Audition du Général Bassolé Le silence de ”l’ange Djibrill”, un aveu de culpabilité ?

La semaine dernière, le procès du coup d’Etat de septembre 2015 s’est poursuivi avec le Général Djibrill Bassolé à la barre. Ce que l’on retiendra de son audition jusque-là, c’est son refus catégorique de se prononcer sur les principales pièces qui l’accablent : les interceptions de ses communications téléphoniques pendant les événements. Pour les avocats de la partie civile, c’est parce qu’il est ”coincé” qu’il s’abstient de répondre, mais pour l’accusé et ses avocats, c’est plutôt pour ne pas cautionner des pièces illégales, fabriquées de toute pièce ou obtenues en totale violation de la vie privée.

 

Assis sur une chaise, pour des raisons de santé, le premier Général de gendarmerie du Burkina Faso est tout de blanc vêtu. De sa position face au président du tribunal, Seidou Ouédraogo et sa cours, il esquive les questions du parquet qui viennent de sa gauche, évite soigneusement certaines de la partie civile qui fusent de derrière. Des petits moments de répit par contre, quand ce sont ses avocats qui ont le crachoir. Comme cela était prévisible, Djibrill Bassolé a prévenu qu’il ne répondra à aucune question relative aux écoutes téléphoniques interceptées. Ce sont les principales pièces qui l’enfoncent. Et malgré le travail de l’expert allemand Hermann Künzel qui a révélé que les analyses acoustiques,  linguistiques appliquées à ces conversations téléphoniques ne laissent transparaitre  ni indice, ni trace de trucage par montage, l’accusé à la barre est resté stoïque sur sa position, arguant que ce sont des écoutes sauvages, illégales, fabriquées pour l’enfoncer.

 

En réalité, depuis le début des enquêtes, le Gal Djibrill Bassolé a toujours eu une sainte horreur de ces écoutes, au point d’attaquer l’Etat Burkinabè devant la cour de justice de la CEDEAO pour violation de sa vie privée. Une occasion pour les avocats de la partie civile de préciser que cette action en justice sur les écoutes téléphoniques est en elle même, un aveu de culpabilité. Comment une conversation jamais tenue, fabriquée et traficotée peut-elle porter atteinte à la vie privée, lancera Me Prosper Farama à l’accusé. Silence dans la salle, suivi de cette phrase de l’ancien chef de la diplomatie Burkinabè : « Je ne souhaite pas rentrer dans un débat de ping-pong ». Pour lui, toutes les questions qui se basent sur les écoutes téléphoniques n’apportent pas grand-chose à la manifestation de la vérité et éloignent le tribunal du sujet. Me Séraphin Somé de la partie civile ne tournera pas. Pour lui,  il est inacceptable que l’on mettre sur la même balance la vie privée et la sureté de l’Etat. Les  interceptions téléphoniques faites l’ont été au nom de la sureté de l’Etat. Et cela se fait partout dans le monde quand l’intérêt de la nation est en jeu.  Et c’est parce que le Général Bassolé est « coincé » qu’il refuse de répondre aux questions.

 

Dans l’une des communications interceptées, l’interlocuteur du Général Djibrill Bassolé est Guillaume Soro, président de l’assemblée nationale de la république de Côte d’Ivoire. L’accusé ne nie d’ailleurs pas avoir communiqué avec lui, mais il s’empresse de préciser qu’il c’était agi de DDR(Désarmement, démobilisation, réinsertion), un concept utilisé dans le cadre des Nations unies selon lui pour le règlement des conflits. Il a ainsi été question de s’en inspirer pour trouver une solution au désarmement du RSP. Mais Guillaume Soro était-il l’interlocuteur idéal pour parler de DDR au Burkina Faso, a interrogé Me Yanogo, avocat de la partie civile après avoir demandé à l’accusé s’il a appelé le Chef d’Etat-major général des armées du Burkina Faso, le chef d’Etat-major de l’armée de terre dont relevait le RSP, ou  le secrétaire général du ministère de la défense. Embarrassé, l’ancien diplomate, lâche, « Je suis libre de parler avec qui je veux, de ce que je veux ». Comme ses avocats, l’accusé tout en se départissant de tout ce qui est éléments sonores, a demandé au parquet la provenance de ceux-ci. Ce sont les services de renseignement Burkinabè qui ont intercepté les appels téléphoniques qu’ils ont ensuite remis aux Officiers de police judiciaire de la gendarmerie, a répondu le ministère public. Rien n’y fit Djibrill Bassolé n’y croit pas du tout. «Ne mêlez pas les OPJ dans vos affaires. On est venu leur donner des enregistrements, on leur a dit de mettre ça dans le dossier et ils ont mis ».

 

Il faut noter que dans une autre pièce lue et venant de la transcription de communications interceptées, Djibrill Bassolé promet à Guillaume Soro, d’allumer le feu sur la tête de certaines personnes notamment feu Salifou Diallo, pour le contraindre à fuir le pays, sans vouloir y revenir. Guillaume Soro quant à lui, promettait de ” s’occuper personnellement ” de Salifou Diallo et de Chériff Sy une fois la crise terminée.

 

La défense crie à l’asymétrie de la procédure

 

Les avocats de la défense ne sont pas non plus passés par quatre chemins pour dire tout le mal qu’ils pensent de la procédure et du travail du parquet. Pour les conseils de l’accusé, aucun élément matériel ne lie leur client au coup d’Etat. Ainsi à en croire Me Mireille Barry, il y a dans le dossier des éléments qui le disculpent, mais personne n’en fait cas. Elle en veut pour preuve, les perquisitions menées à ses domiciles à Koudougou, à Ouagadougou et à Nouna, sans que cela ne permette de trouver le moindre indice de sa culpabilité.

 

Me Dieudonné Bonkoungou, autre avocat du premier Général de gendarmerie a aussi poursuivi dans le sens des vices de la procédure, selon lui.  Foi de l’auxiliaire de justice, c’est simplement une procédure pénale asymétrique, qui occulte certains éléments clés devant permettre la manifestation de la vérité. Pour éclairer la religion du tribunal, le conseil de l’accusé demandera au président Seidou Ouédraogo de faire passer l’expert allemand Hermann Künzel à la barre. Car, son travail, au lieu d’éviter des polémiques, en suscite davantage. Selon lui, il doit des explications à toutes les parties, parce que son travail d’expert devrait  justement  éclairer et non susciter d’autres polémiques.

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