Terrorisme au Burkina Faso : Deux condamnations et une relaxe

Les premières audiences du Pool anti terrorisme du Tribunal de grande instance de Ouaga 2 ont été bouclées le vendredi 13 août 2021 à Ouagadougou. Quatre dossiers étaient au rôle au dernier jour de la session de ce pool judiciaire spécialisé créé en 2017.

Ousmane Moussa Dicko reste en prison. Il a été condamné à 10 ans de prison fermes avec une période de sureté de 7 ans. Il doit payer à l’Etat burkinabè un million de francs CFA d’amende. Le jeune Ousmane Moussa Dicko a été reconnu coupable d’association de malfaiteur, de détention illégale d’armes à feu et de munitions et de dégradation volontaire de biens, le tout en lien avec une entreprise terroriste. Que s’est-il passé ? Dans la nuit du 23 au 24 mars 2017, la mine d’Inata au Sahel du Burkina Faso a été attaquée par des hommes armés.

« Les assaillants ont essayé d’incendier la station de pompage. Ils n’ont pas pu. Ils se sont dirigés vers le château d’eau où ils ont tiré pour l’endommager », a relaté le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouaga-2. Après les faits, ils ont pris la poudre d’escampette. Une enquête a été ouverte. Les officiers de police judiciaire se transportent sur les lieux pour des constatations d’usage. « Sur place, ils ont retrouvé un téléphone portable et un chargeur garni de 30 minutions », poursuit le parquet. Une réquisition à personne qualifiée a été faite aux téléphonies pour identifier le propriétaire du téléphone.

Les enquêteurs ne s’arrêtent pas là. Ils se dirigent cette fois-ci vers l’Office national d’identification pour avoir l’identité exacte et la photo du propriétaire du téléphone trouvé. Les éléments de l’enquête sont formels : il s’agit de Moussa Ousmane Dicko. C’est donc clair, il faut aller chercher le bonhomme. Interpellé, le prévenu a commencé par donner une autre identité. D’abord celle de son frère puis celle de son oncle. Son épouse et son frère entendus ont confirmé son identité. A la barre, le mis en cause nie sa participation à l’attaque de la mine. Pour lui, si son téléphone a été retrouvé sur les lieux de l’attaque, c’est parce qu’il l’avait remis à un certain Idi et ce dernier a passé le même téléphone à un certain Ousseni Boukari.

Selon le parquet, la présence du téléphone sur la scène de crime n’est pas anodine. « Si son téléphone a été retrouvé là-bas, c’est parce qu’il était et a participé à l’attaque. Lorsque les assaillants sont arrivés, ils ont voulu saboter le château d’eau pour priver la mine d’eau. L’objectif, c’est de faire quitter la société dans la zone », analyse le procureur. Pour lui, les infractions d’association de malfaiteur, de dégradation volontaire de biens et de détention illégale d’armes à feu et de munitions sont amplement caractérisées à l’égard du prévenu. Il a requis 10 ans de prison fermes avec une période de sureté de 7 ans et 1 000 000 de francs CFA d’amende ferme. Il a été suivi par le Tribunal.

La mine d’or d’Inata avait auparavant été attaquée à la roquette le 27 novembre 2015. Courant janvier 2017, un bâtiment abritant des expatriés a été la cible d’une attaque armée, a rappelé le ministère public dans ses réquisitions.

21 ans fermes pour Kassoum Cissé

Kassoum Cissé reste en prison jusqu’en 2040. Il a écopé de 21 ans d’emprisonnement fermes pour association de malfaiteurs et dégradation volontaire de biens en relation avec une entreprise terroriste. Cet homme de 31 ans qui se présente comme un Malien a été mis aux arrêts deux ans après l’attaque de la Brigade territoriale de gendarmerie de Bourzanga dans le Centre-nord du pays. Des individus armés avaient ouvert le feu sur la caserne militaire dans la nuit du 6 au 7 novembre 2017. Du matériel, des motos, cahiers d’informations et des amendes forfaitaures, l’ordinateur de bureau, des motocyclettes, le poste téléviseur ont ont été détruits. Les enquêtes ont permis de mettre aux arrêts Kassoum Cissé. Détenu dans une brigade de gendarmerie de Kongoussi, il a gardé silence. C’est le juge d’instruction qui a pu le faire parler. Et dans le cabinet du magistrat, il a fait des révélations, il a reconnu avoir participé à l’attaque de la Brigade de gendarmerie de Bourzanga. Il a révélé au juge qu’il appartient à un groupe terroriste de 15 membres composés de 12 Peuls et de 3 Bella. Le groupe est basé entre Nassoumbou, Djibo et un autre village. Après l’attaque, une couverture de cahier a été retrouvée et porte des écritures en arabe qui disent en substance « les secrets d’Ansarul d’Ibrahim Malam vont s’étendre jusqu’en Afghanistan… » Selon le procureur, ce message est un acte de revendication de l’attaque perpétrée. Lors de sa garde à vue, la gendarmerie de Kongoussi a été attaquée par des individus armés qui ont tenté de les libérer. « N’eut été les éléments de sureté (menottes) qui étaient sur lui, il se serait évadé », a précisé le parquet.

A la barre, Kassoum Cissé, berger de 31 ans, père de six enfants, a changé de version. « Il n’a rien fait. Il n’appartient pas à un groupe terroriste. Il n’a pas participé à l’attaque de la brigade. J’étais au marché, et on est venu m’arrêter pour me mettre en prison », clame le prévenu qui parle tantôt français, souvent fulfuldé et même tamashek.

Oumarou Issa Barry, lui, a eu plus de chance. Il a été relaxé au bénéfice du doute. Le procureur avait requis à son encontre 21 ans de prison fermes. Il avait été interpellé en février 2019 par le Commissariat central de police de Ouahigouya pour une affaire de vol. Il a été soupçonné de terrorisme par les enquêteurs au regard de certaines de ses déclarations. Le tribunal n’a pas suivi l’ordonnance du juge d’instruction et les réquisitions du procureur du Faso. Oumarou Issa Barry doit donc être remis en liberté s’il n’est détenu pour autre fait.

Par Fatim Traoré

Laisser un commentaire

shares