Procès du putsch de septembre 2015: «Le coup d’État de 2015 était une oeuvre salvatrice», Me Mamadou Sombié

Lundi 17 décembre 2018. Cela fait trois semaines calendaires que le Général Gilbert Diendéré se tient au prétoire du Tribunal militaire de Ouagadougou où il dépose depuis le 26 novembre dernier. Après le tour de parole des avocats des parties civiles, ceux de la défense ont procédé au contre-interrogatoire de l’éphémère président du Conseil national de la démocratie (CND). Chaque avocat-défenseur y est allé avec sa fougue et son lexique. Morceaux choisis !

La fonction prime le grade.  Voici  une autre idée défendue et soutenue par le Général Gilbert Diendéré et ses conseils. Mais signifie que cette phrase ? Le Général explique par un exemple : « L’ancien Premier ministre était Lieutenant-colonel. Moi, Général de brigade, je lui dois respect et considération en cette qualité, bien que je sois plus gradé que lui ». Tout cela pour dire et justifier que lui, Général Diendéré, ne pouvait pas donner un ordre au sens militaire du terme au Commandant Abdoul Aziz Korogo qui était le chef de corps, même  par intérim, du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). « Pour moi, ce ne sont pas des ordres que j’ai donnés au chef de corps, ce sont des conseils », évoque le Général. Maître Dieudonné Willy, conseil du Commandant Korogo, a prié le Général Diendéré de « croire que lui et son conseil n’ont pas compris ses injonctions comme de simples conseils. Pour nous, c’est peut-être autre chose mais pas un simple conseil ».  « Croyez-moi mon Général, le Commandant Korogo n’a pas pris ça un simple conseil. C’est peut –être un ordre imparfait » théorise Me Willy.

Les envolées lyriques de Me Mamadou Sombié

Me Mamadou Sombié est l’un des doyens des avocats constitués ou commis dans le dossier du putsch de septembre 2015. C’est un homme qu’on dit très rigoureux, parfois tatillon qui manie avec dextérité la langue de Molière. Il pèse à toutes ses interventions le sens des mots qu’il emploie. C’est pourquoi,  chacune de ses prises de paroles est entrecoupée par de petites pauses. « Zida a tenté d’attenter à la vie de certains officiers. Zida avait des velléités de passer en force pour empêcher la tenue des élections. Zida voulait aller en Angola pour chercher des mercenaires. Zida a envoyé le Colonel Barry pour cette mission. Les Angolais ont appelé Roch pour demander si c’est une mission officielle. C’est bien ça monsieur le président. Excusez-moi mon général. Bon, vous avez été président pendant quelques jours, je peux vous appeler mon président. Donc ma langue ne m’a pas fourché », débute Me Sombié dont le lapsus a arraché un sourire à l’assistance. Pour l’avocat, « l’incurie  de la haute hiérarchie militaire a été pour quelque chose dans la survenue du coup d’État de 2015. Leur silence était une contrainte morale pour le Général Diendéré ». Chargé de soigner les intérêts des Lieutenants Philippe Ouattara, Kolamba Jacques Limon et Seibou Traoré et du Lieutenant-colonel Mamadou Bamba, Me Sombié estime que le président « Kafando était très faible. Il avait peur. Il marchait comme sur des œufs. C’est lui qui a laissé le loup Zida rentré dans la bergerie…grâce à ses bavards de la société civile ». Et de se vider longuement en ces termes : « Un coup d’État est une entreprise politique en bande bien organisée avant le passage à l’acte. S’il y a échec, l’entreprise politique devient criminelle et les auteurs passent devant la justice. Si l’entreprise politique réussit, ça devient une insurrection populaire ou une révolution. Dans un coup d’État, chacun connaît son rôle. Mon client Bamba Mamadou n’était au courant de rien et il a été appelé pour lire des communiqués. S’ils m’avaient consulté, j’allais leur dire de ne pas toucher au président, mais de le conduire dans son bureau et demander à la télévision de venir  filmer afin de montrer qu’il est libre de ses mouvements. Par contre celui qui est la menace (ndlr le Lieutenant-colonel Zida), prenez le et envoyez-le quelque part. Vous pouvez même associer ses ministres proches…et vous pourrez obtenir des aveux. Ce qui peut accréditer le fait qu’il y a eu coup d’État, c’est le fait que le président du Faso a été arrêté…Il s’agit d’une action salvatrice que vous avez posée le 16 septembre 2015. Nous savons comment le coup d’État des 30 et 31 octobre 2014 est devenu une action démocratique, puis une transition. Nous savons comment Zida a pris le pouvoir. Le coup d’État du 16 septembre a été salvateur même s’il y a eu des dégâts collatéraux ».

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