Extradition de François Compaoré: La lampe du centre de presse va-t-elle bientôt s’éteindre ?

La maison de la presse burkinabè qui porte le nom du journaliste Norbert Zongo depuis son assassinat le 13 décembre 1998, attend toujours que justice lui soit rendue. Dans une interview qu’il avait accordée à Bendré à la faveur du 18 anniversaire de ce crime odieux, Abdoulaye Diallo, le gestionnaire dudit Centre nous confiait qu’il avait hâte que la lampe tempête qui reste allumée depuis 1999 soit maintenant éteinte. Mais cela passe par la lumière sur l’assassinat de Norbert Zongo. Maintenant que la justice française a donné son feu vert pour que l’un des suspects sérieux dans cette affaire à savoir, François Compaoré soit extradé vers le Burkina, peut-on conclure que la lampe va bientôt d’éteindre ? En attendant la réponse à cette question, nous vous propos de relire encore l’interview du gestionnaire du centre qui porte justement sur l’histoire de la lampe et du centre.

Par Dimitri Ouédraogo

Bendré : D’où est venue l’idée de créer un Centre de presse ?

Abdoulaye Diallo: Je dois dire que c’est une idée qui est née au sein des organisations professionnelles des médias. C’était l’AJB avec le SYNATIC qui avait participé en 1992 à Winduck lorsqu’on décrétait la journée mondiale de la liberté de la presse. Depuis là, il y a eu une réunion ou l’idée de créer des maisons et de centre de presse a été lancée. Depuis, l’idée faisait son petit bonhomme de chemin jusqu’à ce que  la FIJ (Fédération Internationale des Journalistes) lance le programme « Média pour la démocratie en Afrique » à la suite de l’Unesco qui avait lancé l’idée qu’il ait des maisons et des centres de presse. Dans le cadre de ce programme, la FIJ s’était fixée comme mission d’essayer de doter un certain nombre de pays des maisons ou centres de presse. C’est ainsi que l’AJB et le SYNATIC, et la SEP qui les a rejoints plus tard, ont créé le centre national de presse.

Pourquoi l’appellation Centre National de Presse Norbert Zongo (CNPZ) ?

Le centre a ouvert ses bureaux le 3 mai 1998 et 6 mois après, Norbert Zongo a été assassiné, précisément le 13 décembre 1998. Une assemblée a eu lieu le 22 décembre 1998, au cours de laquelle la décision de rebaptiser le nom Centre National de Presse Norbert Zongo a été prise. C’est officiellement le 29 janvier 1999 que le centre a pris son nom.

Comment le Centre a vécu la période du régime Compaoré, vu que le régime était hostile à la liberté d’expression et de presse ?

Ce n’était pas facile. Le centre national de presse a été créé et six mois après un de ses membres fondateurs et non des moindres, a été assassiné. On a vu tout ce que ça a créé comme émoi au niveau du pays. Ça a propulsé le centre national devant la scène. Ce n’était pas simple parce que beaucoup de gens ne savaient pas que le centre existait du vivant de Norbert Zongo. Beaucoup pensaient que c’était un centre qui a été créé par l’opposition ou le collectif pour revendiquer justice pour Norbert Zongo. Il y a eu cette confusion qui a régné pendant longtemps. On s’est battu comme on  pouvait, tout en gardant notre indépendance. Je me souviens qu’à l’époque il y a eu des réunions auxquelles quand je prenais part et me présentais, tout le monde se demandait si j’étais normal. Ce n’était pas simple. Il y avait des gens qui avaient pour mots d’ordre de ne jamais venir au centre de presse. On était vu comme le repère des manifestants. La police faisait des descentes et enlevaient nos lecteurs, car croyant que c’était des étudiants qui manifestaient. En 2000 quand on avait lancé la 1re  édition du Festival international de liberté d’expression et de presse (FILEP), le Centre était interdit d’accès. Il y avait une escouade de policiers qui a bloqué son accès pendant près de 3 semaines. Il y avait aussi le renseignement. A force de nous espionner, certains sont devenus nos amis. Ils se sont rendu compte que c’était des réunions du collectif et de formations de journaliste. On a un programme bien précis : c’est la défense de la liberté de la presse, la promotion du métier de journaliste, le renforcement des capacités des journalistes. En d’autres termes, travailler à améliorer le pilier de la démocratie qu’est la presse.

Quelles sont les sources de financement du Centre de presse?

D’abord il y a eu des démarches pour obtenir ce bâtiment. Donc, nous ne sommes pas anti-étatiques, mais nous sommes indépendants. Ensuite, nous avons des projets que nous élaborons et nous les soumettons aux bailleurs de fond. On planifie les activités sur plusieurs années et on cherche des partenaires qui nous financent. Je peux citer l’ambassade du Danemark, celui de la Suède, la Coopération suisse, l’ambassade de France …

Que représente cette lampe allumée au Centre de presse Norbert Zongo ?

La lampe allumée symbolise l’idée d’allumer une flamme pour montrer l’attachement des hommes de médias à ce que la lumière se fasse sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Quand on célébrait le 3 mai 1999, on a décidé dans la cérémonie du 3 mai, d’allumer une flamme, une lumière. On a cherché quelque chose pour symboliser. Finalement on a pensé à la lampe parce que c’est un symbole du manque de lumière dans nos villages, dans nos campagnes. L’idée était que la lampe soit allumée du 03 mai au 07 mai, jour où la commission d’enquête devait rendre son rapport. On se disait que si ce jour la commission fait la lumière sur l’assassinat de Norbert Zongo, nous, on éteint notre lumière. Sauf que depuis dix-huit ans, la lumière n’est toujours pas faite. J’ai hâte de l’éteindre.

Quels sont les services qu’offre le Centre de presse ?

C’est un centre de ressource pour les journalistes. Il y a une salle de lecture ouverte au public. Nous organisons des panels-débats, des conférences débats. Nous avons une bibliothèque qui peut être consultée. Nous avons un cyber au tarif très avantageux. De même, nous avons un cafeteria où les gens peuvent se rencontrer.

Comment est dirigé le CNPZ ?

Les trois organisations  fondatrices ont désigné des membres qui forment le comité de pilotage. Ils assurent la présidence de manière tournante. Tous les quatre mois, il y a un président. Quand il y a une décision importante, toutes les trois organisations se réunissent. Il y a l’administration dont je suis le gestionnaire avec un personnel composé d’assistant de direction, de chauffeurs, de secrétaire, de comptable…

Cela fait 18 ans que Norbert Zongo a été assassiné. Quelles sont les attentes du CNPZ ?

Justice ! Justice ! Justice ! Les gens n’ont qu’à faire pardon. Vraiment, on veut éteindre la lampe. Ils n’ont qu’à faire pardon. Sous Blaise Compaoré, on pouvait comprendre qu’ils ne fassent pas justice. Mais depuis, on a changé. On n’attend rien d’autre que la justice. Ce n’est pas nous seulement. Tout le Burkina veut la justice. N’oubliez pas que le 13 décembre est l’élément déclencheur et catalyseur qui a abouti à l’insurrection. Il ne faut pas que les gens s’amusent avec.

 

 

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