La maladie à Corona virus au Burkina Faso : perceptions et attentes de la population

Ils sont au nombre de onze chercheurs burkinabè qui ont décidé de se pencher sur la maladie à coronavirus. Non pas forcement pour trouver un vaccin où des médicaments pour guérir de la maladie, mais pour cerner les perceptions et les attentes de nos populations relativement à ce virus. Ils sont sociologues, philosophes, médecins, communicateurs, historiens, géographes, démographes et proviennent des Université Joseph Ki-Zerbo, Ouaga II, Norbert Zongo et l’Institut des Sciences des Sociétés.  Ces chercheurs ont interrogé 254 personnes en ligne, réparties sur l’ensemble du territoire national, mais aussi basées à Paris, à Yamoussoukro, à Niamey, à New-York et à Atlanta. Les chercheurs Burkinabè nous révèlent qu’à côté des tenants de la théorie du complot, d’autres trouvent une origine divine, magico-religieuse à la maladie. Ces personnes qui représentent 3,8% des enquêtés estiment que le Covid-19 constitue une sorte de mise en garde faite par Dieu à un monde qui se croit de plus en plus puissant et qui ne s’impose aucune limite dans sa volonté de dompter la nature : « une maladie satanique, mais permise par Dieu pour parler aux hommes ». Aussi, certains enquêtés estiment que le gouvernement n’a pas fait preuve de sérieux et d’anticipation dans la lutte contre la propagation du Covid-19. Néanmoins les populations sont disposées à appliquer les mesures dites de barrières, mais souhaitent qu’il leur soit facilité l’accès aux éléments importants de la lutte comme le gel hydro-alcoolique et les bavettes dont les coûts ont connu une envolée extraordinaire. Les enquêtés souhaitent également une intensification des tests. En tous les cas, elles souhaitent que le gouvernement prenne le leadership en matière de communication sur le Covid-19, les fakes-news ayant pion sur rue. Bendré vous propose in extenso cette étude.

Introduction

Le Corona Virus Desease 2019 (Covid-19) a été découvert en Chine en fin 2019. Depuis cette date, le virus se propage de son foyer d’origine de Wuhan pour s’étendre dans le monde entier et gagner désormais les pays d’Afrique dont le Burkina Faso où les premiers cas ont été officiellement signalés le 09 mars 2020. Pour limiter la propagation du virus, plusieurs initiatives sont prises au niveau des États : elles vont du respect des gestes barrières édictées par les spécialistes en santé publique aux mesures sociales en passant par les mesures politiques et géostratégiques (fermeture des frontières et des aéroports, instauration de couvre-feu, etc.). Aujourd’hui, la vitesse de propagation du virus commande que chaque discipline scientifique se mette au travail et aide à comprendre la dynamique de la maladie. C’est dans cette dynamique de lutte contre le coronavirus qu’une équipe pluridisciplinaire de chercheurs en sciences sociales a initié une enquête en ligne auprès des habitants de plusieurs localités du pays afin de connaitre les représentations qu’ils ont de la maladie, leur appréciation des mesures prises et leurs besoins en matière d’informations. Ces trois éléments se structurent pour former un modèle d’analyse dans lequel ils trouvent leur cohérence. En effet, l’idée derrière cette orientation de recherche c’est que (1) le comportement de chaque individu est fonction de l’idée qu’il se fait de la maladie (les représentations). (2) Ces représentations structurent sa pensée, constituant ainsi un cadre d’analyse qui forge ses opinions sur les mesures adoptées aux fins de barrer la route à la maladie dans notre pays. (3) Ces représentations (fausses et bonnes connaissances) constituent un véritable révélateur des besoins en matière d’information dans le cadre de la résilience face à la maladie, ce qui peut éclairer l’action publique dans l’orientation de la communication.

1.     Présentation de la recherche et caractéristiques des répondants

Une enquête quantitative, en ligne, a été menée auprès de 354 personnes réparties sur l’ensemble du territoire national, mais aussi d’autres pays de l’Afrique et des autres continents. Cette enquête s’est déroulée de Mars à Avril 2020. Des populations des villes déjà touchées et non ont été enquêtées. La participation à cette enquête était volontaire et sans un critère particulier de discrimination. Tous les deux sexes sont représentés dans l’échantillon, de même que toutes les religions et les niveaux d’instruction comme le montre le tableau ci-après.

