Procès du putsch : Diendéré jusqu’au bout de la forfaiture

On le savait malin, et même félin, mais avant ce putsch foireux qui a fini par le conduire à la barre du tribunal, on s’attendait à ce que le général Gilbert Diendéré prenne un peu plus de hauteur. Les échos de son audition publique n’augurent pas d’une quelconque volonté de dire la vérité. Bien au contraire, il s’est enfoncé, un peu plus.

Morceau choisi, ses déclarations sur la Loi portant statut des forces armées. Le 26 novembre dernier devant le tribunal militaire, il a laissé entendre que «lors du vote ce jour-là, le Président du CNT a reçu un bout de papier lui demandant de modifier les différents grades. Il l’a fait et n’a pipé mot pour ne pas que les militaires qui étaient présents ne s’en rendent compte». Pour Diendéré, on pouvait donc «modifier une Loi» par un simple bout de papier. Quelle horreur, quel gros mensonge devant les médias qui n’ont pas manqué de rapporter cette grossièreté indigne d’un officier supérieur qui a passé plus de trois décennies dans les arcanes du pouvoir.

C’est la preuve qu’une fois encore, Diendéré n’a jamais rien compris du fonctionnement des institutions de la république. Rien d’étonnant puisque, durant le long règne de Blaise Compaoré, il a toujours usé de la ruse et surtout de la force pour obliger les autres à faire ce que veut son patron. Il a oublié la cinglante leçon de démocratie qui leur a été infligée par les insurgés. Et continuait de croire qu’au sein du Conseil national de la Transition, quelqu’un pouvait se permettre de faire adopter ses désidératas en faisant passer juste un bout de papier.  Si c’était aussi facile à faire, les députés acquis à la cause de Blaise Compaoré n’auraient pas eu besoin de prendre leurs jambes à leurs coups le 30 octobre 2014. Il suffisait juste que le président de l’Assemblée nationale de l’époque modifie l’article 37 et le tour était joué.

Cette déclaration de Diendéré est symptomatique de la conception qu’il a toujours eue du pouvoir et des institutions qui l’incarnaient. Il ne peut pas comprendre qu’avant de présenter une Loi en plénière, celle-ci passe d’abord par une Commission qui l’examine, procède à des auditions et propose des amendements. Ayant été habitué à forcer les gens, à les torturer et à assassiner ceux qui s’opposaient à la volonté de son patron, il n’avait pas de place dans sa tête pour la procédure législative. Pour lui, lorsque le patron veut quelque chose, il l’exprime à travers un bout de papier et le Président de l’Assemblée nationale la répercute simplement.

Tout a une fin

Heureusement que le peuple burkinabè a fini par prendre conscience de cette imposture généralisée sous le règne de Compaoré et s’est héroïquement ligué pour y mettre un terme. Et pas seulement. Lorsque le général-félon, ses complices et ses acolytes ont voulu récidiver en décidant leur foireux coup de force contre les institutions de la transition, la réaction du peuple a été des plus claires. La résistance populaire a été farouche et la forfaiture n’a duré qu’une petite semaine, le temps de permettre à Gilbert Diendéré de se rendre à l’évidence que son costume de général-président était visiblement trop grand pour lui.

C’est bien cela la vérité qu’il continue de refuser de reconnaître et d’assumer devant la juridiction militaire. Cela, malgré les preuves évidentes qui l’accablent. Le pire dans sa posture, c’est de vouloir remettre toutes les accusations portées contre lui sur le dos des chefs militaires de l’époque. Comme si, durant tout le temps où il faisait la pluie et le beau temps dans ce pays, il avait pensé un seul instant être sous les ordres d’une quelconque hiérarchie. N’est-ce pas lui qui faisait et défaisait les patrons de l’Armée ? N’est-ce pas prendre les gens pour des «nez percés» que de croire que lui, Gilbert Diendéré avait besoin de l’approbation de la hiérarchie militaire pour faire un coup d’État ?

Diendéré joue la mauvaise carte

A la vérité, le général-félon joue la plus mauvaise carte de sa défense devant le tribunal militaire. Son objectif de noyer toute l’armée dans l’espoir de s’en sortir avec des situations atténuantes. Comme si les déclarations qu’il avait faites pendant et après le putsch n’étaient pas suffisantes pour l’acculer simplement. On se rappelle d’ailleurs que la fameuse réunion qu’il a tenue avec la hiérarchie militaire dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015 était destinée en réalité à faire avaler la couleuvre à ses frères d’armes en les mettant devant le fait accompli. Manque de pot pour lui, plusieurs chefs militaires et pas des moindres ont eu le réflexe de lui dire niet. Dans ce vilain jeu pour se disculper, on avait déjà vu certains complices du général jeté le tort sur Mgr Paul Ouédraogo, l’archevêque de Bobo-Dioulasso  qui avait été convié à la rencontre de cette nuit-là.

En attendant les déclarations de son célèbre co-accusé qui n’est autre que le général Djibril Bassolé, Gilbert Diendéré ne semble pas prêt à faire son mea culpa. Encore moins à réaffirmer que le putsch n’a été que la plus grosse erreur qu’il n’aurait jamais dû commettre. Car, la marche du peuple burkinabè était simplement irréversible. La question que l’on peut légitimement se poser est de savoir s’il ne va pas droit dans le mur, donc jusqu’au bout de sa forfaiture.

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