Education au Burkina: Quelle couleur aura l’année scolaire ?

Sauf changement de dernière minute, les traits pris par l’éducation burkinabè à la date du 1er février 2019 sont tout, sauf rassurants. Les perspectives ne sont pas très heureuses.

Bis repetita. En 2018, les enseignants avaient bandé les muscles. Ils réclamaient de meilleures conditions de vie et de travail dans les écoles. Le gouvernement avait de la résistance. Un bras de fer s’est engagé. Les précepteurs ont alors décidé de ne plus évaluer les élèves et de bloquer la constitution des dossiers pour les examens scolaires.

Les deux camps sont restés en chien de faïence. Les élèves et leurs parents au milieu, subissant de plein fouet les éclats de cette crise. Il a fallu finalement que les autorités coutumières et religieuses retroussent les manches de boubous et de soutanes pour que les deux parties brisent la glace, se remettent à la table du dialogue. Mais pour quelles conséquences ? Les élèves ont été mis au piloris pour rattraper le retard accumulé. Le tout avec en fond de toile, des milliers d’enfants privés de classes dans le Sahel du fait de la morsure blessante des terroristes.

Tout le monde s’est accordé pour dire que cette crise ne devrait plus recommencer. Il n’était pas question de jouer à la belotte avec l’avenir de la relève du « Pays des Hommes intègres ». Les engagements pris devraient être respectés et la responsabilité engagée des autorités coutumières et religieuses devrait constituer le parapluie contre tout dérapage de part et d’autre.

Pourvu que…

Mais ne voilà-t-il pas que depuis pratiquement la rentrée scolaire, le même problème est revenu sur le tapis, avec peut-être davantage plus de gravité ? Les enseignants ont à nouveau suspendu les évaluations. Les élèves sont dans la rue, ne sachant plus à quel saint se vouer, perdus, égarés. Ils savent d’ailleurs qu’ils devront faire face à un nouveau rattrapage en accéléré cette année encore, en plus du traumatisme infligé l’année dernière. Et on se demande  légitimement s’il n’y a pas des conséquences dommageables sur un niveau éducatif qui battait déjà de l’aile et ne nettoyait plus les lucarnes de l’excellence.

Quant aux parents d’élèves, il est évident qu’en plus de l’avenir de leurs héritiers qui est mis dans la balance, ils se posent des questions sur la teneur de la sauce dans laquelle seront mangés les investissements qu’ils ont engagés en ces périodes où le diable n’est plus tiré par la queue mais par la langue et que le drapeau de l’économie et du pouvoir d’achat est en berne, sinon pire.

Le Premier ministre Christophe Joseph Marie Dabiré a affirmé que le retour à la table des discussions était une priorité et qu’il mettra tout en œuvre pour débander les muscles des « partenaires sociaux ». A ce stade, il faut dire que ce n’est pas seulement l’échec du gouvernement qui est mis en exergue, mais aussi la probité et l’autorité morale des autorités religieuses et coutumières qui est mise en jeu.

Intervenant en marge des mécanismes conventionnels de la République, leur recours devrait être l’ultime, le dernier rempart au-delà duquel il ne doit plus être question d’une quelconque remise en cause. Le gouvernement aurait donc dû prendre toutes les mesures pour s’éviter la situation dans laquelle le pays est actuellement enfoncé jusqu’aux oreilles. Après ce qu’on considérer comme une humiliation, quel chef coutumier ou religieux daignerait à nouveau se lever pour mettre en jeu sa probité morale ?

La malédiction de Christophe Joseph Marie Dabiré ?

Du reste, quelle chance a-t-il encore de se faire entendre ? Les enseignants avaient comme accepté de signer l’accord de sortie de l’année passée parce qu’ils avaient un couteau sur la gorge. Il est difficile de dire non à l’imam derrière qui l’on prie chaque soir, ou encore au prête à qui l’on confie ses péchés ou au pasteur avec qui l’on  invoque régulièrement la clémence de Dieu. Contre mauvaise fortune bon cœur, les syndicats avaient comme accepté de ne pas trop tirer sur la corde, afin, du reste de ne pas prendre le risque d’avoir tort dans l’extrémisme  et de se mettre à dos l’opinion publique. L’avenir des enfants était en jeu et il y avait de fortes probabilités qu’un éventuel échec soit posé sur leur dos.

Ces enfants ne méritent pas qu’on sacrifie leur avenir

En 2018, ils avaient donc donné la chance au dialogue et accepté des propositions peut-être en deçà de leurs attentes. Mais quel argument pourrait être aujourd’hui invoqué contre eux dans la mesure où lesdites propositions, frappées par la formule de l’exécutoire n’ont pas connu de mise en œuvre, du moins, pas de façon à être à la hauteur de leurs attentes ?

Au moment où ces lignes sont ces lignes sont tracées, la Coordination nationale des syndicats de l’éducation (CNSE) avait annoncé une rencontre urgente avec la presse le samedi 2 février 2019. Dans le meilleur des cas, il est à souhaiter que ce soit pour déclarer la fin de la grève et du retour à la table des négociations. Ce serait un dénouement de bon augure et signifierait que le nouveau Premier ministre a saisi tout le danger de cette situation et a pris les décisions qu’il fallait.

Le cas échéant, s’il s’agit d’un durcissement ou du maintien de la grève, l’on ne pourrait que décemment s’interroger sur les couleurs de l’arc-en-ciel avec lesquelles cette année scolaire compte s’habiller. En 2018, l’on avait craint le pire. En 2019, ce serait un pis-aller. Ceci, d’autant plus que des milliers d’enfants sont déjà assis à la maison, se demandant quand est-ce qu’ils reprendront le chemin des classes.

Et du reste, si jamais l’année scolaire devrait prendre les teintes de la blancheur, qui pourrait nous blâmer si l’on déclarait que Christophe Marie Joseph traîne est décidément un agent propagateur des années scolaires blanchies. Difficile de ne pas se souvenir de l’année blanche de 2000. C’est l’occasion ou jamais de couper les chaines de ce boulet qui le suit à la trace. C’est le moment ou jamais !

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