Tableau 1. Caractéristiques socio-démographiques des enquêtés

Religion Niveau scolaire
Musulmans Catholiques Protestants Animistes Supérieur Secondaire Primaire Illettrés
47,3% 36,5% 12,1% 5,1% 89,8% 8,9% 1% 0,6%
Sexe Groupe d’âge
Masculin Féminin Moins de 25 ans 25-34 ans 35-44 ans 45 ans ou plus Âge moyen : 38,3 ans
82,3% 17,7% 14,9% 23,9% 31,3% 29 ,9%

Source : données de l’enquête mars-avril 2020

Il apparait que les personnes de niveau supérieur sont les plus représentées dans l’échantillon. Cela se justifie par le procédé méthodologique adopté. En effet, nous avons opté pour un remplissage du questionnaire en ligne, et la forte représentativité des personnes de ce niveau peut se justifier par le fait que ce sont elles qui disposent des terminaux mobiles qui facilitent la connexion sur Internet. La population enquêtée a un âge compris entre 18 et 70 ans. Au niveau de l’occupation professionnelle, les enquêtés se répartissent comme suit : 34,6% de fonctionnaires du public ; 33,3% d’élèves et étudiants ; 22,0% de travailleurs du privé ; 7,5% de profession libérale et 2,5% du secteur informel et des commerçants. Les enquêtés sont répartis sur l’ensemble du territoire national, avec une forte représentativité de ceux résidant à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso comme le montre la carte ci-dessous. Au-delà du Burkina Faso, des enquêtés ont répondu aux questions depuis Niamey (Niger), Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), Paris (France), New York et Atlanta (USA).

Carte 1. Répartition géographique des enquêtés sur le territoire national

2.     Connaissances et représentations de la maladie à Covid-19

La représentation de la maladie est un processus cognitif construit à partir des informations auxquelles on a accès. Elle peut également être une construction sociale qui s’appuie sur des éléments autres que ceux qui relèvent de la logique biomédicale. La population concernée par cette enquête est une population à majorité lettrée et citadine, donc la population qui a le plus accès à l’information sur la maladie. Ainsi, une grande proportion sait que la maladie à Coronavirus est une maladie virale dont la « première transmission s’est faite de l’animal à l’homme et par la suite, elle se transmet de l’homme à l’homme » (homme de 30 ans, niveau d’études supérieures). Un nombre important de personnes enquêtées connaissent non seulement l’origine de l’agent pathogène, mais aussi le foyer humain de départ de cette pandémie comme le montre le graphique ci-après.

 

Si les réponses données sur l’origine animale du virus laissent à première vue apparaître une bonne connaissance du virus, le croisement avec d’autres variables laisse voir que les enquêtés pensent que le virus serait parti de l’animal à la suite d’une manipulation génétique non maîtrisée : « je pense que le coronavirus tel que nous le connaissons aujourd’hui vient de manipulations génétiques par l’homme à des fins militaires » (enquêtée de sexe féminin, 22 ans, niveau d’études supérieures). Le virus serait une fabrication humaine selon plusieurs personnes. C’est une écrasante majorité des enquêtés qui estiment que le virus a été créé par les grandes puissances dans leur guerre pour dominer le monde. Cette idée a été forgée par les premiers débats et les accusations entre les États-Unis et la Chine sur l’origine du virus. Ces accusations entre deux puissances économiques sont prises au sérieux par certains enquêtés qui voient en le Covid-19, « une arme biologique fabriquée pour servir dans la guerre entre les États-Unis et le reste du monde » (homme de 26 ans, niveau d’études supérieures). Des enquêtés pensent que le Covid-19 « s’inscrit dans la logique de la tournure catastrophique prise par la volonté prométhéenne de dominer le monde annoncée à l’aube des temps modernes par Descartes dans son Discours sur la méthode (VIè partie) où on peut lire que la raison et ses exploits dans les différents domaines des savoirs et de la technique, vont permettre « de nous rendre maîtres et possesseurs de la nature » comme le dit Mohamed-Chérif Ferjani[i].

