Indépendance d’accord, mais développement d’abord
Le 11 décembre prochain, le Burkina Faso commémorera le 58e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale. Une manifestation qui se tient cette année à Manga, la capitale de la région du Centre-sud. Et qui, selon la tradition instituée par l’État devrait permettre à cette ville secondaire de se doter d’un nouveau visage, celui d’une cité moderne avec beaucoup plus de routes goudronnées, une «cité des forces vives» et d’autres infrastructures d’envergure.
Avant elle, c’est la ville de Gaoua qui avait connu une métamorphose qui avait fait dire à l’époque au Premier ministre Paul Kaba Thiiéba, qu’il était possible de transformer «un gros village comme Gaoua en ville». La boutade avait fait sourire les uns et choqué les autres. Mais au-delà de la maladresse phraséologique, on retient que le gouvernement est convaincu qu’en l’espace d’une année ou de deux, on pouvait transformer le schéma directeur d’une ville. Et cela, à la faveur de la célébration tournante de la fête nationale. C’est bien ce qui est arrivé, d’une certaine manière à Fada N’Gourma, Ouahigouya, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Dori, Kaya et Dédougou.
Force est de reconnaître que l’impact de la métamorphose n’est pas le même partout. Le vrai développement escompté, ne serait-ce qu’au niveau des infrastructures, n’est pas toujours au rendez-vous. Lorsqu’elles n’ont pas été simplement mal conçues et mal exécutées, elles ne servent pas à grand-chose. Il suffit de jeter un coup d’œil dans les différentes villes citées plus haut pour se rendre compte que les «cités des forces vives» ne sont que de gros quartiers inhabités. Pendant ce temps, les populations sont à la recherche d’habitats modernes, décents et accessibles.
Par ailleurs, les bitumes qui ont été posées à la va-vite, pour faire plaisir au président du Faso ne tiennent pas longtemps. Dans certains endroits, ce sont des ouvrages entiers de franchissement qui sont emportés par les premières pluies après la fête de l’indépendance. Après les manifestations grandioses, les pauvres habitants retournent à leur train-train quotidien pour continuer à scruter le ciel en vue de jouir, eux aussi, des fruits d’un développement structurant et partagé.
Les villas construites à coup de centaines de millions de F Cfa n’ont servi qu’à loger des délégations venues pour la fête. Après, plus rien n’attire vers ces lieux.
Toutes choses qui font que les gros investissements consentis par L’État à l’occasion de la célébration du 11-décembre apparaissent comme un gâchis dont on parle peu.
Puisque le bilan n’a jamais été fait sur cette manière d’allier la commémoration de l’indépendance au développement des villes choisies à cet effet, les mêmes causes continuent de produire les mêmes effets. A moins d’un mois de l’événement, la Cité de l’épervier à savoir Manga, n’avait pas encore reçu ses premiers goudrons. Plusieurs chantiers peinaient à s’achever. Tout porte à croire que ceux qui le seront, ne le seront pas dans les règles de l’art. Or, le minimum de règle à observer lorsqu’on veut faire du développement durable, c’est de ne pas confondre vitesse et précipitation. La fête de l’indépendance d’accord, mais le développement d’abord.