Explosion à Silmiyiri: De la nécessité de prendre à bras le corps le phénomène

Le lundi 14 janvier 2019, une forte détonation est intervenue dans une villa située dans l’arrondissement 9 de Ouagadougou, quartier Silmiyiri, dans la matinée, soufflant au passage plusieurs maisons. Ce drame vient rappeler celui de Larlé en 2014, encore vivace dans les esprits, tant par l’ampleur que le nombre des victimes. Cette nouvelle explosion due, une fois de plus, à la transformation d’une maison à usage d’habitation à de magasin de dépôts d’explosifs, démontre que des leçons n’ont pas été tirées.

«Les constatations matérielles révèlent que des substances explosives entreposées dans une villa en location dans ledit quartier seraient à la base de l’explosion. On dénombre malheureusement une perte en vie humaine, probablement l’un des occupants de la villa sinistrée, des blessés et des dégâts matériels très importants (…). Au stade actuel de la procédure, un des occupants de la villa a été interpellé et gardé à vue, son audition est en cours. Sont également en cours, les auditions des différents témoins.».  Cet extrait du communiqué du Premier Substitut du Procureur du Faso, Harouna YODA, au lendemain des faits, même s’il n’écarte pas formellement la thèse de l’attentat terroriste, tend vers un remake du drame de Larlé : une maison à usage d’habitation, transformée en un magasin de dépôts d’explosifs a explosé suite à une mauvaise manipulation. Mieux, de plusieurs recoupements, il ressort que le locataire de la villa de Silmiyiri  serait, en effet, un frère… d’Adama Pafadnam, celui-là qui avait endeuillé et traumatisé toute la capitale burkinabè cinq (05) années plus tôt.  A Larlé, le contenu de la maison  avait pu être révélé : quinze (15) cartons de gomma (GOMA 2ECO) ;  cinq (05) rouleaux de fils électrique de couleur jaune : Ricord (détonating Cad 6 mg) et safety fuse ; deux (02) cartons de charges explosives : Electronic detonator et Plain detonator (chaque carton contenant environ 5000 têtes explosives).

Combien de drames comme ceux de Larlé et de Silmiyiri faudra-t-il avant que les autorités compétentes veillent à ce que certains individus arrêtent de jouer littéralement avec le feu et la vie de paisibles citoyens en plein cœur de la capitale ? Un drame était largement suffisant pour adopter des mesures idoines. Deux,… C’est dramatique! C’est sûr, d’autres dépôts sauvages existent dans la capitale et dans le reste du pays. Il est donc de l’intérêt de toutes les composantes de la société de prendre à bras le corps le phénomène.

Un citoyen, un rempart

En la matière, la participation citoyenne ne doit pas être négociable. C’est pourquoi, chacun, dans les limites de sa position, pourra jouer sa partition. Ainsi, les propriétaires des maisons à louer doivent-ils faire l’effort de connaître physiquement les personnes à qui ils confient leurs maisons, d’une part et d’autre part, l’utilisation qui en sera faite. Une maison à usage d’habitation doit être une maison où habitent des personnes, clairement identifiées. Une boutique, un magasin  doit effectivement servir de boutique ou de magasin.  Les « bailleurs », comme on les appelle couramment au Burkina, devraient même effectuer des visites inopinées pour se rassurer et rassurer le voisinage. Certains ont tellement de maisons qu’il leur est difficile de pouvoir tout contrôler eux même certes, mais tout est une question d’organisation et de survie même dans le cas d’espèce. C’est pourquoi la législation devrait trouver les moyens de les y contraindre.

Les populations devraient instaurer des rencontres périodiques régulières, surtout dans les quartiers à fort taux de maison en location. Chaque « six-mètre » peut se designer un responsable et instaurer son règlement intérieur qui prendra en compte entre autres : signaler toute absence et sa durée, signaler toute arrivée, des concertations hebdomadaires ou mensuelles.  Ces rencontres auront l’avantage d’intégrer les nouveaux arrivants et bien sûr de déceler les brebis galeuses. Bien entendu, une telle organisation ne doit pas se prévaloir d’un pouvoir légal avec des mesures coercitives, mais juste une base de récolte d’informations à transmettre à l’autorité compétente pour suite à donner. Que ce soit à Larlé ou à Silmiyiri, aucun voisin de la maison explosée n’aurait accepté l’entreposage des explosifs s’il avait eu l’information. « Si j’avais su que c’étaient des explosifs, je n’allais jamais accepter », regrette aujourd’hui Grégoire Ouédraogo, le propriétaire de la cour de Larlé qui a avoué à nos confrères de L’Observateur Paalga n’avoir pas posé de question sur la nature des produits et n’a rien constaté d’anormal. Comme ils ne peuvent compter sur la bonne foi de ces trafiquants d’explosifs pour avoir de telles informations, il est donc important de se réorganiser en conséquence. Le terrain ici, plus qu’ailleurs, commande la manœuvre, pour reprendre une expression chère aux militaires.

De la rigueur de la loi

S’il faut se réjouir de l’existence d’une loi qui encadre la location des maisons, notamment la loi n°103-2015/CNT portant bail d’habitation privée au Burkina, le bémol vient de son application. Dans ladite loi, le propriétaire de la cour a pour obligation de mettre la maison à la disposition du locataire, faire les grosses réparations, permettre au locataire d’utiliser paisiblement la maison. En contrepartie, le locataire s’engage à payer le loyer aux périodes convenues, à respecter la destination de la maison, à conserver ou entretenir la maison, et à restituer la maison  à la fin du bail.  L’application d’une telle loi serait déjà une avancée dans le domaine sécuritaire. Hélas ! Combien de locataires connaissent leurs bailleurs à Ouagadougou ou vice versa ? Ils ne sont pas nombreux. Tout se joue entre les intermédiaires  couramment appeler « démarcheurs ».

La situation sécuritaire commande une révision de cette loi et surtout son application.  Et dans l’application de la loi, c’est toute la chaîne qui est interpellée. Si entreposer des explosifs dans une maison à usage d’habitation est un délit, faire rentrer de tels produits sur le territoire national à l’insu des autorités compétentes ne l’est pas moins.  « L’importation, l’achat, la détention, le stockage et l’utilisation des explosifs de toutes natures obéissent à des règles strictes et demandent une certaine technicité et des autorisations préalables. (..) Le stockage des différents composants de matières explosives dans un même local est très dangereux, et la moindre imprudence peut conduire à un drame », avait rappelé au lendemain du drame de Larlé le lieutenant Issa Paré, chargé de l’enquête, au cours d’une conférence de presse.  Dans une telle affaire, il y a donc entre autres, fraude, trafic d’explosifs, détournement de destination… au nez et à la barbe de ceux qui sont investis de pouvoir pour y mettre fin.

C’est la conjugaison des efforts de tous les Burkinabè, chacun à son niveau, qui ramènera la sécurité et la sérénité dans le pays.

 

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