À côté des tenants de la théorie du complot, d’autres trouvent une origine divine, magico-religieuse à la maladie. Ces personnes qui représentent 3,8% des enquêtés estiment que le Covid-19 constitue une sorte de mise en garde faite par Dieu à un monde qui se croit de plus en plus puissant et qui ne s’impose aucune limite dans sa volonté de dompter la nature : « une maladie satanique, mais permise par Dieu pour parler aux hommes ».

Même si les enquêtés n’ont pas de position unanime sur l’origine de ce virus, ils estiment en être concernés. Pour cela, chacun cherche à avoir toutes les informations permettant de s’en protéger.

Par ailleurs, on peut relever que la grande majorité connait les signes à partir desquels on peut soupçonner une personne d’être porteuse du Covid-19. Les signes énumérés sont : le rhume, la toux, la fièvre, les maux de tête, le mal de gorge, les difficultés respiratoires, etc. Les enquêtés considèrent la maladie comme « très dangereuse ». Ce jugement vient du fait qu’ils sont nombreux à relever qu’il n’y a pas de vaccin contre le virus, ni de traitement. En plus d’être difficile à être prise en charge au niveau médical, son taux de contagion est jugé très élevé. Ce qui explique que les enquêtés sont plus dominés par le sentiment de peur (74,4%) que de confiance (25,6%).

Graphique 2. Sentiment des enquêtés face à la propagation du Covid-19

Source : enquête de terrain, mars-avril 2020

Les données de l’enquête montrent que c’est une très grande majorité de personnes qui ont peur de la maladie et manifestent un sentiment d’insécurité dans ce contexte. Cette attitude face à la pandémie permet de comprendre le développement de la psychose face à l’annonce et la communication autour des premiers cas de contagion et des premiers cas de morts. La peur vient aussi du jugement et des doutes que les personnes émettent sur la qualité de la préparation et la réelle capacité de l’État à prendre en charge les personnes testées positives.

3.     Perceptions des mesures contre le Covid-19

La pandémie du Covid-19 constitue un problème de santé publique. La gestion de la crise repose donc sur des mesures de santé publique. Les autorités sanitaires et politiques de notre pays se sont donc inspirées des mesures déjà prises ailleurs et considérées comme efficaces pour stopper la propagation du virus. Les regroupements de plus de 50 personnes sont interdits. Les autorités publiques ont lancé un appel à rester chez soi si les déplacements ne sont pas nécessaires. Par la suite, les lieux de culte ont été fermés, les manifestations publiques interdites. Les bars et maquis et restaurants ont été invités à ne plus servir les clients que lorsque ceux-ci demandent à emporter leurs commandes. Des marchés et yaars ont été fermés. Un couvre-feu de 19 heures à 5 heures a été instauré. Les transports publics à l’exception du transport de marchandises sont interdits. Les frontières du pays sont fermées. Les villes et sites touchés par le Covid-19 ont été mis en quarantaine. Des essais cliniques sont annoncés afin de trouver le meilleur traitement pour venir à bout de la maladie.

Pour ce qui est de l’appréciation des mécanismes de gestion, certains enquêtés estiment que le gouvernement n’a pas fait preuve de sérieux et d’anticipation dans la lutte contre la propagation du Covid-19. Ils auraient voulu que, dès les premières contagions hors de la Chine, un dispositif soit mis en place et des réflexions sur les acteurs à impliquer et les pistes de recherches de traitements.

On a noté une lenteur dans la prise de certaines mesures dès le début de la crise au Burkina. C’est le cas de la fermeture de l’aéroport qui est intervenue tardivement, ce qui allait limiter la contamination. Par ailleurs, certaines mesures ont été prises de façon hâtive (homme de 39 ans, niveau d’études supérieures).

Les premiers moments de la pandémie au Burkina Faso ont laissé entrevoir une certaine impréparation, qui laisse croire qu’aucun dispositif de prise en charge n’a pas été préparé avant de diagnostiquer les premiers cas.

