Affaire maison du ministre Bouda à Manga: Des ouvriers réclament leur argent

Il s’appelle Paul Koalaga. Il est le chef d’une équipe de maçons qui a travaillé sur la maison à polémique du ministre de la défense à Manga. A l’en croire, cela fait plusieurs mois que l’entrepreneur qui a supervisé les travaux refusent de leur payer le restant de leur argent, soit la somme de 804500 FCFA. ‘Si cette somme parait insignifiante pour certains, cela n’est pas le cas pour nous  et nous sommes prêts à tout pour l’avoir », explique M. Koalaga qui dit avoir rencontré le ministre lui-même à ce propos, mais que ce dernier lui a dit d’aller voir l’entrepreneur. Ce dernier lui aurait fait savoir au finish d’aller se plaindre là où il veut. Accompagnés de quelques-uns de ses employés, le chef maçon s’est déplacé à la rédaction de Bendré. Voilà ce qu’il nous a confié. Interview

 

Racontez-nous ce qui se passe entre le ministre de la défense et vous ?

Nous avons été approchés par un entrepreneur du nom de Sawadogo Hamidou en vue de la réalisation de la villa du ministre de la défense, Jean Claude Bouda. Le chantier était à Manga, à environ 100 kilomètres de Ouaga. Au début on s’entendait bien. Le travail se déroulait aussi à merveille. Nous n’avions pas signé de contrat au départ, où disons, notre contrat était verbal. Mais en tout cas, on s’était entendu sur le fait que nous devons être payés au fur et à mesure que les travaux se réalisent.  Nous avons terminé le dernier lot du travail au mois d’aout. Et depuis, nous réclamons en vain notre argent. Il faut préciser qu’initialement, l’entrepreneur voulait aller chercher des maçons au Bénin ou au Togo pour réaliser les travaux parce que d’après lui, le ministre ne savait pas qu’au Burkina on pouvait avoir une telle main-d’œuvre de qualité. Pendant 3 mois, nous avions poursuivi en vain l’entrepreneur du ministre. Nous l’avions appelé en vain. Un beau matin du mois de septembre, il nous  a appelé pour nous signifier qu’il vient de raccrocher avec le ministre et que ce dernier lui a dit de venir chercher notre argent. Nous étions très contents. Ce jour-là, j’étais avec certains de mes collaborateurs et je leur ai dit qu’enfin, leur problème d’argent sera résolu et que la tabaski qui arrive se passera bien. Pour moi, dès le lendemain, nous aurions probablement notre argent. Mais deux semaines après, toujours rien… Entre temps, mon épouse était malade, et je tenais à avoir  de l’argent pour ces soins. Je savais les jours où je pouvais voir le ministre à Manga. Je décidai donc d’aller le rencontrer pour comprendre pourquoi nous n’avions toujours pas notre argent. Malheureusement, ce jour-là, nous avions fait un accident en route. Mais malgré tout, nous avions poursuivi notre chemin. Nous sommes restés avec notre sang toute la journée, nous n’avions pas pu au finish voir le ministre ce jour. C’est le lendemain que nous sommes repartis le trouver. Mais sa garde nous a refusé l’accès.

Et comment avez-vous fait ?

Je suis resté ainsi dehors jusqu’à ce que le ministre faisant les cents pas au téléphone me trouve à côté de la maison et me demande ce que je cherche. Je lui ai expliqué le motif de ma présence.  Il me dit d’appeler l’entrepreneur  et lui dire que le ministre veut lui parler. Je lui ai dit que ça faisait plusieurs semaines, sinon plusieurs mois qu’ils ne décrochent plus mes appels.  Le ministre est parti sans mot dire. Sur place j’ai à nouveau appelé l’entrepreneur, M. Sawadogo. Il a décroché et je lui ai expliqué que je suis chez le ministre qui lui demande de l’appeler. Il m’a grondé et a raccroché, me disant qu’il allait rappeler le ministre. C’est ainsi que je suis retourné à Ouagadougou dans l’espoir que dans les jours à venir, le problème serait résolu vu que le ministre lui-même est maintenant au courant.

Et qu’est-ce qui s’est passé ?

