Putsch du 16 septembre 2015 Les révélations du médecin du président Kafando

Après la fin des interrogatoires complémentaires, le Tribunal militaire de Ouagadougou a enclenché l’audition des personnes citées comme témoin dans l’affaire putsch de septembre 2015. Ils sont plus de quarante et ce vendredi 1er février 2019, c’est le médecin colonel-major Saidou Yonaba  qui a comparu devant les juges. Trouvez dans les lignes qui suivent les extraits exclusifs de ses déclarations devant le juge d’instruction et en barre d’audience.

« Concernant le coup d’Etat, je tiens à préciser que je n’étais pas présent à Ouagadougou. J’étais en mission officielle à Koudougou avec le Comité national de lutte contre le VIH SIDA. Le 16 septembre 2015, vers 17h, j’ai reçu un appel du Général Diendéré qui m’a demandé ma position. Je lui ai signifié que j’étais à Koudougou. Il m’a demandé de rejoindre Ouagadougou immédiatement. J’ai instruit mon conducteur de faire mouvement vers Ouagadougou. A l’entrée de Ouagadougou, le téléphone de mon conducteur ne cessait de sonner. Je l’ai donné l’ordre de décrocher. C’est son interlocuteur qui lui a dit qu’il y a coup d’Etat. Quand nous sommes arrivés au centre-ville, il y avait des barricades partout. J’ai continué à mon domicile pour me mettre en tenue militaire avant de continuer au camp Naaba Kom. J’ai trouvé le Général Diendéré, l’ancien président Jean Baptiste Ouédraogo et l’archevêque de Bobo-Dioulasso. Ces derniers tentaient une médiation. Etant dans le couloir, j’entendais les discussions qui étaient devenues tendues vers la fin de la réunion. Les soldats voulaient prendre Jean Baptiste Ouédraogo et monseigneur pour les enfermer dans le même lieu que les autorités. C’est le Général qui est intervenu en personne pour les conduire dans son propre véhicule pour les amener hors du camp. Quand le Général est revenu, il m’a dit que les soldats ont arrêté les autorités et que le président ne se sentait pas bien. Les soldats m’ont conduit à la résidence. Le président Kafando se trouvait au premier étage. Je lui ai demandé s’il avait pris ses médicaments. Il a dit non parce qu’il n’avait rien mangé de la journée. Puisque le conseil des ministres n’est pas allé à son terme. Ces médicaments n’étaient pas disponibles. On commandait cela en France. Et à chaque fois, je commandais ses médicaments, je gardais une boite par devers moi. Comme le président n’avait personne à la maison qui puisse trouver son médicament, j’ai dû repartir chez moi dans la nuit pour chercher la boite que j’avais gardée chez moi. Quand je suis revenu, j’ai été bloqué par des soldats qui étaient à la résidence parce que les éléments qui m’avaient accompagné la première fois n’étaient plus présents… Finalement, j’ai administré des soins au président Kafando. Quand j’ai fini, le ministre Bagoro m’a dit que ça n’allait pas aussi. Je me suis rendu en ville vers 3h du matin pour chercher des médicaments pour lui administrer. Je suis reparti au bureau. Vers 5h ou 6h, j’ai reçu un appel du Général me demandant d’aller m’enquérir de l’état de santé des ministres qui étaient gardés à la présidence. Selon le Général, ces ministres étaient mal en point. Je m’y suis rendu. J’ai demandé qui sont ceux qui n’étaient pas en forme. Ils étaient près de 2H. Je n’avais pas les moyens pour les prendre tous en charge. Je suis retourné à l’infirmerie et vers 7h, j’ai été informé que les ministres ont été libérés. Par la suite, on m’a informé que le premier ministre était détenu dans le même bâtiment que le président Kafando. Il y avait dans la même chambre le ministre Loada. Je lui ai demandé si ça va. Il n’a pas pu répondre. Il a fondu en larmes. Le quatrième jour(ou quatrième fois), son état de santé se dégradait. J’ai placé un produit sur sa langue. Il a fallu de peu qu’il soit victime d’une paralysie. Je les rendais visite trois fois par jour. J’ai rejoint le Général. Je lui ai brossé la situation sanitaire du président Kafando. Le Général est sorti pour convaincre les soldats de laisser le président rejoindre son domicile. Nous avons été encerclés par des soldats excités à cause des produits dopants qu’ils prenaient. Six d’entre eux étaient hospitalisés à l’infirmerie à cause de ses produits dopants. Le Général a dit que si le président Kafando meurt, on aura tous des problèmes. Quand j’ai voulu partir avec les véhicules affectés pour conduire le président Kafando, les soldats ont fait barrage. J’ai fait le point au Général qui a envoyé le Capitaine Dao Abdoulaye et certains éléments pour me permettre de faire partir le président chez lui. Pour moi, ma mission était terminée. Mais humainement, je ne pouvais pas laisser le ministre Bagoro comme ça. Il était difficile de les laisser dans cet état. Il saignait. Je l’ai administré des soins… ».

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