L’une des mesures fortes prises est la mise en quarantaine des villes ayant connu des cas positifs et la fermeture des marchés, les lieux de spectacle et des lieux de cultes ainsi que des restrictions sur les événements pouvant drainer du monde. Bien que ces mesures soient d’abord perçues comme des mesures indispensables pour contrer la propagation du virus, les difficiles conditions socio-économiques de la grande partie des ménages ont entraîné un débat sur la soutenabilité de ces mesures. Les populations restent convaincues que ce sont les bonnes mesures, mais comme le dit Francis Akindes[ii], « le confinement est la seule solution face au coronavirus, mais il risque de déboucher sur des émeutes ». Effectivement, au regard des conditions économiques des populations, les mesures de quarantaine peuvent être efficaces, à condition qu’elles ne soient pas longues. La particularité des modes de vie des populations africaines semble constituer une contrainte à la soutenabilité de telles dispositions, à en croire certains analystes comme Mamadou H. Dicko :

L’une [des mesures] implique des restrictions extraordinaires sur la mobilité. Cela peut être réalisable à court terme mais difficile, voire impossible pour les pays africains où le secteur informel est très important et environ 80% de la population vit directement ou indirectement du secteur agricole[iii]..

Dans ce contexte, les premières mesures n’avaient pas rassuré les populations à partir du moment où elles n’étaient accompagnées d’aucune mesure sociale. Elles les trouvaient insuffisantes et surtout à même de créer des situations aussi graves que le coronavirus. En effet, beaucoup trouvaient inadaptée l’heure du couvre-feu et dangereuse l’absence de mesures pour accompagner les couches sociales les plus pauvres de la population. L’annonce des mesures telles que la gratuité de l’eau et de l’électricité pour certaines franges de la population, le don de vivres, l’ouverture de boutiques-témoins pour les céréales, l’aménagement d’espaces spécifiques dans les communes pour la vente des produits frais de l’agriculture et du maraichage a contribué à atténuer la fronde qui se susurrait contre la mesure de la quarantaine et l’interdiction des transports collectifs.

Par ailleurs, on peut noter que les populations sont disposées à appliquer les mesures dites de barrières, mais souhaitent qu’il leur soit facilité l’accès aux éléments importants de la lutte comme le gel hydro-alcoolique et les bavettes dont les coûts ont connu une envolée extraordinaire. Les enquêtés souhaitent une intensification des tests, ce qui permettra une prise en charge précoce des personnes porteuses du virus, et une grande chance de rompre la chaîne de transmission. Les propos de cet enquêté (homme de 39 ans, niveau d’études supérieures), résume bien les attentes exprimées à ce propos :

Commander rapidement les tests de dépistage rapide pour procéder à un dépistage systématique de la population, toute chose qui va limiter les contagions. Il faut aussi contrôler davantage les prix des produits de grande consommation pour éviter leur flambée ; apaiser le climat social en suspendant l’application de l’IUTS des agents publics.

La difficulté de la quarantaine et de la fermeture des activités du secteur informel vient du fait que cette catégorie de la population est déjà dans une économie de débrouille et leur survie dépend d’un exercice quotidien de leurs activités. Elles font ainsi face à un dilemme : prendre le risque de sortir et se voir contaminés par le virus ou rester à la maison et mourir de faim. C’est en substance ce que dit le Secrétaire Général du Syndicat national des taximens du Burkina (SYNTAB)[iv] : « si le taximan ne sort pas, il ne mange pas. On ne peut pas demander à quelqu’un qui vit au jour le jour d’arrêter subitement ses activités. […] Il y a la maladie, mais la faim aussi risque de tuer les gens ». Face à une telle situation, la crainte est que la recherche de la solution pour limiter la propagation du mal ne se transforme en un contexte favorable de naissance de crises sociales. Dans ce contexte général, la communication s’avère capitale en vue de barrer la voie aux rumeurs et autres fake news qui ne font que radicaliser les positions.

4.     Entre rumeurs et fake news : quelles informations pour les populations dans ce contexte de lutte contre le Covid-19 ?

Le début du Covid-19 a été accompagné de rumeurs sur la résistance des Africains du fait qu’ils auraient un système immunitaire résistant au virus, mais aussi de leur structure démographique (jeunesse) et des conditions climatiques de l’Afrique dominées par de fortes chaleurs.

Aussi l’identité des premières personnes testées positives[1] au Burkina Faso a-t-elle contribué à accentuer chez les populations l’idée selon laquelle le coronavirus est une maladie de personnes aisées prenant l’avion, et fréquentant les classes privilégiées. À cause de ces clichés, plusieurs personnes ne se sentaient pas concernées par la maladie et par conséquent n’ont pas voulu adopter les gestes barrières.