Rien. J’ai continué à l’appeler sans succès, il ne décrochait pas mes appels. C’est ainsi que j’ai décidé d’aller le convoquer à la gendarmerie de Sig-Noghin. Nous nous sommes expliqués longuement  mais au finish, la gendarmerie nous a dit d’aller nous entendre parce que l’affaire concerne directement le ministre de la défense et qu’eux ne peuvent pas la gérer. Entre temps, les choses ne bougeaient pas. J’ai rejoint  l’entrepreneur à son bureau avec un autre ouvrier. Ce jour-là, il a appelé le frère du ministre et a mis le téléphone sur haut-parleur pour que j’écoute leurs conversations. Il a dit en substance au frère du ministre qu’il va appeler le ministre pour lui dire de payer l’argent afin qu’il puisse à son tour payer les ouvriers. Cela nous a un peu rassurés et nous sommes à nouveau repartis. Deux semaines plus tard, toujours rien. Nous n’étions pas au bout de nos peines. Nous avions rejoint à nouveau M. Sawadogo à son bureau. Ce jour-là, nous avions failli en venir aux mains, puisque les autres manœuvres qui me réclamaient leur argent étaient aussi de la partie. Les esprits se sont surchauffés et pour éviter le scandale, il nous a proposé de sortir résoudre l’affaire en dehors du service. Il nous a donc proposé de nous retrouver à la maison du peuple pour échanger. Mais en réalité, c’était une façon pour lui de s’échapper. Dès que nous sommes partis, il a disparu. Nous sommes allés l’attendre en vain… Au finish, lorsqu’il a décroché, il nous a dit d’aller nous plaindre là où nous voulons. Que nous ne devrons pas oublier que le chantier appartient au ministre de la défense et que rien n’arrivera.

Et comment vous avez réagi?

Nous avons décidé de l’effrayer en évoquant les pouvoirs mystiques. Nous lui avions dit qu’il y a un charlatan à Kaya et que nous irons le voir. Et que dans les jours à venir, il saura qu’on ne bouffe pas impunément notre argent. Mais apparemment le coup n’a pas marché, il n’a pas eu peur. Et nous aussi on commençait à s’inquiéter puisque nous savions que nous ne pouvions rien contre le ministre. Mais quand j’ai appris que Bendré a écrit un article sur la maison du ministre, je me suis dit qu’il me fallait prendre mon courage à deux mains pour venir exposer le problème à l’opinion publique burkinabè. Cela me couterait peut-être très cher, mais je suis devenu un cabri-mort. Je préfère me battre pour ce qui m’appartient et subir les conséquences que de souffrir pendant que d’autres vivent à la sueur de mon travail et refusent de me payer ce qu’ils me doivent. Je veux que les burkinabè sachent que cette maison à polémique n’a pas encore fini de révéler ses secrets. Des gens ont travaillé, ont fait couler la sueur et parfois même le sang et aujourd’hui on refuse de les payer.

Etes-vous reparti à la gendarmerie ?

Oui. Je suis reparti à la gendarmerie et comme je le disais, ils m’ont dit clairement qu’ils ne pouvaient pas m’aider. Ils m’ont demandé si le Larlé Naaba peut convoquer le Mogho Naaba pour l’entendre ? J’ai répondu non. Ils m’ont dit que c’est la même chose et que je pouvais néanmoins amener l’affaire en justice ou en payant les services d’un avocat et d’un huissier. J’ai répondu que je n’avais pas les moyens de payer ces services-là.  J’ai décidé donc de faire ce que je pouvais.

Avez-vous cherché à voir le frère du ministre ?

Oui, j’ai cherché à voir le frère du ministre pour lui dire que cette affaire peut gater le nom de son grand frère et que je l’exhorte à nous aider. Lui aussi nous a dit que nous pouvons aller nous plaindre là où nous voulons et que rien ne pourra arriver. Et qu’il ne veut plus que je l’appelle pour parler de cette affaire.

Quel message avez-vous pour le ministre de la défense ?

Nous savons que c’est une autorité. Nous ne cherchons pas à salir son nom. Tout ce que nous voulons, c’est notre argent. Nous avons tout essayé en vain. S’il lit cet article, nous lui disons que nous réclamons seulement nos 804500. Ce n’est peut-être rien pour lui. Mais pour nous, c’est énorme. On a chassé à plusieurs reprises mes enfants à l’école. Eux aussi ont droit à vivre heureux comme les enfants des autres y compris ceux des ministres.

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