100 ans, il n’y aura plus de trace de cette histoire, de ce procès historique. Nous serons toujours dans l’oralité. Quel gâchis. N’est-ce pas une injustice encore faite à Sankara, qui avait laissé retransmettre en direct il y a plus de 35 ans, les tribunaux populaires de la Révolution.  Il n’est pas tard pour les autorités burkinabè de revoir cette conditionnalité et permettre à la vérité de se manifester publiquement. Toute chose qui va certainement être bénéfique à tous, du fait de son caractère pédagogique, qui peut aider à réconcilier les burkinabè avec leur histoire, et donc avec eux-mêmes, l’ultime objectif étant que tout le monde se dise : plus jamais ça au Faso.

Inoussa Ouédraogo

 

 

 

 

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