Les fake news ont insisté aussi sur le fait que seules les personnes faibles (morbides) et du troisième âge présentent des risques face au Covid-19. Cette idée est restée forte même avec les informations faisant cas de décès de personnes plus jeunes. En regardant de près les personnes qui déclarent n’être pas concernées par le Covid-19, on se rend compte que ce sont des jeunes dont la moyenne d’âge est de 27 ans. Ces personnes pensent ne pas présenter de risque face au Covid-19. Justement, ce sentiment d’être protégé a amené certains d’entre eux à ne pas se sentir concernés par les mesures édictées, notamment le couvre-feu et le port des bavettes.

L’absence de cellule de crise fonctionnelle mise en place pour une gestion de la communication en cette période de crise n’a pas permis aux autorités sanitaires de canaliser la communication et de donner aux populations les informations justes dont elles ont besoin. C’est pourquoi les idées reçues ont continué à faire leur bonhomme de chemin, car, les populations ont eu recours à diverses sources souvent non fondées, et ont été confrontées à des informations contradictoires et suspectes sur le Covid-19. Les données de la présente étude permettent de remarquer que la grande majorité des populations déclarent s’informer sur le Covid-19 à partir des médias classiques (de toute nature et de toute origine), et sur les réseaux sociaux.

 

Ce qui est remarquable, c’est la prééminence des réseaux sociaux d’une part et le faible score des sources officielles gouvernementales d’autre part dans l’information des populations sur le coronavirus. La faible présence de l’État et de ses démembrements dans la production et la diffusion de l’information a laissé place à toutes sortes de spéculations et d’indexation avec des conséquences sur la sérénité des populations. Si les informations journalières permettent aux populations d’avoir une idée sur l’évolution de la maladie, il reste que celles-ci ont des besoins spécifiques en matière d’informations qui ne sont pas comblées par le point journalier et la conférence de presse de la Coordination du comité national de réponse à la pandémie du Covid-19. Depuis que celle-ci est devenue hebdomadaire, la soif de l’explication des chiffres donnés par le point journalier connait une augmentation.

Les besoins d’informations des populations sur le Coronavirus ont un point d’achoppement avec l’éthique médicale. Les populations veulent que le gouvernement donne des informations sur l’identité des personnes infectées. En plus de l’identité des malades, elles estiment que connaître avec précision les zones d’habitation des malades peut contribuer à faciliter la lutte. Une telle demande a été satisfaite par la suite, avec la diffusion des zones de la ville de Ouagadougou touchées par la maladie. Seulement, à ce jour, on ne sait pas si cette diffusion de la cartographie des lieux de résidence des malades ait donné les résultats attendus. Ces zones précisées ne sont ni en quarantaine, ni en confinement total. Les populations dans leurs déplacements quotidiens continuent à y aller et revenir, sans qu’on ne ressente chez elles l’inquiétude de fréquenter ces zones.

L’esprit d’automédication fortement ancré dans le comportement des populations les amène également à avoir un besoin spécifique : connaître les médicaments qui ont permis de guérir les malades. Particulièrement sur ce dernier besoin, une fois que l’information est disponible, la surenchère autour des produits connaîtra son apogée.

Face à cette situation, une réorientation de la communication sur le Covid-19 s’impose. Il faut un leadership assumé de l’État, et des messages de sensibilisation centrés sur les connaissances et les perceptions du Covid-19. Les enquêtés souhaitent que le gouvernement prenne le leadership et le devant dans la communication sur le coronavirus et non être dans la réaction pour démentir ou recadrer des données. La présence des membres du gouvernement dans la communication permettra de rassurer les populations que non seulement le gouvernement s’en préoccupe, mais en plus, qu’il se bat pour trouver des solutions. Pour les canaux de communication, le graphique suivant fait la synthèse des attentes des populations.

 

Les populations souhaitent que le gouvernement prenne le leadership en matière de communication sur le Covid-19, mais associe les promoteurs de radios et de télévisions privées afin que tout le territoire puisse être couvert. Pour que les informations atteignent leurs cibles, les populations ont fait le choix de la pragmatique : radio, télévision, continuité des conférences de presse du gouvernement qui seront diffusées par ces radios et télévisions, diffusion des messages à travers les compagnies de téléphonie mobile et les réseaux sociaux. Il y a un intérêt particulier pour les émissions télévisuelles. Il y a également les crieurs publics qui pourraient aider pour toucher les populations dans les quartiers et les villages ayant des difficultés d’accès aux canaux précités. C’est également le lieu d’impliquer les leaders religieux et d’opinions dans la lutte. La communication devrait être une communication permanente et dynamique sur l’évolution de la pandémie, des traitements en cours, mais aussi des messages qui déconstruisent les idées reçues sur le Covid-19.

5.     Que faire ?

Les connaissances et les discours des enquêtés laissent entrevoir un réel besoin de communication sur le Covid-19. Cette communication doit associer une déconstruction des préjugés avec la participation des scientifiques, mais aussi une implication des populations. Le besoin de communication allant au-delà des aspects biomédicaux de la lutte contre la pandémie, il sied de réserver une place à l’explication des fondements des mesures barrières. De façon pragmatique et suivant les meilleurs canaux de communication énumérés par les enquêtés, le gouvernement peut mettre en place une plateforme de radios et télévisions qui diffusent la même émission au même moment et sur toute l’étendue du territoire.

En mettant l’accent sur les besoins et les façons de voir des individus et des groupes, la participation devient le concept clé de la communication. La mise en place de processus horizontaux dans lesquels les gens sont associés directement au processus de communication et sont amenés à formuler eux-mêmes leurs problèmes et à prendre conscience de nouvelles possibilités, ainsi que la prise en considération de leurs connaissances et de leurs façons de voir dans le processus de communication, constituent les éléments majeurs de la réussite de la lutte. Les processus à mettre en place sont essentiellement interactifs et participatifs à tous les niveaux, ce qui rejoint la mission globale de la cellule chargée de coordonner la riposte contre Covid-19.

Équipe de recherche

Dr Bouraïman ZONGO, Sociologue, Université Joseph Ki-Zerbo, bouraiz@yahoo.fr

Dr Paul Marie MOYENGA, Sociologue, Université Joseph Ki-Zerbo, moyenga_pm@yahoo.fr

Dr Zakaria SORÉ, Sociologue, Université Joseph Ki-Zerbo, sorefils@gmail.com

Dr Marcel BAGARÉ, Communicateur, Université Norbert Zongo, marcel.bagare@yahoo.fr

Dr Isidore YANOGO, Géographe, Université Norbert Zongo, yanogoisi@gmail.com

Dr Moumini NIAONÉ, Médecin, Université Joseph Ki-Zerbo, moumini.niaone@gmail.com

Dr Boubié BAZIÉ, Historien, Université Joseph Ki-Zerbo, boubiebazie@gmail.com

Dr David ILBOUDO, Sociologue, Université Ouaga2, isdosi2000@yahoo.fr

Dr Fatié OUATTARA, Philosophe, Université Joseph Ki-Zerbo, ofatjoe2003@yahoo.fr

Dr Lassané YAMEOGO, Communicateur, Institut des Sciences des Sociétés, lassyameogo@yahoo.fr

Zakaliyat BONKOUNGOU, Démographe, bzakaliyat@gmail.com

[1] Le couple du Pasteur Mahamadou Karambiri qui a été le premier à être testé positif avait participé à un rassemblement évangélique à Mulhouse en France. Après ce couple, les personnes atteintes dont les identités ont été révélées sont des ministres. Plusieurs autres malades à l’intérieur du pays sont des travailleurs des sociétés minières. La première personne officiellement déclarée morte de la maladie était une députée.

[i]Mohamed-Chérif Ferjani, https//osae-marsad.org/2020/04/04/avant-et-apres-corona-virus-des-enseignements-pour-l-avenir, consulté le 4 avril 2020.

[ii] https//www.jeuneafrique.com/919507/politique/francis-akindes-le-confinement-est-la-seule-solution-face-au-coronavirus-mais-il-risque-de-deboucher-sur-des-emeutes, consulté le 3 avril 2020.

[iii] Mamoudou H. Dicko, https://lefaso.net/spip.php?article95832, consulté le 5 avril 2020.

[iv] https//lefaso.net/spip.php?article95788, consuté le 5 avril2020.

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